Éco-Business

Industrie pharmaceutique. La résilience du secteur mise à rude épreuve

Les secteurs économiques ont dû s’adapter pour faire face à la crise sanitaire. C’est le cas de l’industrie pharmaceutique qui a immédiatement mis en place des mesures pour assurer la continuité de la fabrication et la distribution des médicaments. Des mesures préventives draconiennes d’hygiène et de distanciation ont été prises afin d’assurer la sécurité du personnel (contrôle des accès aux sites, désinfection systématique des espaces, distribution de gels et de masques, limitation des rassemblements, recours au télétravail…). Le secteur a également mis à l’ arrêt les activités de promotion médicale de sorte à limiter les risques de propagation du virus et de permettre aux médecins d’assurer le suivi de leurs patients. «La production de médicaments a été maintenue en dépit des tensions importantes en termes d’approvisionnement des matières et articles, reflétant ainsi une forte dépendance du secteur à l’importation», souligne Mohamed Houbachi, président de l’Association marocaine du médicament générique (AMMG) lors d’un webinaire organisé récemment sous le thème «Comment réussir le déconfinement sur le plan sanitaire et économique ?».

Tensions
La pression sur le secteur émane aussi des restrictions de commandes par plusieurs fournisseurs et l’arrêt du fret durant un certain temps. À cela s’ajoute la hausse importante des coûts du transport. Ceci dit, «malgré les contraintes rencontrées, aucune rupture n’a été déclarée pour les médicaments fabriqués, notamment les médicaments génériques. Il y a eu une réactivité non seulement des acteurs de santé, mais aussi une réactivité exemplaire des acteurs économiques (ex: fabrication immédiate de masques à prix imbattables et très récemment de tests Covid-19 100% marocains»), souligne Houbachi. Pour ce dernier, la résilience du secteur a été mise à rude épreuve, «en cause, une dépendance importante aux importations de matières premières, une baisse de 40% du chiffre d’affaires de l’industrie depuis janvier 2020, sans oublier la hausse des prix de plusieurs intrants (matières premières, articles…) et les retards constatés dans les différents projets et dans les obtentions des autorisations administratives».

Faiblesses structurelles
La crise sanitaire a démontré que le secteur souffre de faiblesses structurelles, mais qui ne sont pas pour autant insurmontables. Il s’agit entre autres du modèle de développement, internationalisé, qui reste fortement dépendant sur les volets de la fabrication et des chaînes logistiques. Le secteur souffre également d’une faible intégration du secteur puisque la majorité des principes actifs sont importés des pays asiatiques, plus compétitifs, et l’innovation et R&D sont ultra dépendantes des multinationales.

Améliorer l’accès aux médicaments
«Renforcer la fabrication locale et promouvoir à grande échelle les médicaments génériques» trouvent plus que jamais leur justification dans cette crise afin de garantir l’accessibilité aux patients. Les médicaments génériques représentent aujourd’hui 39% du marché. «Nous sommes encore loin des 50% préconisés par le contrat-programme signé devant Sa Majesté le Roi en 2003. L’AMMG a d’ailleurs remis au ministre de la Santé un mémorandum contenant des propositions concrètes pour atteindre cet objectif. À signaler, aussi, la baisse de la fabrication locale qui est passée de 85% durant les années 1980 à moins de 60% actuellement», souligne le président de l’AMMG. Pour cette association, il est aujourd’hui important de revoir la réglementation des compléments alimentaires, promouvoir l’utilisation des médicaments génériques ainsi que la généralisation de la couverture sociale au plus grand nombre de personnes. Les autres recommandations de l’association portent sur la facilitation de l’obtention des autorisations de mise sur le marché (AMM) pour les premiers génériques fabriqués localement (guichet Fast track) ainsi que la digitalisation des échanges avec la direction du médicament et de la pharmacie (DM). L’AMMG préconise également la mise en place de mesures d’encouragement à la fabrication locale et l’instauration d’une référence nationale pour les appels d’offres. Il est aussi question d’assurer des formations continues pour le personnel du secteur, notamment dans le domaine des biotechnologies.

Des mesures économiques
«La réponse que nous apporterons dans le monde post-Covid-19 passera essentiellement par notre capacité à gagner en compétitivité. Il faut se détacher progressivement de notre dépendance à l’importation. Il faut aussi encourager les initiatives de recherche et développement et l’innovation qui va assurer à l’industrie locale son autonomie et privilégier la fabrication locale à l’importation quand cela est possible», recommande le président de l’AMMG. La relance du secteur passe aussi par la création d’un écosystème pharmaceutique plus intégré et innovant. Dans ce sillage, l’AMMG recommande d’instaurer une réglementation adaptée et des incitations industrielles (projets industriels & transfert de technologie) et l’inscription dans les nouvelles orientations stratégiques pharmaceutiques mondiales (biotechnologies, cannabis médical, vaccins, intelligence artificielle…). Pour rappel, seulement 10% de notre fabrication locale est exportée. Un Marocain dépense à peine 430 DH par an en médicaments. Ce montant est le plus faible de la région. Sur les 330 MDH d’investissement du secteur, 1% est dédié à la R&D, le reste étant consacré au renouvellement de l’outil industriel.



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