Fin des « imams détachés » en France. Ce qu’en pensent les Oulémas
A nouvelle décision, nouvelle polémique. Il était clair que la sortie médiatique du président français, hier mardi, allait faire parler d’elle eu égard au sujet dont il était question: le « séparatisme islamiste ». Ce fut le cas !
Ayant annoncé lors de son déplacement consacré au « séparatisme islamiste », que la France allait mettre fin à l’accueil des quelque 300 imams envoyés par divers pays (Maroc, Turquie, Algérie…) et augmenter en parallèle le nombre d’imams formés en France, Macron suscite moults réactions.
Parmi elles, celle du Conseil français du culte musulman (CFCM). Si la France veut supprimer le système des « imams détachés » venus de l’étranger, elle devra « trouver une solution » pour éviter de laisser ses mosquées « à la merci d’intégristes », a ainsi estimé ce mercredi un responsable du CFCM.
C’est d’ici à 2024 que l’Hexagone compte ainsi mettre à exécution cette décision, comme l’a indiqué mercredi matin le ministre de l’Intérieur Christophe Castaner.
« Je ne sais pas si c’est faisable ou pas », a déclaré à l’AFP Abdallah Zekri, délégué général du CFCM. « Ça peut marcher, mais il faudra former d’autres imams ».
Sans s’opposer au projet du gouvernement, Zekri estime que le système des détachés a un avantage: les imams, qui restent plusieurs années, viennent par le biais de conventions bilatérales, sont connus et leurs discours sont suivis par les autorités françaises.
Ces 250 à 300 imams – quelque 70 d’Algérie, 50 du Maroc et 120 à 130 de Turquie – s’ajoutent en France à quelque 600 autres, employés directement par des mosquées, souligne-t-il.
Les imams détachés « n’ont jamais posé de problème: pas un n’est fiché S (NDLR: pour radicalisation), n’a commis un acte terroriste ou n’a fait des discours » extrémistes ou anti-républicains, dit-il.
« Or, s’ils partent sans être remplacés, ça peut poser des problèmes. Il faut trouver une autre solution pour ne pas laisser ces mosquées vivre sans imam et, surtout, livrées à des imams autoproclamés dont on ne connaît ni la provenance, ni les discours », ajoute-t-il.
Pour éviter cela, « il faut former en France davantage d’imams qui connaissant les lois de la République, la laïcité, etc » et augmenter le nombre de centres de formation, souligne Zekri.
Selon lui, il faudra également trouver des ressources pour payer les nouveaux imams. Les détachés sont payés par leur pays d’origine, « ce qui fait une économie appréciable pour les mosquées », dit-il. « Si l’État veut avoir des imams français républicains, il faut qu’il mette la main à la poche ».
De son côté, le président du Conseil français du culte musulman, Mohammed Moussaoui, qui était l’invité de BFMTV ce mercredi, s’est montré compréhensif des motivations de cette décision.
« La première génération de musulmans pouvait comprendre facilement la langue arabe ou la langue turque. Aujourd’hui, force est de constater que la plupart des fidèles de mosquée sont des jeunes (…) qui ne comprennent pas forcément ces langues. Je pense qu’il est temps (…) que des imams étrangers soient remplacés par des imams français formés en France », a-t-il indiqué à la chaîne française.
Affirmant que cette situation – le fait que des imams ne puissent pas « dialoguer » avec les jeunes fidèles – représente 10% des cas (300 imams), le patron du CFCM évoque la tendance de ces jeunes à aller se renseigner davantage sur Internet ou sur les réseaux sociaux.
Mohammed Moussaoui estime par ailleurs qu’il y a encore beaucoup à faire pour organiser le culte musulman en France: « C’est important de se restructurer, de se donner tous les moyens pour pouvoir être présent suffisamment sur le terrain. (…) Nous devrions former mieux nos cadres religieux, tenir un discours qui est clair et qui est rassembleur, (…) qui déconstruit la propagande extrémiste qui se propage », a-t-il souligné.
Et d’appeler à ce que les musulmans soient considérés comme des citoyens français « à part entière ».
La France compte au total 2.500 à 2.700 mosquées et dans celles qui n’ont d’imam, « les prières sont assurées par des fidèles volontaires qui connaissent le Coran », note pour sa part Zekri.
Nous allons protéger les libertés de chacun en luttant contre le séparatisme islamiste. Voici comment : pic.twitter.com/nn7N3LkDrJ
— Élysée (@Elysee) February 18, 2020