Politique

Dialogue social. Syndicats et gouvernement à couteaux tirés

Les priorités du gouvernement ne sont pas celles des syndicats. Le gouvernement aspire à faire passer le projet de loi organique sur le droit de grève ainsi que la réforme du Code du travail. Les partenaires sociaux, eux, attendent au moins une baisse de l’IR et la déduction des frais de scolarité des impôts.

Les syndicats ne se font pas d’illusions : aucune nouvelle avancée d’ordre matériel ne sera actée durant le reste du mandat gouvernemental. Mais les partenaires sociaux ne comptent pas lâcher du lest. Ils maintiennent en effet tous les points de leur cahier revendicatif, à commencer par la baisse de l’impôt sur le revenu et la déduction des frais de scolarité des enfants de l’IR. Du côté du gouvernement, la priorité porte plutôt sur les négociations sur les législations de travail, après l’effort financier qui a été déployé dans le cadre de l’accord de 2019 qui nécessite une enveloppe de 14, 25 MMDH. On s’attend, ainsi, à ce que le round du dialogue social de 2020 soit marqué par des discussions animées sur les textes litigeux Et à leur tête, le projet de loi organique sur le droit de grève qui a été transféré par le gouvernement de Benkirane au parlement en octobre 2016. L’examen de ce texte n’a jamais été programmé au sein de la chambre basse en raison des réticences des centrales syndicales.

Mission difficile
Les partenaires sociaux appellent le gouvernement à formuler un nouveau texte sur la base de concertations tripartites. Il est difficile de convaincre les syndicats de négocier l’amendement du projet de loi organique. Les centrales prônent toujours son retrait du parlement en vue d’élaborer un nouveau texte qui assure l’équilibre entre le droit de grève et la garantie de la liberté du travail.

À cet égard, le gouvernement est appelé à se conformer aux principes de l’OIT et aux normes internationales fondamentales (conventions 87 et 98). Le gouvernement ne compte visiblement pas fléchir face au bras de fer des syndicats qui rejettent du fond en comble ce texte trop controversé depuis son adoption par le précédent gouvernement. La mission de l’Exécutif s’annonce compliquée car les syndicats sont unanimes sur ce dossier, ce qui n’est pas le cas sur les autres dossiers revendicatifs. Les partenaires sociaux plaident pour la mise en place des préalables comme l’application du code de travail et l’assainissement du climat social avant de discuter le projet de loi organique sur la grève. Les syndicats ont toujours plaidé pour la résolution des causes qui déclenchent les appels à la grève et à leur tête le non-respect des dispositions du code de travail.

En outre, les partenaires sociaux critiquent vertement les ponctions sur les salaires des grévistes avant même de conclure un accord entre les différentes parties concernées.

Confrontation musclée
Un autre dossier risque d’attiser les tensions dans le cadre du dialogue social tripartite : le projet de loi sur les syndicats dont une mouture a été envoyée aux centrales syndicales après des années de tergiversations. On s’attend à une confrontation musclée entre l’exécutif et les partenaires sociaux sur ce dossier. Il faut dire que certains syndicats, notamment l’UMT, se sont toujours prononcés contre l’adoption d’une loi réglementant l’échiquier syndical estimant, d’une part, que l’action syndicale est déjà régie par le code du travail et le dahir de 1957 et, d’autre part, qu’il faut en premier lieu assainir le climat social avant de mettre en place un nouveau texte. Des arguments qui ne sont pas partagés par l’exécutif qui fait prévaloir la nécessité d’implémenter les dispositions de la loi fondamentale. L’article 8 de la constitution stipule en effet que la loi détermine les règles relatives notamment à la constitution des organisations syndicales, aux activités et aux critères d’octroi du soutien financier de l’État, ainsi qu’aux modalités de contrôle de leur financement. Visiblement, le gouvernement ne compte pas, cette fois-ci, lâcher prise face aux réticences syndicales. L’urgence de l’adoption de cette loi pour réglementer l’échiquier syndical s’impose afin d’instaurer la démocratie interne, favoriser le renouvellement de l’élite et garantir la transparence financière.

Engagement gouvernemental
Par ailleurs, le dossier le plus compliqué est celui de la réforme du code du travail. C’est un engagement de Saâd Dine Othmani dans la déclaration gouvernementale. Réussira-t-il à honorer cette promesse qui est très attendue par le patronat ? Rien n’est moins sûr au vu de l’opposition des syndicats. Le bras de fer s’annonce serré sur ce dossier épineux. Rappelons que ce point était inscrit à l’ordre du jour du précédent round du dialogue social, mais n’a pas encore été discuté avec le patronat et les centrales syndicales. Le gouvernement s’est engagé à travers l’accord conclu avec les partenaires sociaux et économiques en 2019 à ouvrir les discussions sur ce chantier ainsi que sur la publication du décret relatif aux contrats de travail à durée déterminée et la révision des conditions applicables aux contrats de travail temporaire.

Législation : les revendications des syndicats
Le gouvernement est appelé à régler quelques questions d’ordre juridique avant de mettre sur les rails de nouveaux textes controversés. À titre d’exemple, la ratification de la convention internationale 87 sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical est considérée par les syndicats comme l’un des préalables essentiels à l’adoption du projet de la loi organique sur le droit de grève ainsi qu’à la réforme du Code du Travail. Le royaume n’a pas encore franchi ce pas en raison des dispositions constitutionnelles. Outre la ratification de cette convention qui fait partie du cahier revendicatif des syndicats depuis des années, l’abrogation de l’article 288 du code pénal fait également partie des doléances syndicales. Cet article est jugé trop restrictif au droit de grève car il comporte des peines d’emprisonnement.



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