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Officialisation de l’amazigh : Appel à la révision des projets de loi organique

Le gouvernement est très attendu sur la mise en œuvre de l’officialisation de l’amazigh durant les premiers mois de son mandat. Les activistes amazighs sont aux aguets. Ils réclament, outre l’accélération de la cadence, l’amendement des deux projets de loi organique portant sur le caractère officiel de l’amazigh et le Conseil national des langues et de la culture marocaine.

Le gouvernement d’El Othmani est appelé à parachever le chantier constitutionnel, à commencer par le dossier de l’officialisation effective de l’amazigh. Les deux projets de loi organique soumis par le précédent gouvernement au Parlement ne passeront visiblement pas comme une lettre à la poste.

Les activistes amazighs exigent leur révision avant de lancer le débat au sein de l’institution législative. Avant même la présentation de la déclaration gouvernementale, prévue mercredi prochain, le mouvement amazigh constitué de dizaines d’associations a adressé une lettre au nouveau chef de gouvernement pour qu’il prenne le dossier à bras-le-corps. Les acteurs associatifs aspirent non seulement à l’accélération de la cadence pour entamer la mise en place de l’officialisation de l’amazigh, mais aussi à la prise en considération de leurs propositions. Il s’agit notamment de «l’obligation» de la généralisation de l’enseignement de l’amazigh au niveau de tous les cycles. Cet objectif n’est pas facile à concrétiser à court terme. La généralisation de cet enseignement nécessite, en effet, la mobilisation de ressources humaines qualifiées ainsi que des ressources financières importantes. La situation actuelle de l’enseignement de l’amazigh est pointée du doigt. Le bilan est jugé modeste par la société civile. L’avènement de l’amazigh dans le système éducatif marocain, rappelons-le, date de l’année scolaire 2003/2004 avec 317 classes.

Aujourd’hui, ce chiffre s’élève à plus de 22.000. Quelque 600.000 élèves suivent des cours d’amazigh dans différentes régions sur un total d’environ sept millions. Le Maroc ne dispose actuellement que de 5.000 enseignants d’amazigh. C’est très peu pour réaliser l’ambition de la généralisation de cet enseignement dans les années à venir. Il reste que le problème fondamental est celui de la formation du nombre nécessaire d’enseignants. Au niveau de l’enseignement supérieur, seulement quatre universités ont mis en place des études en amazigh.

Le recteur de l’Institut royal de la culture amazighe (IRCAM), Ahmed Boukous, reconnaît que le pays n’a pas les moyens de généraliser à court terme l’enseignement de l’amazigh au niveau de tous les cycles. Cependant, il estime nécessaire d’élaborer un plan stratégique précisant les actions à court et moyen termes. Outre ce point crucial, la prise en considération de la langue amazighe en tant que langue officielle de l’État marocain, plutôt que simple langue de communication dans les institutions et les administrations, figure en tête des doléances. Le mouvement amazigh met également l’accent sur la nécessité de l’utilisation du tifinagh comme graphie unique pour l’écriture de l’amazigh. Dans le domaine des médias, on estime que les différentes chaînes ne respectent pas les prescriptions de leurs cahiers des charges. Le recteur de l’IRCAM regrette le «peu de place» réservé à l’amazigh au niveau de la première et de la deuxième chaines, son absence de Medi1TV ainsi que la diffusion limitée de la huitième chaîne qui émet encore entre 14h et minuit, alors que l’engagement portait sur une diffusion sur 18 heures puis 24 heures. 


Ahmed Boukous
Recteur de l’IRCAM

Les Inspirations ÉCO : Quelles sont vos attentes, vis-à-vis du nouveau gouvernement ?
Ahmed Boukous : À l’IRCAM, nous estimons que le retard accusé dans la promulgation des deux lois qui concernent l’amazigh est préjudiciable à la mise en œuvre de la politique de l’État en matière de promotion de la langue. Le nouveau gouvernement doit faire en sorte que les deux projets de loi soient promulgués dans les meilleurs délais. Le projet de loi relatif à la mise en œuvre du statut officiel de l’amazigh comporte des points positifs. La démarche est globalement satisfaisante, mais certains détails doivent être révisés. Il s’agit notamment de la langue amazighe. Dans le projet, il est question de dialecte.

Au niveau de l’enseignement de l’amazigh, le caractère obligatoire ne concerne que le cycle primaire sans précision pour le collège, le lycée et l’université. C’est un manque grave. Dans le domaine de l’utilisation de l’amazigh dans certaines institutions, il faut réviser les dispositions du texte. À titre d’exemple, en ce qui concerne le ministère de la Justice, on mentionne uniquement la traduction et l’interprétariat alors que la langue amazighe en tant que langue officielle devrait servir aussi dans les plaidoiries des avocats, les interventions des magistrats… On ne peut pas juger les gens en utilisant une langue que les justiciables ne comprennent pas. C’est une aberration. S’agissant des débats au sein du Parlement, le texte mentionne la traduction et l’interprétariat. Ce n’est pas ce qui est demandé. Nous espérons que le projet en question sera revu et amendé dans le sens souhaité.

Que pensez-vous du futur statut de l’IRCAM ?
En vertu des dispositions du projet de loi sur le Conseil des langues et de la culture marocaine, le sort réservé à l’IRCAM est très peu enviable. Il va perdre son autonomie administrative et financière. Il ne pourra plus travailler comme il l’a fait depuis sa création. Ce sera une petite institution à laquelle on aura ôté l’essentiel de ses prérogatives et missions. Par exemple, l’IRCAM ne pourra plus donner d’avis au gouvernement ou à l’autorité de tutelle sur les questions relatives à la promotion de l’amazigh. Il va devenir une petite institution sans moyens.

La mise en œuvre du caractère officiel de l’amazigh est un chantier très lourd qui sera progressif. Quelles seront les priorités ?
Dans les projets, on considère que la mise en œuvre du statut officiel de l’amazigh se fera en trois étapes. Certaines tâches doivent être réalisées sur cinq ans, d’autres sur dix ans voire sur quinze ans. Nous estimons que le délai de quinze ans est très long car nous avons déjà perdu six ans. Il faut prioriser. Pour nous, la tâche principale est la généralisation de l’enseignement de l’amazigh. Ce qui implique la création de postes budgétaires et la formation d’enseignants. La priorité doit aussi être accordée à la capitalisation de tout ce qui a été réalisé par l’IRCAM. Il serait absurde de mettre de côté tout ce qui a été fait par l’IRCAM dans le domaine de la recherche scientifique, la promotion de la culture, des arts, du partenariat avec les associations et les médias… Toutes ces questions doivent être prises en considération car elles ont coûté de l’argent au pays et aux contribuables.

Outre l’adoption des lois, quels sont les préalables pour réussir le chantier de l’officialisation de l’amazigh ?
Pour réussir le chantier de l’officialisation de l’amazigh, il faut commencer par accepter le fait que l’amazigh fasse partie du patrimoine de tous les Marocains, qu’ils s’expriment en amazigh ou d’une autre langue.  


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