Éco-BusinessTable ronde

ESG : réglementations et nouvelles directives à l’horizon

La montée en puissance de l’ESG reflète une évolution significative dans la manière dont les entreprises abordent leur responsabilité sociale et environnementale. Cette transition marque un changement de paradigme, où la performance extra-financière est désormais aussi cruciale que la performance financière.

Depuis quelques années, le Maroc a été témoin d’une montée significative de l’attention portée à la notion d’ESG, entendue comme Environmental, Social and Governance. Cette évolution soulève la question de savoir si cette transition ne représente pas simplement une transformation de la Responsabilité Sociale des Entreprises (RSE) vers l’ESG, ou si elle reflète plutôt une évolution plus large. «La RSE constitue indéniablement l’un des piliers de l’ESG. Traditionnellement, la RSE englobe les pratiques, politiques et actions des entreprises en matière de responsabilité sociale et environnementale, dictées par des engagements internes. En revanche, les critères ESG vont au-delà de ces pratiques, mesurant la performance extra-financière des entreprises selon des critères environnementaux, sociaux et de gouvernance», apprend-on de Assia Benhida, Partner Market & ESG Leader Maghreb – PwC Maroc, lors de la table ronde organisée par Les Inspirations ÉCO, sous le thème : «Conformité aux critères ESG : où en sont les entreprises au Maroc ?’». Elle explique que cette transition vers l’ESG s’inscrit dans une tendance mondiale, où l’importance croissante de la performance extra-financière est devenue indéniable. L’experte explique que les entreprises sont désormais tenues, dans certains cas, de publier un rapport intégré annuel, combinant des dimensions financières et extra-financières, afin de refléter leur performance globale. Cette évolution marque un changement fondamental dans la manière dont les entreprises sont évaluées et perçues. «Le Royaume suit ainsi la trajectoire mondiale en matière de réglementation ESG, soulignant son engagement à harmoniser ses pratiques avec les normes internationales», assure-t-elle.

ESG is the new digital
En ce qui concerne le monde de l’entreprise, il y a une idée qui circule : on dit souvent que «ESG is the new digital». Mais qu’est-ce que cela signifie vraiment ? «Pour comprendre cette idée, il faut d’abord se rappeler de la révolution digitale. Cette révolution a pris du temps pour se propager dans l’économie et toucher toutes les entreprises, environ 10 à 15 ans.

En revanche, la vague de l’ESG, qui englobe les considérations environnementales, sociales et de gouvernance, se propage beaucoup plus rapidement. En seulement 2 à 3 ans, voire 4, elle est déjà en train de transformer la façon dont les entreprises fonctionnent.

«Cette accélération est évidente dans les réglementations de plus en plus strictes en matière d’environnement, de responsabilité sociale et de gouvernance», explique-t-elle.

Elle souligne que la gouvernance, en particulier, est devenue un pilier essentiel, car les attentes en matière de transparence et de responsabilité sont en hausse. Les entreprises sont désormais confrontées à une pression croissante pour intégrer les considérations ESG dans leur stratégie globale, leurs produits et services, ainsi que dans leurs pratiques internes à tous les niveaux.

Cette exigence provient à la fois des réglementations internationales accélérées et des attentes croissantes des parties prenantes, notamment face aux défis environnementaux tels que le changement climatique. Au Maroc, en plus des réglementations strictement liées à l’environnement et aux problématiques telles que le stress hydrique, il y a des avancées significatives dans d’autres domaines.

«Par exemple, nous avons mis en place un mécanisme d’ajustement carbone aux frontières pour encourager la décarbonation. Cela signifie que les entreprises marocaines exportatrices de produits à forte teneur en carbone doivent prendre des mesures pour réduire leurs émissions de carbone», met en avant Assia Benhida.

Et d’affirmer que de grandes entreprises ont déjà commencé à mettre en œuvre ces mesures. Elle souligne que même les exportateurs plus petits doivent suivre cette réglementation pour rester en conformité. De même, une autre réglementation importante qui continuera à évoluer au Maroc concerne la finance climatique ou la finance durable.

«Cela inclut l’intégration des risques liés au climat dans le secteur financier, ainsi que dans les opérations de financement. Cela montre que le pays reconnaît l’importance de prendre en compte les risques climatiques dans les décisions financières afin de promouvoir la durabilité et la résilience économique à long terme», soutient-elle.

Bientôt de nouvelles directives
Une réunion importante a récemment été organisée par le Wali de Bank Al Maghrib, Abdellatif Jouahri, où il a été annoncé que de nouvelles directives sur la finance climatique et durable seront publiées en 2024. Ces directives viendront compléter la première directive émise en 2020 pour le secteur financier.

Parmi les annonces notables figure l’obligation de reporting pour les entreprises faisant appel public à l’épargne, conformément à la circulaire de l’Autorité marocaine du marché des capitaux (AMMC). Cette évolution est significative car elle reflète une tendance vers une plus grande transparence et responsabilité des entreprises en matière de performance extrafinancière.

Actuellement, les exigences de reporting de l’AMMC sont relativement simples pour les entreprises faisant appel public à l’épargne, mais il est prévu qu’elles soient alignées sur les normes internationales, notamment celles de la CSRD en Europe, apprend-on de l’experte.

Cette évolution du référentiel de l’AMMC aura un impact sur un plus grand nombre d’entreprises, étendant ainsi le champ d’application du reporting extrafinancier. Cela devient un élément incontournable pour la réputation, l’image de marque et la performance extrafinancière des entreprises.

Par ailleurs, Assia Benhida fait remarquer que la dimension de durabilité et d’ESG est devenue un critère essentiel pour les institutions internationales qui financent des projets au Maroc. «De plus, les investissements responsables gagnent en importance, avec une attention particulière portée aux critères ESG lors des opérations de fusion-acquisition», conclut-elle.

Kenza Aziouzi / Les Inspirations ÉCO



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