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Can ya makan : le Maroc et la CAN, une longue histoire de désillusions

Depuis leur sacre en 1976, les Lions de l’Atlas ont entamé une longue traversée du désert. Retour sur un demi-siècle de crève-cœurs.

1976 : À jamais les premiers
Le contexte : C’est la deuxième apparition en Coupe d’Afrique pour le Maroc, qui avait effectué son baptême du feu 4 ans plus tôt à la CAN 1972 au Cameroun (éliminé au premier tour), et n’avait pas passé les éliminatoires de l’édition de 1974 en Égypte. Le parcours : Cette CAN 1976 en Éthiopie, qui compte huit participants répartis en deux groupes, reconduit le format assez spécial de 1959 : pas de match à élimination directe, le second tour consistant en une poule unique réunissant les deux premiers de chaque groupe. C’est le vainqueur de cette poule qui est sacré champion d’Afrique. À l’époque, la victoire rapporte 2 points. Emmené par la légende Ahmed Faras, le Maroc hérite du groupe B, aux côtés du Nigéria, du Soudan, et du Zaïre, tenant du titre. La sélection, alors entraînée par le technicien roumain Gheorghe Mardarescu, termine en tête de son groupe, invaincue, avec un bilan de deux victoires (3-1 contre le Nigéria et 1-0 contre le Zaïre), et un nul (2-2) contre le Soudan. Dans la poule finale, les Lions de l’Atlas signent deux victoires étriquées contre l’Égypte puis le Nigéria (encore !) sur le même score de 2-1. Dans une CAN sans finale, le dernier match contre le Syli de Guinée, dauphin des Lions au classement, en a tout l’air. La sélection guinéenne qui a dominé le groupe A, démarre le deuxième tour par un nul (1-1) contre le Nigéria et une victoire (4-2) sur l’Égypte. Une victoire contre le Maroc est impérative aux Guinéens pour soulever le trophée. Les Lions de l’Atlas, eux, ont juste besoin du nul pour monter sur le toit de l’Afrique. La Bande à Faras, qui s’apprête à passer le flambeau à la génération de Dolmy, est mal embarqué dans cette «finale», concédant l’ouverture du score peu après la demi-heure de jeu (Souleymane Cherif, 33e minute), le salut des Lions viendra en toute fin de match, d’une frappe lointaine d’Ahmed Makrouh («Baba») en fin de match (86e). Le Maroc remporte son premier trophée.

1978 : Atterrissage brutal
Le contexte : Invaincu lors de la précédente CAN, le Maroc arrive au Ghana qualifié en tant que tenant du titre. Mais la défense de ce titre va tourner court. Les Lions de l’Atlas quittent la compétition dès le premier tour. Le parcours : Cette fois le groupe B ne porte pas chance à la sélection marocaine, qui doit jouer des coudes avec l’Ouganda, la Tunisie, et le Congo. Tenu en échec par la Tunisie (1-1) lors de son entrée en lice, le Maroc se remet en selle en battant le Congo (1-0) lors de la deuxième journée. Tous les espoirs sont donc permis avant le dernier match face à l’Ouganda, futur finaliste. Espoirs que le redoutable duo offensif composé par Phillip Omondi (meilleur buteur de l’édition avec 4 réalisations) et Godfrey Kisitu (dauphin au classement des buteurs, avec 3 réalisations) fait voler en éclats. Le Maroc quitte la compétition sur une cinglante défaite (3-0). Pour sa dernière Coupe d’Afrique, Ahmed Faras, qui reste à ce jour le meilleur buteur de la sélection, aurait rêvé mieux.

1980 : Le lot de consolation
Le contexte : Après le cauchemar de 78, une nouvelle génération prend le pouvoir. C’est celle des Badou Zaki, Abdelaziz Bouderbala et autre Mohammed Timoumi. Ils rêvaient de remporter la grande finale, ils devront se contenter de la petite.
Le parcours : Le Maroc est une nouvelle fois placé dans le groupe B, cette fois en compagnie de l’Algérie, du Ghana, et d’une vieille connaissance, la Guinée. Les Lions sont accrochés d’entrée par le Syli, puis défaits in extremis par l’Algérie de Belloumi lors de la dernière journée. Pour éviter de revivre le traumatisme de 78, il faut une victoire contre le Ghana, tenant du titre, archifavori, qui doit l’emporter pour espérer accéder au tour suivant. L’équipe alors entrainée par Just Fontaine réussit le hold-up parfait grâce à l’unique but signé Khalid Labied. Revoilà le Maroc dans le dernier carré d’une Coupe d’Afrique. C’est le Nigéria, futur vainqueur de l’épreuve, qui stoppe la course des Lions le 19 mars 1980, devant son public du Surulere Stadium de Lagos. Le Maroc s’offre le lot de consolation de cette CAN en remportant la petite finale face à l’Égypte (2-0), grâce à deux nouveaux buts de Labied, qui terminera meilleur buteur de la compétition (3 buts), ex aequo avec le Nigérian Segun Odegbami.

1986 : Un goût d’inachevé
Le contexte : Le parcours en dents de scie du Maroc en Coupe d’Afrique se poursuit par deux absences des éditions de 1982 en Libye et de 1984 en Côte d’Ivoire. En 1986, la bande à Zaki et Krimau a gagné en maturité, et s’apprête à écrire l’histoire en Coupe du monde. Les prémices ont été aperçus trois mois plus tôt lors de la CAN en Égypte, mais là encore, le succès n’est pas au rendez-vous.
Le parcours : Dans un groupe… B très relevé, le Maroc retrouve l’Algérie, le Cameroun (tenant du titre), et la Zambie de Kalusha Bwalya. A défaut d’être flamboyant en attaque, le Maroc de Faria est discipliné avec une défense tenue de main de maître par le roc Mustapha El Biaz, et peut se reposer sur un dernier rempart quasiment infranchissable en la personne de Badou Zaki. Ce dernier ne concèdera qu’un but durant le premier tour, contre le Cameroun de Milla (1-1), futur finaliste. Le Maroc termine deuxième avec un bilan de deux nuls et une victoire (1-0 contre la Zambie), mais tombe en demi-finale contre l’Égypte, avant de s’incliner une nouvelle fois lors du match de classement (face à la Côte d’Ivoire). Dix ans après son sacre, le Maroc doit encore patienter pour remettre la main sur le trophée.

1988 : Stupeur à Casablanca
Le contexte : À domicile, et après une campagne héroïque en Coupe du monde où le Maroc est devenu deux ans plus tôt la première nation africaine à sortir de sa poule, les Lions de l’Atlas y croient. Rien a priori ne pourrait les empêcher de garder le trophée à la maison. Mais rien ne va se passer comme prévu…Le parcours : La génération héroïque de 1986 rêve du titre qui cimenterait sa place dans la légende. Cette CAN 1988, qui lui semble promise, sera marquée par une succession de faux pas, et ce, dès le match d’ouverture. Contre le Zaïre, Krimau ouvre le score sur pénalty, mais les Lions de l’Atlas, réduits à 10 après l’expulsion de Khairi à l’entame de la dernière demi-heure de jeu, concède l’égalisation à deux minutes de la fin du match (1-1). Dans un Stade Mohammed V de Casablanca chauffé à blanc, le Maroc se remet la tête à l’endroit contre l’Algérie lors de la deuxième journée de la phase de poule, grâce à une formule bien rodée depuis deux ans : une défense de fer, et un Zaki impérial sur sa ligne. Devant, Mustapha El Haddaoui reprend idéalement une déviation de Bouderbala pour inscrire l’unique but de la rencontre. Trois jours plus tard, c’est sur un nouveau match nul que la sélection conclut son premier tour face à la Côte d’Ivoire (0-0). La demi-finale contre le Cameroun est un de ces matches où rien ne marche. Au milieu, Dolmy régale, devant, Krimau, El Haddaoui et Bouderbala multiplient les coups de butoir, mais ne trouvent pas la faille. Derrière, la muraille Zaki est infranchissable… jusqu’à la 78e minute et une frappe déviée de Makanaky. La douche froide pour le bouillant public casablancais. Le Maroc ne s’en remettra pas, et doit déjà dire adieu à «sa» CAN (finalement remportée par le Cameroun). Il n’en tirera même pas le lot de consolation, puisque les Lions de l’Atlas s’inclinent lors de la «petite finale» aux tirs au but contre… l’Algérie. Pouvait-on rêver pire comme sortie ?

1998 : Un nouvel espoir
Le contexte : Les Lions de l’Atlas peinent à se remettre du fiasco de la CAN à domicile. Et enchaînent les désillusions. Ils ne sont jamais vu au-delà, lorsqu’ils réussissent à s’extraire des qualifications. 1998 marque leur retour dans une compétition qui accueille désormais 16 équipes. Le parcours :  C’est désormais à la génération des Mustapha Hadji, Salaheddine Bassir, et autre Noureddine Naybet de porter les espoirs du Maroc du football. Ayant survolé leur groupe de qualification pour le Mondial France 98 (5 victoires, 1 nul, meilleure attaque avec 14 buts), les Lions de l’Atlas sont l’une des équipes les plus attendues de cette CAN.

L’équipe drivée par Henri Michel propose du spectacle, et on se dit qu’au Burkina Faso, il y a peut-être moyen de mettre fin à une disette de titre qui s’éternise. Accroché d’entrée par la Zambie (1-1), les Lions se reprennent avec la manière contre le Mozambique (3-0).Le premier tour s’achève sur une victoire de prestige contre l’ogre égyptien, futur vainqueur de l’épreuve, et sur un magnifique retourné acrobatique de Mustapha Hadji. Du beau jeu, un but d’anthologie, un Hadji sacré Meilleur joueur africain de l’année, mais toujours pas de titre pour le Maroc, éliminé dès les quarts de finale de cette CAN 1998 par l’Afrique du Sud (défaite 2-1), future finaliste.

2004 : Si proche du but…
Le contexte : En 2004, les Lions de l’Atlas accèdent enfin à une finale en bonne et due forme. Avec Badou Zaki sur le banc, et une nouvelle génération de jeunes talents, le Maroc peut enfin briser la malédiction qui le suit depuis près de 30 ans. Hélas…
Le parcours : Ils s’appellent Chamakh, Hadji (Youssouf, frère de Mustapha), Safri, Regragui, Zaïri… avec eux, le Maroc se prend à rêver à nouveau d’un sacre dans une compétition qui leur a causé tant de désillusions. Sous la houlette de Badou Zaki, l’ex-portier de la génération dorée de 86 reconverti en entraîneur, le premier tour est presque parfait : 2 victoire, un nul, deuxième meilleure attaque (6 buts marqués), meilleure défense (1 seul but concédé, ex aequo avec le Sénégal), les Lions de l’Atlas terminent en tête de leur groupe devant le Nigéria. En quarts de finale, ils réussissent une improbable remontada contre le rival algérien qui avait ouvert le score à 5 minutes de la fin du temps réglementaire. Chamakh ressuscite les Lions au bout du temps additionnel (90e + 4), avant que Hadji, puis Zaïri n’enterrent les Fennecs dans un stade de Radès électrifié. Voilà le Maroc dans le dernier carré d’une CAN pour la première fois depuis celle jouée à domicile en 1988. S’ensuit une démonstration offensive contre le Mali de Mahamadou Diarra et Frédéric Kanouté (victoire 4-0) pour passer en finale par la grande porte. Cette fois, ça y est, pense-t-on. Las… C’est ce même stade de Radès, qui a vu le Maroc revenir d’entre les morts contre l’Algérie, qui le verra succomber contre une Tunisie qui décroche alors sa toute première étoile. Celle sur le maillot des Lions de l’Atlas continue de prendre de l’âge, et reste toute seule.

2006 – 2015 : Le néant
L’histoire contrariée du Maroc en Coupe d’Afrique ne s’est pas arrêtée. Depuis la finale perdue de 2004, il a multiplié les crève-cœur. Le navire des Lions de l’Atlas n’a pas dépassé les berges du premier tour entre 2006 et 2013, s’échouant sur les récif coralliens des éliminatoires en 2010. En 2015, le désistement du Maroc, hôte initial du tournoi, mais qui doit renoncer à l’organisation en raison d’une épidémie d’Ébola qui fait rage en Afrique de l’Ouest lui vaut une disqualification pure et simple par la CAF.

Depuis 2017 : Le plafond de verre
De retour dans la compétition en 2017, le Maroc a réussi à s’extirper de sa poule lors de toutes les éditions qui ont suivi. Depuis cette date les Lions de l’Atlas ont réussi à accéder à la phase à élimination directe pendant 3 éditions d’affilée de la CAN, ce qu’ils n’avaient jamais réussi depuis leurs débuts dans la compétition en 1972. Pourtant, ils semblent inlassablement se heurter à un plafond de verre, puis qu’ils n’ont, pour l’instant, pas réussi à aller au-delà des quarts de finale. Après leur brillante campagne du Mondial 2022, les attentes sont énormes. Le public espère que la bande à Walid Regragui, arrivé sur le banc en août 2022, les fasse rêver encore avant de jouer la CAN 2025 à la maison.

Darryl Ngomo / Les Inspirations ÉCO



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