Edito. Équité
Les réformes fiscales sont souvent un exercice d’équilibrisme. La nouvelle sous-catégorie des «revenus et gains divers provenant des opérations lucratives», instaurée par la Loi de finances 2025, en est une parfaite illustration.
En élargissant l’assiette fiscale, l’administration vise une équité renforcée et une meilleure prise en compte des réalités économiques contemporaines. Mais cette réforme interpelle quant à son application et à ses implications tant juridiques que sociales. Si la taxation des revenus issus d’opérations lucratives, même non conformes au droit, constitue une posture audacieuse, elle reste néanmoins sujet à débat. Peut-on vraiment imposer des gains tirés d’activités jugées illégales par d’autres lois ? La question dépasse la technique fiscale pour toucher à des principes fondamentaux de cohérence et de justice.
En taxant des profits issus de transactions prohibées, comme la cession de cryptomonnaies, le législateur semble jeter un pavé dans la mare. Si l’objectif est d’inclure tous les revenus, quelles que soient leur origine ou leur degré de légalité, cela risque malgré tout de heurter la légitimité même de l’impôt, au détriment de son acceptabilité sociale.
Au-delà, le champ d’application de cette nouvelle catégorie reste flou. Quid des revenus issus de plateformes numériques ou des activités exercées à titre occasionnel ? La frontière entre revenus professionnels et gains divers demeure ténue.
L’autre difficulté de cette réforme consiste en la gestion des charges. Taxer les revenus bruts sans tenir compte des frais engendrés par l’activité serait non seulement contraire au principe d’imposition sur le revenu net, mais aussi une injustice criante par rapport aux autres catégories de revenus. Les frais de remise en état, d’acquisition ou de logistique liés aux opérations lucratives devront faire l’objet de règles claires et simples pour garantir l’équité fiscale. L’administration devra rapidement lever les zones d’ombre et engager un dialogue pour que cette réforme puisse réussir.
Moulay Ahmed Belghiti / Les Inspirations ÉCO