Maroc

Violence contre les femmes : l’ATEC appelle à des actions concrètes

Cinq ans après l’instauration de la loi 103-13 visant à éradiquer la violence envers les femmes, l’Association Tahadi pour l’égalité et la citoyenneté (ATEC) décortique son impact et en dresse un bilan chiffré. Les statistiques pointent du doigt une triste réalité : la plupart des agresseurs se cachent parmi les proches, une proximité qui, malheureusement, n’est pas synonyme de bienveillance.  

Dans son rapport décrivant l’évolution de la violence à l’égard des femmes au Maroc, l’Association Tahadi pour l’égalité et la citoyenneté (ATEC) offre un aperçu complet des cinq années d’application de la loi 103-13. L’ATEC explore les diverses manifestations de violence subie par les femmes, examinant l’évolution du phénomène à travers des données chiffrées, tout en détaillant les profils des victimes et des agresseurs. L’un des constats marquants réside dans le fait que la plupart de ces derniers ont des liens étroits avec les victimes. Les maris arrivent en tête (66,4% des cas), suivis des compagnons, des ex-maris, et en dernier lieu, des membres de la famille. Il est à noter que 98% des agresseurs sont de nationalité marocaine, les 2% restants provenant de diverses nationalités (Turcs, citoyens des pays du Golfe, Égyptiens, Subsahariens…). En termes d’âge, la tranche de 39 à 48 ans se démarque comme la plus agressive, représentant 31% des cas, suivie par celle des 29 à 38 ans (27%). Les personnes de plus de 60 ans et de moins de 18 ans sont nettement moins enclines à la violence, représentant respectivement 7% et 1% des cas. Un autre facteur significatif ressort du niveau d’instruction des agresseurs. Il révèle une corrélation inverse entre le degré d’instruction et la propension à la violence. Ainsi, 28% des agresseurs ont quitté l’école au niveau primaire, tandis que seulement 10% ont atteint un niveau universitaire. Sur le plan professionnel, les hommes fonctionnaires se démarquent comme les moins violents, représentant 6% des cas, tout comme leurs homologues féminines fonctionnaires, qui sont les moins victimes d’agressions.

Les femmes de 18 à 28 ans sont les plus affectées
L’étude approfondie menée par l’ATEC englobe la période de septembre 2018 à septembre 2023. Elle porte sur 3.829 victimes ayant sollicité le centre d’écoute Derb Ghallef et l’Espace polyvalent CIEL, à Casablanca. Par tranches d’âge, les jeunes femmes de 18 à 28 ans représentent 23% des victimes. Il s’agit de la catégorie la plus affectée par une violence complexe, incluant des aspects physiques, psychologiques et sexuels.

Les femmes de 29 à 38 ans constituent 36% des cas. Elles se démarquent par leur courage à dénoncer leurs agresseurs malgré une exposition relativement plus élevée à la violence. Les femmes de 39 à 48 ans, bien que moins exposées à la violence physique (26% des cas), demeurent plus vulnérables à la violence psychologique. Un constat frappant réside dans le fait que même les femmes de plus de 60 ans ne sont pas épargnées, bien que dans une proportion moindre (3%). Il est particulièrement choquant de noter que cette tranche d’âge est celle qui garde le plus le silence et dénonce le moins ses agresseurs.

Selon le rapport, la violence ne fait pas de discernement en fonction du milieu de vie ou de la nature de l’habitat. Toutefois, une tendance se dégage, indiquant que le phénomène est plus prévalant dans les milieux indépendants, où la victime et son agresseur vivent isolés de leur entourage.

Parmi les 2.659 victimes de la violence, 1.822 résidaient dans un logement indépendant, 432 avec la famille, 258 avec la famille du mari et 147 avec la famille de l’épouse. Le rapport souligne également qu’un niveau d’instruction plus élevé chez les femmes est associé à une moindre exposition à la violence. Ainsi, 25% des victimes ont un niveau primaire, 24% préparatoire, 18% secondaire et 10% universitaire. Bien que les femmes au foyer représentent 49% des victimes, 15% d’entre elles travaillent dans le secteur informel, 10% dans le secteur privé, 3% sont des entrepreneuses indépendantes et 2% des fonctionnaires. En conclusion, le rapport suggère que le risque de subir la violence pour une femme augmente avec sa vulnérabilité économique.

Le mariage, facteur de risque majeur
En matière de situation matrimoniale, le rapport de l’ATEC est sans équivoque, suggérant que le mariage constitue un facteur de risque majeur, comme en attestent les chiffres avancés. En effet, 70% des victimes sont des femmes mariées, tandis que 12% sont divorcées, 10% sont des mères célibataires, 7% sont des femmes célibataires, et moins de 1% vivent en concubinage.

Concernant les différentes formes de violence, le rapport indique que la violence psychique est la plus répandue, avec 97% des cas. Cette forme de violence s’entrecroise souvent avec d’autres abus, explique l’ATEC. La violence verbale, les mauvais traitements, la pression, les menaces, l’isolement de la femme de son entourage sont autant de manifestations de l’enfer psychologique subi par les victimes, selon les auteurs du rapport. L’étude souligne également que la violence économique représente 80% du total. Elle englobe des problématiques telles que les affaires de pension alimentaire et de négligence familiale (72%).

Cependant, l’étude note le silence des femmes face aux abus liés à la privation d’héritage, l’usurpation du salaire par le mari, ou encore la privation des pièces d’identité telles que la Carte d’Identité Nationale (CIN) et le passeport. L’ATEC dénonce cette situation persistante due au vide législatif et à l’absence de lois incriminant de tels actes.

Selon l’association, la violence physique constitue 52% des cas, sous la forme prédominante de coups et blessures. L’ATEC attire par ailleurs l’attention sur une évolution alarmante des féminicides, des tentatives de meurtre contre les femmes et des séquestrations, enregistrant une progression de plus de 20% au cours des dernières années. Le rapport souligne également la présence de la violence légale sous diverses formes, allant du mariage des mineures à la polygamie, en passant par la garde des enfants qui est liée au mariage de la mère, la tutelle et la filiation. Un autre chiffre préoccupant est celui de la violence sexuelle, représentant 24% des cas.

Dans cette catégorie, le viol, y compris conjugal, arrive en tête avec 74% des agressions, suivi des tentatives de viol et du harcèlement sexuel. Cette statistique met en lumière une réalité troublante et souligne la nécessité de lutter contre ces formes de violence afin de garantir la sécurité et le bien-être des femmes.

Une révision de la loi s’impose
Dans son plaidoyer adressé aux législateurs, l’ATEC exhorte à une révision intégrale en urgence de la loi 103-13, visant à protéger les femmes contre les violences, que ce soit dans l’espace public, privé, ou numérique. Le rapport souligne la nécessité de débuter par l’établissement de définitions claires et précises pour toutes les formes de violence, afin de prévenir les mauvaises interprétations et les éventuels détournements.

De plus, il recommande la définition des responsabilités de tous les acteurs impliqués dans les actions de lutte contre la violence envers les femmes. De même, il suggère que la loi devrait également spécifier des mesures adéquates et précises, permettant aux autorités compétentes de déclencher des enquêtes, de sanctionner les agresseurs, et de réparer les préjudices subis par les victimes.

L’ATEC va plus loin en appelant à élargir le champ d’action des cellules de prise en charge des femmes victimes de violence pour inclure le milieu professionnel. Cette proposition vise à garantir une protection plus complète et à répondre aux besoins spécifiques des femmes confrontées à des violences, que ce soit à la maison, dans la rue, ou sur leur lieu de travail. 

Kenza Aziouzi / Les Inspirations ÉCO


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