Maroc

Vieillissement de la population : mieux vaut se préparer aux impacts que les subir !

Selon les économistes Marouane Hatim et Abderrahim Oubrahim, le vieillissement de la population représente un défi majeur pour l’économie marocaine, avec des répercussions sur les finances publiques, la croissance économique et l’emploi. Les secteurs susceptibles d’être touchés sont nombreux, et il est crucial de développer des solutions adaptées pour répondre aux besoins des personnes âgées. Zoom ! 

«Le vieillissement de la population marocaine représente un défi économique majeur pour le pays, et il est temps de s’y préparer sérieusement», estiment les économistes Marouane Hatim et Abderrahim Oubrahim. Ils ne sont pas seuls à voir des répercussions majeures sur l’ensemble de l’économie nationale, notamment sur les finances publiques, les services sociaux, les transports et l’administration publique. Il faut dire que le sujet suscite de plus en plus d’attention dans les milieux économiques et académiques du pays.

Dans l’édition des Inspirations Éco datée du 11 juillet 2023, c’était Mehdi Tazi, vice-président de la CGEM qui alertait sur les défis et enjeux de la réforme des retraites pour l’économie du Royaume. Selon les projections, la part des personnes âgées de plus de 60 ans dans la population devrait passer de 8% en 2004 à près de 21% en 2040, soit un Marocain sur cinq. Le Maroc se prépare-t-il suffisamment aux implications directes et indirectes ? À l’allure où la prise de conscience des défis qui nous attendent se fait, serons-nous prêts à temps pour répondre aux besoins de ces seniors ? Les économistes soulignent l’importance de ce sujet, qui serait encore peu discuté au Maroc mais suscite beaucoup d’attention dans d’autres économies confrontées à des questions démographiques similaires.

À l’heure actuelle, environ 10 à 15% de la société marocaine a un âge avancé, mais dans les dix prochaines années, cette proportion pourrait atteindre un quart de la population, soit un Marocain sur quatre. Ce qui est perceptible sur la pyramide des âges. Ils disent que si aucune mesure préventive n’est prise, l’impact du vieillissement de la population pourrait être considérable et violent pour le pays. Les deux économistes mettent en évidence les enjeux considérables du vieillissement de la population, qui touchent tous les secteurs.

Selon Marouane Hatim, docteur en sciences économiques, le vieillissement de la population est un enjeu considérable qui nécessite une réflexion globale et une prise de conscience immédiate. Il souligne l’importance de «l’ouverture d’un débat sur ce sujet et la nécessité de structurer une stratégie qui permettra à l’ensemble de l’économie de profiter de cette évolution démographique plutôt que de la subir». Il met également en garde contre l’impact négatif que pourrait avoir ce phénomène sur la croissance économique, l’emploi et la compétitivité du Maroc. Abderrahim Oubrahim, professeur-chercheur du département Économie et gestion à l’Université Abdelmalek Essâadi de Tanger, souligne quant à lui «l’importance des enjeux relatifs aux retraites, incluant les caisses d’assurance et les mutuelles, ainsi que l’implication des secteurs des transports, du tourisme, et de la santé dans son ensemble». Le vieillissement de la population aura des impacts financiers considérables sur les caisses d’assurance et les mutuelles, ainsi que sur les finances publiques.

Selon Hatim, si aucune mesure préventive n’est prise, cela pourrait «entraîner un déficit public plus important et augmenter les besoins en matière de santé». En outre, la part croissante des personnes âgées dans la population pourrait avoir des répercussions sur le marché de l’emploi, la productivité et la croissance économique. Pour faire face à ces défis, il est essentiel que les pouvoirs publics ouvrent un débat sur le vieillissement de la population, explorent les différentes études et projections disponibles et travaillent en collaboration avec l’ensemble des parties prenantes, y compris le secteur privé et la société civile. Il est également crucial de concevoir une évolution de l’économie qui soit susceptible d’impacter de manière positive et de réorienter les choix en matière de politique publique.

Une équation complexe !
Hatim estime que le vieillissement de la population ne peut être appréhendé de manière simpliste, car il ne se résume pas à l’observation de l’augmentation progressive des dépenses liées à ce phénomène dans un secteur donné, à savoir l’économie. Il s’agit plutôt d’une évolution qui peut avoir des répercussions significatives et qui nécessitera une réorientation des choix en matière de politique publique. En effet, avec l’augmentation de la proportion de personnes âgées dans la population, il est attendu que les transferts publics soient réaffectés en faveur de cette frange de la population, de manière ordonnée, étudiée et progressive, pour être efficaces et faire du vieillissement de la population un facteur de croissance plutôt qu’un fardeau économique qui entraînerait des coûts et une perte de points de croissance pour le Maroc. L’impact de cette évolution de la pyramide des âges peut également se faire ressentir en termes de productivité, notamment sur le marché de l’emploi. La croissance de la productivité est essentielle pour assurer une croissance économique à long terme, et il existe une corrélation fondamentale entre le vieillissement de la population et l’augmentation de la productivité. Ainsi, il est impératif de prendre en compte l’influence de cette évolution démographique et de mettre en place des politiques publiques adaptées pour en tirer parti.

Ce ne sont pourtant pas les études qui manquent
Les deux économistesabondent dans le même sens, à savoir que les pouvoirs publics devraient, compte tenu des projections et des chiffres disponibles, entamer un débat sur le vieillissement de la population du Royaume. De nombreuses études ont déjà été menées dans ce sens par le HCP et d’autres organismes de recherche. Les pouvoirs publics doivent donc en exploiter les résultats pour structurer dès à présent une stratégie qui permettrait à l’ensemble de l’économie de bénéficier de cette évolution démographique. Cette stratégie pourrait inclure des approches sectorielles pour éviter un impact négatif sur la croissance économique. Ce débat (ou cette réflexion globale) devrait être mené sous l’égide d’un département spécifique ou du secteur privé, en fédérant les énergies et les efforts de toutes les parties prenantes, y compris les secteur public et privé ainsi que la société civile. Selon Oubrahim, «cette démarche permettrait de tirer le maximum de profit des différents vecteurs impliqués dans ce phénomène de vieillissement de la population».

Tirer des leçons des  expériences internationales
Oubrahim estime que plusieurs secteurs économiques vont directement être touchés par le vieillissement de la population, notamment l’immobilier, le tourisme, les loisirs et services, la santé et les transports. «Concernant le secteur de la santé, par exemple, il est nécessaire de développer des soins à domicile, la médecine à distance et les objets de santé connectés. Au niveau de l’habitat, il faut des logements adaptés et des résidences seniors équipées de services paramédicaux. Pour ce qui est des loisirs, il est important de développer le tourisme des seniors et des activités sportives adaptées. Enfin, au niveau du transport, il faut développer un mode de transport adapté aux seniors».

Abderrahim Oubrahim
Professeur-chercheur du département Économie et Gestion à l’Université Abdelmalek Essâadi de Tanger

«Le Maroc peut tirer des leçons des expériences internationales en matière de silver économie. Les pays européens ont développé une politique de filière industrielle silver économie, qui vise à faire régner une culture d’action collective entre les acteurs et les parties prenantes, à travers la mise en place d’un écosystème avec toutes les parties prenantes. Cette filière nécessite des politiques publiques, des groupements ou syndicats interprofessionnels d’entreprises, ainsi que des besoins en termes de profil, de formation et de soutien à l’export. Il est également nécessaire d’organiser des expositions et des foires pour faire connaître cette nouvelle filière, les entreprises, leurs produits et leurs innovations».

Marouane Hatim
Économiste chercheur et docteur en sciences économiques

«Tout d’abord, examinons quelques chiffres pour appréhender et contextualiser ce phénomène. Il convient de souligner que les individus âgés de 60 ans et plus, qui représentaient près de 8% de la population marocaine en 2004, devraient constituer environ 20% ou 21% de la population en 2040, soit potentiellement un Marocain sur cinq. À cela, il convient d’ajouter une proportion similaire pour les enfants de moins de 15 ans, de sorte qu’au total, près de 40% des ménages ne participeront pas à la vie active selon les termes actuels.

Par conséquent, les personnes de plus de 60 ans et les enfants de moins de 15 ans ne seront pas actifs, ce qui exercera une pression sur l’ensemble du système productif national, avec des répercussions sur la productivité, l’emploi, le chômage et la compétitivité globale. Tout cela aura certainement des répercussions sur les équilibres budgétaires et les finances publiques. Par conséquent, le Maroc sera confronté à des défis majeurs en matière d’accompagnement économique et social du vieillissement de sa population, qui devront être relevés».

Autres paramètres de l’équation

Selon Marouane Hatim, d’ici dix-sept ans, il est prévu qu’un cinquième de la population marocaine aura besoin de soins de santé, ce nombre étant nettement supérieur à celui d’aujourd’hui pour cette tranche d’âge. Il est également important de rappeler qu’un cinquième de la population marocaine sera composé d’enfants de moins de quinze ans, qui continueront à solliciter le système de santé.

De plus, l’amélioration de la qualité de vie au Maroc a entraîné une augmentation de l’espérance de vie, qui pourrait atteindre les 80 ans, étant donné que nous sommes actuellement proches de ce chiffre. Cette évolution aura des répercussions significatives sur le budget de l’État, les besoins en matière de santé étant plus importants qu’auparavant. Par ailleurs, le nombre de personnes actives diminuant, les recettes publiques seront également affectées, ce qui implique que l’ensemble de ces aspects devra être pris en compte dans la prise de décision.

Modeste Kouamé / Les Inspirations ÉCO


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