Vers un remaniement ministériel élargi ?
Un nouveau séisme frappe de plein fouet le gouvernement après la bourde politique de Lahcen Daoudi. Après la démission du ministre des Affaires générales, le remaniement ministériel sera-t-il rétréci ou élargi ? Tous les scénarios sont envisageables dans le contexte social actuel.
Le gouvernement s’achemine vers un second remaniement ministériel, après la démission de Lahcen Daoudi suite à sa participation mal calculée au sit-in des employés de Centrale Danone. Cette bourde politique dans un contexte social très sensible lui a été fatale. Le couperet du secrétariat général du Parti de la justice et du développement (PJD) est tombé, moins de 24 heures après la malencontreuse initiative du responsable gouvernemental. Initiative jugée «inappropriée et infondée».
Techniquement, après l’approbation du PJD de la démission de son ministre des Affaires générales et de la Gouvernance, il faut attendre l’aval du roi conformément aux dispositions de l’article 47 de la constitution; et ce après la soumission au souverain de cette demande par le chef de gouvernement. On s’attend à ce que le remplacement de Daoudi soit acté rapidement à l’instar de ce qui s’est passé en 2015 pour le couple Choubani-Soumia Benkhaldoun et le haraki El Guerrouj qui a été contraint de quitter le gouvernement suite à la fameuse affaire de la facture du chocolat. Il a fallu moins de dix jours pour l’officialisation des nouvelles nominations.
En effet, les demandes de décharge ont été soumises par Benkirane au souverain qui les a acceptées, rappelons-le, le 12 mai et le gouvernement a été remanié le 20 du même mois. En se basant sur l’expérience des dernières années, le ministre démissionnaire sera remplacé par un militant du même parti politique. Après l’approbation du roi de la demande de décharge des fonctions du ministre des Affaires générales, El Othmani devra lui présenter des propositions de nomination. La démission de Lahcen Daoudi va-t-elle calmer les esprits et permettre au gouvernement de rebondir pour gérer au mieux le mouvement social de boycott ? Rien n’est moins sûr. Confronté à une vague de colère sociale, l’Exécutif semble dépassé par les événements et a du mal à bien gérer sa communication et à instaurer de nouveau la confiance. Un remaniement ministériel élargi n’est pas écarté par certains observateurs en raison de la manière dont le gouvernement gère les tensions sociales depuis sa nomination. La démission de Daoudi ne pourrait pas être considérée comme une bouffée d’oxygène pour le chef de l’Exécutif. Le gouvernement est dans la ligne de mire de non seulement l’opinion publique sur les réseaux sociaux mais aussi de l’opposition dont les interventions sont de plus en plus musclées au sein de l’institution législative. Les parlementaires du Parti Authenticité et modernité (PAM) et de l’Istiqlal n’hésitent pas, au cours des derniers jours, à tirer sur l’Exécutif. Des voix au sein du PAM vont plus loin en appelant à présenter une motion de censure. Cette semaine, un député du PAM a demandé en séance plénière à El Othmani de dissoudre le parlement puis le gouvernement en vertu des dispositions de l’article 104 de la loi fondamentale. L’opposition, qui a pendant longtemps sombré dans un sommeil profond, a les moyens de porter des coups durs au gouvernement, ne serait-ce que sur le plan politique. Grâce à sa force arithmétique au sein de la chambre basse, le parti du tracteur, à lui seul, a la possibilité de remettre en cause la responsabilité du gouvernement en présentant une motion de censure.
Avec ses 102 parlementaires, le PAM dispose d’un pourcentage de 25,8 % du total des députés. La motion de censure est recevable si elle est signée par le cinquième (20 %) au moins des membres composant la chambre. Mais, elle doit être approuvée par la majorité absolue des membres. L’opposition pourrait jouer sur les différends entre les composantes de la majorité. El Othmani gagnerait, ainsi, à resserrer les rangs de sa coalition gouvernementale et à colmater les brèches qui ne cessent d’éclater les unes après les autres. Mais, sa mission n’est pas de tout repos même au niveau interne du PJD qui bouillonne depuis plus d’un an même si les ténors du parti tentent d’afficher l’image d’une institution soudée. Le mouvement de boycott a révélé l’ampleur des divergences des points de vue entre les Pjdistes. Les prochains jours s’annoncent décisifs aussi bien pour le parti de la lampe que le gouvernement. L’exécutif est appelé à reconsidérer ses orientations et à être plus à l’écoute de la voix de la société qui affiche de plus en plus son manque de confiance dans les institutions classiques. Un véritable danger !