Maroc

Vers la concrétisation de la paix sociale ?

Le ministre de la Justice donne aux greffiers des garanties quant à leurs acquis sociaux, une approche sensiblement différente de celle de son prédécesseur. Surcharge de travail, gel des salaires, responsabilités professionnelles…la corporation s’attend à un grand chantier de réformes législatives.

Début janvier, le ministre de la Justice a ouvert le premier congrès de l’amicale des fonctionnaires de la Justice. Une association qui regroupe majoritairement des greffiers, un corps de métier qui s’est montré très hostile aux politiques gouvernementales, notamment durant les deux mandats successifs de Mustapha Ramid. L’approche de Mohamed Aujjar semble ainsi différer de celle de son prédécesseur qui avait choisi de mener une bataille judiciaire frontale contre les grèves de ces professionnels. D’ailleurs, dans son allocution, ce dernier n’a pas manqué de rappeler «qu’un nouveau rapport est aujourd’hui envisagé entre le ministère et ses partenaires. Une attention particulière sera désormais portée à l’activité associative de manière générale et les membres du secrétariat greffe en particulier (…) qui n’auront pas à craindre pour leurs acquis sociaux». Il est vrai que pendant près d’une décennie et la hausse vertigineuse des dossiers traités par les juridictions, les greffiers n’ont cessé de se mobiliser contre «leurs conditions de travail et le manque de clarté dans leurs attributions légales». Ces dernières sont en effet éparpillées entre le Code de procédure civil, de procédure pénale, le Code de commerce, le Code de recouvrement des créances publiques ainsi qu’une circulaire datant de 1979. «Le greffier est chargé du recouvrement des taxes judiciaires, de la réception et de l’enregistrement des plaintes et des requêtes, de la tenue des registres, de la préparation des audiences, la notification des convocations et des jugements, la gestion des audiences et la rédaction des PV, la signature, l’impression et l’exécution des jugements», indique le greffier en chef du tribunal de première instance de Casablanca. En plus de ces attributions, le chef du secrétariat-greffe est un conservateur, archiviste et coordinateur entre tous les acteurs judiciaires : juges, avocats, huissiers, experts, justiciables…«Des prérogatives qu’il ne peut assumer sans faille avec des ressources humaines et des compétences réduites», explique-t-il. Outre ses tâches judiciaires stricto sensu, le secrétariat greffier a des tâches administratives, financières et comptables. Du fait de l’engorgement des tribunaux, les greffiers ont vu leurs responsabilités croître. «Au niveau de l’exécution des peines, c’est nous qui vérifions toutes les pièces. Comme les magistrats sont peu nombreux, ils n’ont pas la possibilité de vérifier les pièces et nous font totalement confiance», poursuit-il. Au niveau du recouvrement des créances publiques, les greffiers jouent également un rôle central.

L’article 3 du Code de recouvrement des créances publiques les qualifie de comptables publics chargés de recouvrer les amendes et condamnations pécuniaires, dépens et frais de justice. Et là encore, ils ont du mal à remplir leur rôle puisque l’État a encore plus de 3,8 MMDH d’amendes et de frais de justice non recouvrés mais la Cour des comptes vient à leur défense : «les greffiers sont à la fois ordonnateurs et comptables en matière de recouvrement des amendes, condamnations pécuniaires, dépens et frais de justice. Depuis le prononcé des jugements ou des arrêts, le greffier assure en effet à lui seul les actes de nature administrative et comptable. Il cosigne avec le juge l’acte exécutoire pour les amendes et condamnations pécuniaires, dépens et frais de justice. Face à l’ampleur de sa mission, le secrétariat greffe compte un nombre réduit de fonctionnaires et souffre d’une absence de système d’informations». C’est donc la multiplicité des tâches qui crée une surcharge de travail. En effet, avec 1,4 million d’affaires jugées par an, on en est à seulement 100 dossiers par an pour chacun des 13.000 membres de la profession, ce qui leur laisse du temps pour bien remplir leur vraie mission de secrétariat. Une augmentation de la responsabilité qu’ils considèrent en déphasage avec leurs revenus. En effet, un greffier touche entre 5.500 et 15.000 DH (pour les plus anciens), ce qu’ils considèrent comme asymétrique vu les salaires que touchent les magistrats, dont la rémunération moyenne est passée de 15.600 à 20.000 DH, ce qui a débouché sur une croissance énorme des dépenses du personnel du ministère, qui ont évolué de 66% durant les 10 dernières années. En effet, les membres des secrétariats, greffe des tribunaux ont tout de même connu une revalorisation de leur salaire moyen, qui est passé de 4.700 DH en 2007, à plus de 7.000 DH en 2017, soit une évolution de 53%.

Concernant les magistrats et conseillers juridiques, leur salaire moyen est passé de 15.600 DH à 20.600 DH, devenant objectivement les fonctionnaires les mieux payés et si le budget du département ne cesse d’évoluer, c’est aussi parce que les avancements de grade et d’échelon – qui ont déjà explosé – vont bon train au vu de la multiplication des conflits sociaux et des blocages qu’ils engendrent. Le ministère se trouve donc obligé de céder. Pour les 1.277 avancements de grade, la charge annuelle s’élève à plus de 77 MDH et les rappels ont coûté près de 51 MDH. Aussi, 1.222 fonctionnaires de la Justice ont bénéficié des avancements d’échelon, ce qui a coûté 73,79 MDH de charges annuelles et 49,19 DH de rappel…Il faut rappeler que les greffiers disposent d’une force de frappe unique dans le monde de la justice. Avec environ 10.000 membres, le Syndicat démocratique de la justice, leur principal organe de représentation affilié FDT, est une menace permanente de paralysie de l’appareil judiciaire lors d’un mouvement de grève, ce qui pousse le ministère de tutelle à effectuer des ponctions sur salaire justifiant que cette mobilisation est «de nature à perturber le bon fonctionnement du département et nuire aux intérêts des justiciables et des auxiliaires de justice». Pour rappel, depuis l’arrivée de Mustapha Ramid au ministère de la justice, plus de 50 grèves de greffiers ont eu lieu, soit près de 180.000 heures de travail perdues. 


Objectif : atteindre les normes CEPEJ

En 2017, plus de 6.000 fonctionnaires de la justice ont reçu des formations juridiques et administratives sous l’égide de la Commission européenne pour l’efficacité de la justice (CEPEJ). Le projet de réforme du statut des greffiers, prévoit également de rendre la formation continue obligatoire pour les professionnels. En parallèle, le ministère pense à mettre en place un outil informatique de gestion et de répartition des emplois de fonctionnaires pour mesurer la charge de travail des fonctionnaires de greffe et évaluer les besoins des juridictions. La mesure est effectuée à partir d’indicateurs évaluant le flux d’affaires nouvelles enregistrées par la juridiction dans l’année, prises en compte pour un temps forfaitaire correspondant à celui de l’ensemble des actes induits sur toute la durée de la procédure. Les évaluations ainsi effectuées guident l’opération annuelle de localisation des emplois de fonctionnaires dans les greffes des juridictions. Une démarche qui sera également utilisée pour la réalisation des études d’impact aux projets de lois et règlements ayant une incidence sur la charge de travail des greffes. 


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