Maroc

Union du Maghreb Arabe : est-il encore permis de rêver ?

Le Policy center for the new south a publié une analyse géopolitique, après l’appel du roi Mohammed VI, lancé fin juillet à son voisin algérien, à l’occasion du discours du trône. Analyse qui confirme qu’une réponse affirmative à cette main tendue du roi, qui propose la réouverture des frontières entre le Maroc et son voisin algérien ainsi que la relance des relations bilatérales, constituerait un grand pas en avant vers la construction de l’Union du Maghreb Arabe. Selon le Policy center for the new south, la fragilité géopolitique de la région s’est, certes, exacerbée en 2020, mais il est quant même encore permis de rêver. Zoom sur les cinq conditions préalables à remplir pour relancer l’UMA.

Faisant suite au discours du roi Mohammed VI, prononcé fin juillet à l’occasion de la 22e année de son accession au trône (voir encadré), où il a appelé son voisin algérien à ouvrir les frontières pour lutter contre la contrebande et relancer les relations bilatérales, le Policy center for the new south s’est fendu d’une analyse particulièrement réaliste sur la situation géopolitique du Maghreb en 2020 et les perspectives de réactivation de l’Union du maghreb arabe (UMA). Il en ressort qu’une réponse positive à cet appel pourrait constituer un pas majeur vers la construction de l’UMA, qui relève d’une zone fortement perturbée l’année dernière, tant sur les plans politique et économique que social et sécuritaire.

Le Maghreb, davantage  fragilisé en 2020
En effet, selon Rachid El Houdaigui, Senior Fellow au Policy center for the new south et auteur du rapport, «la situation du Maghreb en 2020 a accentué la fragilité géopolitique de la région et la désillusion des Maghrébins, qui s’attendaient à un engagement formel des pouvoirs politiques pour la normalisation des relations régionales et la relance du processus d’intégration». «Au niveau politique, les revendications économiques et sociales ont animé les trajectoires nationales. Les citoyens ont occupé l’espace public, tant et si bien que les autorités ont été acculées à tempérer et à composer », relève Houdaigui.

La pandémie est passée par là
Au niveau socio-économique, la pandémie du Coronavirus (Covid-19) est intervenue dans un contexte économique maghrébin déjà initialement perturbé, et a provoqué un choc d’une ampleur inédite, aux répercussions négatives palpables sur l’ensemble des économies maghrébines. Ceci a été observé à travers plusieurs canaux de contamination, tels que la récession économique généralisée, l’aggravation du déficit budgétaire et la croissance de l’endettement, la décroissance des importations de la zone euro, principal débouché des produits énergétiques, industriels et agricoles du Maghreb, la baisse des investissements directs étrangers, et enfin la réduction des transferts en devises des Maghrébins résidant à l’étranger. Autant dire que la Covid-19 a exacerbé les inégalités sociales, amenuisant davantage les marges de manœuvre des gouvernements qui ont été amenés à mettre en place des plans d’austérité dans un contexte social explosif, tout en prospectant de nouvelles niches pour relancer l’économie, en l’absence de moyens financiers suffisants. «Les effets de la Covid-19 ont transformé une double crise prévalant initialement, de natures économique et sociale, en triple crise, par le rajout du facteur incertitude de la zone sur le plan politique. Cette incommodité aurait été certainement moindre si l’intégration maghrébine était établie», souligne l’auteur qui mentionne deux autres goulots d’étranglement. Le premier réside dans un état d’esprit néfaste, instauré de longue date, et qui s’est davantage accru l’an dernier, suite aux difficultés induites par la crise sanitaire. Dans une bonne partie du Maghreb, le contexte socio-économique et politique semble, en

effet, favoriser le développement de situations génératrices de désespoir et de manque de perspectives politiques et économiques. «Cet état d’esprit contribue au conditionnement de l’individu, et le prédispose à basculer dans le radicalisme, politique ou religieux, voire le jihadisme révolutionnaire,» relève Houdaigui.

Le 13 novembre, une date  à retenir
L’autre goulot d’étranglement découle d’un événement survenu le 13 novembre dernier, qui a exacerbé les positions divergentes, voire inconciliables, concernant le dossier du Sahara. En effet, l’armée marocaine a lancé, ce jour là, une opération militaire destinée à sécuriser le passage de Guerguerate et «restaurer la libre circulation civile et commerciale» sur la route conduisant vers la Mauritanie. Le même jour, l’Algérie a condamné, sans surprise, l’intervention marocaine. Bref, l’année 2020 a démontré que les logiques de la centralité de l’État-nation, de la quête du leadership et de l’intérêt national exacerbé continuent à façonner les relations inter-maghrébines. Pourtant, la région dispose de plusieurs leviers susceptibles d’atténuer le poids des égoïsmes nationaux et préparer la relance de l’intégration régionale.

Il suffirait de réunir cinq conditions préalables pour  relancer l’UMA
«Il suffit de remplir cinq conditions préalables», affirme le Policy center for the new south. D’abord, la relance du processus régional suppose qu’un nouvel équilibre soit trouvé entre la primauté de l’intégration économique et la défense légitime de l’intérêt national. Les Maghrébins doivent impérativement substituer les bases, sociale et démocratique de la construction maghrébine, au paradigme étatiste qui façonne leurs relations depuis les indépendances. Ensuite, la détente maroco-algérienne constitue la condition sine qua non, l’alpha et l’oméga de la stabilité du Maghreb. Autant dire que les deux pays sont condamnés à engager un dialogue stratégique, s’ils veulent que la situation tendue, qui prévaut entre eux, n’échappe pas à leur contrôle, un dialogue qui doit poser les bases de l’apurement d’un passif lourd, grandement alimenté par le différend du Sahara.

Le Maghreb a, en outre, l’obligation de consolider les processus démocratiques. En effet, la réussite des réformes politiques, dans l’ensemble des pays de la région, créera certainement le besoin de réactiver l’UMA. Une union qui devra être portée, non seulement par des liens organiques entre États, mais surtout par les forces de progrès, utiles et émancipées, des sociétés civiles maghrébines. Ainsi, les liens sociétaux auraient-ils plus de chance de se renforcer et agir durablement comme leviers de l’unité maghrébine. Il faudra, par la suite, prendre des mesures urgentes normatives dans le cadre de l’UMA, en mettant à jour les accords déjà signés et assurer l’application de leurs dispositions, tout en procédant à la conclusion de nouveaux accords à caractères global et sectoriel. Les cinq pays membres devraient engager, également, un débat sur l’amendement du traité de Marrakech pour y introduire de nouvelles dispositions institutionnelles et politiques, autour de la démocratisation du processus décisionnel, en renforçant davantage le pouvoir des Conseils des ministres, et mettant en place un parlement élu sur le modèle du parlement européen. Enfin, pour éviter que le Maghreb soit dépendant des conjonctures politiques et géopolitiques internationales, les cinq pays devraient faire preuve d’une forte volonté d’autonomie stratégique vis-à-vis du jeu des grandes puissances, soucieuses de préserver leurs acquis stratégiques, politiques et économiques.

Extraits du Discours du Trône du 31 juillet 2021

«En parallèle avec les initiatives de développement menées au niveau interne, et avec une égale détermination, le Maroc s’attache à poursuivre ses efforts sincères pour consolider la sécurité et la stabilité dans son environnement africain et euro-méditerranéen, et plus particulièrement dans son voisinage maghrébin . Dans le droit fil de cette approche, nous renouvelons notre invitation sincère à nos frères en Algérie, pour œuvrer, de concert et sans conditions, à l’établissement de relations bilatérales fondées sur la confiance, le dialogue et le bon voisinage».

«Entre deux pays voisins et deux peuples frères, l’état normal des choses, c’est notre conviction intime, est que les frontières soient et demeurent ouvertes. En effet, leur fermeture heurte un droit naturel et un principe juridique authentique, consacré par les instruments internationaux, notamment le traité de Marrakech, texte fondateur de l’Union du Maghreb Arabe qui prévoit la libre circulation des personnes, des services, des marchandises et des capitaux entre les pays constitutifs de l’espace maghrébin».

Comment contenir les extrémismes

Selon Rachid El Houdaigui, Senior Fellow au Policy center for the new south et auteur du rapport sur «Le Maghreb en 2020 : quels constats pour quelle perspective ?», la stabilité des États dépendra de leur capacité à réguler, de façon légitime, le clivage idéologique et le caractère composite de la société où la violence demeure, pour l’instant, un moyen majeur de faire de la politique autrement, notamment en Libye et dans le voisinage sahélien. Le risque est grand de voir se propager ce mode opératoire dans l’ensemble du Maghreb, à travers un processus d’imitation. La réceptivité des idées extrémistes, le réveil des communautarismes et la problématique des minorités offrent, également, l’occasion aux réseaux salafistes et aux représentants des minorités de se projeter comme forces transnationales dans l’espace culturel maghrébin. Tout l’espoir repose sur la capacité des processus de transition politique à intégrer pacifiquement ces acteurs infra-étatiques dans un jeu politique consensuel.

Aziz Diouf / Les Inspirations ÉCO


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