Maroc

Une grande frustration !

À peine adoptée le 14 février, la nouvelle loi sur les violences faites aux femmes au Maroc suscite déjà une vive levée de boucliers de la société civile, laquelle égraine un long chapelet de lacunes qui devraient être rectifiées.

Tout ça pour ça ? Promise aux femmes depuis 2006, la loi contre les violences basées sur le genre, qui jusqu’en 2016 dormait tranquillement dans les tiroirs du gouvernement, a été finalement adoptée le 14 février 2018 par la Chambre des représentants. C’est l’aboutissement d’une décennie de lutte de la part des organisations de défense des droits des femmes et la fin de plusieurs va-et-vient entre les commissions parlementaires permanentes des deux Chambres ces deux dernières années mais à peine adoptée, la loi n°103-13 est déjà vivement décriée par les mouvements de lutte contre les violences faites aux femmes. Le texte, selon les détracteurs, comporterait de nombreuses lacunes. Selon la femme politique et militante, Nouzha Skalli, «la loi a laissé une grande frustration auprès de la société civile et auprès du Conseil national des droits de l’homme». Pour l’ancienne ministre du Développement social, de la famille et de la solidarité qui s’exprimait mardi 27 février lors du «Tea Time» mensuel  organisé par l’Union de la presse francophone-section Maroc (UPF) au Four Season Casablanca, la loi est «floue» dans la mesure où elle n’assigne pas clairement de devoirs à la police, aux procureurs et aux juges d’instruction notamment dans les affaires de violence familiale.

Un texte lacunaire ?
Pour illustrer son propos, la première présidente du groupe parlementaire au Maroc liste les dispositions qui auraient dû être prises en compte par les législateurs. La diligence voulue, le vol ou le viol conjugal, le harcèlement sexuel dans les rues, (aucune définition claire) sont autant de manquements relevés dans le texte «lacunaire». Selon l’ancienne parlementaire, ces nombreuses lacunes n’honorent pas l’effort de lobbying fourni par les différents mouvements de la société civile qui militent pour la dignité de la femme marocaine. Elle regrette une énorme occasion ratée pour les nombreuses victimes d’abus sexuels dans le pays. Cependant, l’invitée de la rencontre organisée à la veille du 8 mars pour discuter de la loi sur la lutte contre la violence à l’égard des femmes et les libertés individuelles, reconnaît un certain nombre d’avancées constitutionnelles apportées au nouveau texte. Elles sont relatives notamment à la disposition interdisant toute forme de discrimination fondée sur le sexe et proclame l’égalité entre les hommes et les femmes que ce soit dans le domaine civil, culturel, politique et environnemental…Mais celles-ci ne règlent pas tout, a-t-elle nuancé. Pire encore, poursuit la militante, certains défauts relevés dans le texte «lacunaire» exposent les femmes à plus de violences.

Le combat continue
En effet, la nouvelle loi ne prévoit pas une protection garantissant une autonomie «financière» aux victimes des abus sexuels. Or, selon une étude gouvernementale consultée par Humans rights watch, 3% seulement des femmes ayant subi des violences conjugales en avaient informé les autorités. La plupart d’entre elles abandonnent les rares poursuites pénales qui sont engagées, en raison des pressions subies de la part de leur famille ou de celle de leur conjoint abusif, ou parce qu’elles sont dépendantes financièrement de leurs agresseurs. Et à ce propos, l’ONG qui se donne pour mission de défendre les droits de l’Homme et le respect de la déclaration universelle des droits de l’homme souligne que la nouvelle loi instaure certes des mesures de prévention et fournit «des protections nouvelles aux victimes» mais elle oblige les victimes à engager des poursuites pénales pour obtenir une protection, ce que peu d’entre elles sont en mesure de faire par manque de moyens financiers. De plus, le texte ne prévoit pas non plus de financement pour les refuges d’accueil des femmes victimes de violences, se désole encore l’ONG. Faut-il alors brûler le texte dont l’entrée en vigueur est prévue dans six mois ? Pour l’ancienne patronne de l’Alliance socialiste au sein de la Chambre des représentants, qui regrette l’offensive idéologique contre les femmes au Maroc, le combat pour une meilleure protection de celles-ci contre les violences conjugales et familiales ne fait que commencer.


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