Tourisme estival : vacances au ralenti au Maroc, simple perception ou vrai signal d’alerte ?

Des images de plages clairsemées à Saïdia ou à M’diq ont circulé sur les réseaux sociaux, alimentant l’idée d’un désintérêt des Marocains résidant à l’étranger pour leur pays d’origine. Mais à ce stade de la saison, les professionnels du secteur appellent à la prudence. Les indicateurs économiques confirment, au contraire, une dynamique touristique en progression.
Alors que la saison estivale entre dans sa seconde moitié, quelques vidéos publiées sur les réseaux sociaux ont suscité de nombreux commentaires. À l’image, des plages quasiment désertes, des parasols inoccupés et des esplanades peu animées à Saïdia, M’diq ou encore dans certaines zones de la côte méditerranéenne.
Ces scènes, largement partagées, ont rapidement suscité des interrogations sur la vitalité touristique du Royaume en 2025. Mais selon les professionnels du secteur, ce constat, bien que visuellement saisissant, ne reflète pas nécessairement la réalité économique de la saison en cours.
Ce sont des perceptions hâtives, construites à partir d’instantanés décontextualisés. Nous sommes encore en milieu de saison, et les chiffres définitifs ne seront consolidés qu’après la mi-août, rappelle Rkia Alaoui, directrice générale du Marina Smir Hôtel & Spa et présidente du Conseil régional du tourisme de Tanger-Tétouan-Al Hoceïma. Elle ajoute que l’arrivée massive des MRE se concentre traditionnellement au mois d’août.
Des arrivées en hausse, une dynamique robuste
Les données disponibles à fin juin contredisent la thèse d’une désaffection touristique. Selon les chiffres de la Direction générale de la sûreté nationale, le Maroc a enregistré 8,9 millions d’arrivées touristiques internationales sur les six premiers mois de l’année, soit une progression de 19% par rapport à la même période en 2024. Le mois de juin à lui seul affiche une hausse de 11% sur un an. Les points d’entrée du nord du pays témoignent d’une dynamique positive.
L’aéroport de Tanger Ibn Battouta a enregistré une hausse de 32%, celui de Nador El Aroui 25%, tandis que les postes frontaliers de Bab Sebta et Béni Ansar affichent des niveaux globalement stables. Ces flux incluent une part importante de MRE, traditionnellement enclins à rejoindre leurs régions d’origine ou leurs résidences secondaires dans le nord du Maroc.
«Si l’on observe un ralentissement relatif en juillet, il s’agit d’un tassement du taux de croissance et non d’un recul», précise l’expert en tourisme Zoubir Bouhout.
Il rappelle que sur l’ensemble du deuxième trimestre, la progression cumulée des arrivées reste supérieure à 20%, et que le mois de juin a marqué une hausse de 11%, dans la continuité d’un premier semestre dynamique.
MRE, une présence réelle mais difficile à mesurer
L’idée selon laquelle les Marocains résidant à l’étranger seraient moins nombreux à revenir au pays cette année revient de manière récurrente. Pourtant, les statistiques officielles issues de l’opération Marhaba indiquent une progression de 13% des arrivées MRE au 10 juillet, par rapport à la même période en 2024.
«Il y a eu des contacts avec plusieurs sources, tout converge vers une lecture prudente, mais globalement optimiste des indicateurs», résume Zoubir Bouhout. La difficulté à mesurer l’impact réel des MRE sur la fréquentation hôtelière vient, notamment, du fait qu’ils sont peu consommateurs de l’offre touristique traditionnelle.
«Une grande partie d’entre eux possède des logements sur place, ou en loue via Airbnb et d’autres plateformes. Cela échappe généralement aux statistiques classiques», explique-t-il. Une étude conduite en 2023 indiquait que les MRE ne représentaient que 0,7% des nuitées dans les établissements hôteliers classés.
Cherté de la destination, une variable à nuancer
La question du coût des vacances au Maroc revient également dans les débats. Certains internautes comparent les prix pratiqués dans les stations balnéaires marocaines à ceux de destinations concurrentes comme la Turquie ou l’Espagne. Ce ressenti, s’il n’est pas infondé, nécessite d’être relativisé.
«Les tarifs de location, notamment sur les plateformes de type Airbnb, restent orientés à la hausse dans le nord du Maroc. Cela traduit une demande soutenue, malgré les critiques ponctuelles», souligne Bouhout.
Il reconnaît toutefois que la perception de la qualité de service, de l’animation ou de l’infrastructure peut peser dans le choix final du vacancier, en particulier chez les jeunes générations de MRE.
Par ailleurs, le Maroc fait face à un déficit structurel de capacité d’accueil. Le pays dispose d’environ 320.000 lits, y compris ceux d’hôtels actuellement fermés. Ce volume reste insuffisant pour absorber simultanément la demande des touristes nationaux, des visiteurs internationaux et des MRE.
Attendre la fin de saison pour dresser un bilan
En l’état actuel des données, il serait prématuré d’évaluer la performance touristique du nord du Maroc sur la base de quelques images isolées. Le mois d’août, qui constitue historiquement le pic de fréquentation, sera déterminant pour affiner les analyses.
La prudence est d’autant plus de mise que l’indice de confiance des ménages, publié récemment par le Haut-commissariat au plan, enregistre une nette amélioration à 54,6 points, son plus haut niveau depuis plusieurs trimestres. Une tendance qui peut se traduire par une dynamique plus favorable à la consommation touristique dans les semaines à venir.
En attendant les consolidations de fin de saison, les professionnels du secteur invitent donc à éviter les raccourcis. La perception immédiate, souvent façonnée par des images isolées ou des témoignages partiels, ne suffit pas pour tirer des conclusions sur un secteur aussi sensible que celui du tourisme.
Faiza Rhoul / Les Inspirations ÉCO