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Thomas Pellerin : “IFC veut fédérer l’industrie du textile”

La Société financière internationale (IFC) met l’accent sur la durabilité du secteur du textile en proposant un accompagnement effectif aux opérateurs afin de les aider à surmonter les défis futurs. Pour Les Inspirations ÉCO, Thomas Pellerin, représentant régional de l’institution financière, revient sur les grandes lignes de ses missions. 

Dans quelle mesure la promotion de la circularité dans l’industrie textile marocaine s’inscrit-elle dans la stratégie d’IFC ?
La relance verte du Maroc est l’un des piliers de la stratégie d’IFC pour le pays. Les CCDR (Country Climate and Development Reports, ndlr) – l’outil de diagnostic de la Banque mondiale qui étudie les liens entre climat et développement – estiment que près de 78 milliards de dollars sont nécessaires pour verdir l’industrie marocaine et mobiliser l’investissement en faveur, entre autres, d’un textile durable et compétitif. Cela représente un investissement annuel de 3,5% du PIB d’ici à 2050. C’est au cœur de la stratégie d’IFC au Maroc. Le secteur marocain du textile et de l’habillement doit évoluer pour tirer parti des possibilités offertes par la restructuration des chaînes logistiques mondiales, et tenir compte des exigences que le Pacte vert pour l’Europe imposera aux produits importés dans l’Union européenne d’ici à 2030, en particulier celles spécifiant que les produits textiles doivent autant que possible être fabriqués à partir de fibres recyclées.

Comment IFC peut-elle accompagner les industriels marocains dans cette transition ?
Pour aider le secteur du textile au Maroc à atteindre ces objectifs, IFC fournit un accompagnement unique sur trois plans principaux : un rôle fédérateur pour mobiliser tous les acteurs, domestiques et internationaux ; un appui technique et une expertise sectorielle pour aider tout le secteur à prendre le train de la circularité ; et, enfin, un accompagnement financier direct aux leaders du marché – pas uniquement en termes de taille d’investissements mais aussi en termes de capacité d’innovation et de transformation du secteur.

IFC vise à accompagner la transformation du secteur en envisageant d’investir dans la création d’un système de marché permettant le traitement circulaire des chutes de tissu, et ce, en vue de permettre à l’industrie d’évoluer vers une production générant moins de déchets et ainsi développer son avantage concurrentiel. Nous apportons aussi notre expertise en aidant nos partenaires à prendre les bonnes décisions par rapport à leur business model et en les accompagnant dans leur transition. C’est le défi d’un tel changement car un seul acteur ne peut porter une transition. Il y a besoin de coordination entre tous les acteurs et IFC veut fédérer le secteur du textile afin d’assurer une durabilité pérenne.

Quel rôle les différents acteurs peuvent-ils jouer pour favoriser une transition circulaire de l’industrie textile ?
Il va falloir, dans un premier temps, construire une stratégie de circularité. Cela passe par deux aspects importants. Chaque acteur du secteur du textile doit entamer une réflexion sur son business model, comment promouvoir la circularité et dans quelle mesure son business dépend d’autres acteurs. Une fois cette analyse faite, l’industrie pourra ainsi détecter les acteurs qui faciliteront cette transition. Les acteurs de l’industrie textile pourront, ensuite, définir le type d’investissement dont leur entreprise a besoin pour assurer une meilleure circularité.

Rappelez-nous les actions d’IFC au Maroc qui rentrent dans le cadre de la durabilité ?
Compte tenu du fait qu’IFC est la plus grande institution mondiale de développement axée sur le secteur privé dans les pays en développement, nos objectifs liés au climat sont très importants : 35% de nos investissements doivent être alloués aux projets liés au climat, dont la circularité.

Au Maroc, IFC soutient la stratégie verte du Royaume à plusieurs égards. Nous avons réalisé la première émission d’obligations vertes en 2017 avec la Banque centrale populaire (BCP). Nous aidons les banques locales à prendre en considération les enjeux climatiques dans leurs opérations financières. Nous soutenons également l’Autorité marocaine du marché des capitaux (AMMC) dans la définition des guides techniques sur les obligations vertes. Nous accompagnons directement les institutions qui vont faire des émissions d’obligations vertes ou des prêts afin de les encourager dans la voie de la finance verte. Nous avons, par ailleurs, soutenu la ville de Casablanca dans des stratégies et projets de mobilité verte.

En effet, en 2020, IFC a octroyé une enveloppe de 100 millions de dollars et une assistance technique à la Région Casablanca-Settat pour financer sa contribution aux nouvelles lignes T3 et T4 du tramway de Casablanca. Il s’agit du premier prêt commercial sans garantie souveraine à une région marocaine. Nous avons soutenu l’innovation et les startups engagées dans la lutte contre le changement climatique avec notre programme d’accompagnement du Cluster solaire. Les chantiers en cours portent sur le développement d’écoparcs industriels, notamment dans la Région de Tanger.

En outre, IFC se focalise sur le secteur du textile, compte tenu de son poids dans l’économie marocaine et le nombre d’emplois et de valeur ajoutée qu’il crée. C’est un secteur clé au Maroc : il contribue à l’emploi de 200.000 collaborateurs, dont une grande partie de femmes. L’industrie du textile contribue aussi à 12% des exportations, qui ont enregistré une hausse de 21,9% entre 2022 et 2021. Toutefois, c’est un secteur qui produit une quantité importante de déchets. L’étude que nous avons présentée, lors de la table ronde organisée en marge du salon Maroc In Mode (MIM), démontre l’intérêt que nous portons au secteur. Nous avons signé en avril un accord avec le ministère de l’Industrie et du commerce et l’Association marocaine des industries du textile et de l’habillement (AMITH) pour favoriser la durabilité dans le secteur. Cet accord permettra de poser les bases pour le développement d’une filière de recyclage des chutes post-industrielles de coton et de mobiliser l’investissement privé pour faire du textile au Maroc une industrie plus durable.

L’IFC va-t-elle faciliter le contact des textiliens marocains avec l’Union européenne, surtout avec l’arrivée prochaine de l’application de la taxe carbone ?
Les acteurs du textile marocain ont des relations directes avec certains acheteurs en Europe. IFC ne peut pas interférer dans ces relations commerciales. En revanche, elle peut aider les opérateurs à mieux comprendre les best practices et à faciliter les interactions avec des investisseurs étrangers potentiels. C’est ce qu’IFC a déjà fait pour développer les relations commerciales des acteurs marocains en Asie, à travers la facilitation de rencontres avec d’autres acteurs hors de leurs frontières. Ceci dans l’objectif de saisir comment le marché évolue à l’international et dupliquer ces pratiques au Maroc. Le Maroc est déjà un champion de l’économie verte. Il peut également être un champion du développement de la production circulaire. IFC se tient prête à soutenir ce développement, à la fois par ses services de conseil et par le financement des entreprises marocaines impliquées dans cette démarche.

Sanae Raqui / Les Inspirations ÉCO



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