Maroc

Sukuk : Le Maroc hésite encore

Malgré la possibilité pour le Maroc d’émettre des sukuk à destination de l’étranger et ce, depuis l’amendement de la loi sur la titrisation en 2013, le pays n’en a pas encore sollicité, suite à des raisons de disponibilité de liquidité, et à la facilité pour lui de lever des capitaux à l’étranger.

Le Maroc avait déjà fait un pas vers la titrisation dite islamique avec la loi sur la titrisation, en vigueur depuis 2013, par laquelle le royaume peut émettre les sukuk, produits de la finance participative, mais seulement à destination de l’étranger. Pour le marché local, il faudra attendre le dahir qui nommera le Sharia Board national, une commission composée d’un nombre d’oulémas et experts, ainsi que des spécialistes dans la charia, qui seront chargés de valider l’ensemble des produits de la finance islamique, y compris les sukuk, explique Abderrafi El Maataoui, expert en finance participative. De même, il faut la mise en place d’un arrêté ministériel, qui est en cours de préparation par le ministère des Finances. Cette commission devrait voir le jour avant le lancement des premières banques participatives, prévues en septembre prochain.

En attendant, la question qui se pose souvent est celle de savoir si des investisseurs étrangers pourraient être intéressés par les sukuk marocaines. Auprès des analystes, la réponse à cette question ressort positive, «si l’on prend en compte le nombre de demandes d’agrément déposées auprès de Bank Al-Maghrib pour le lancement des banque participatives, et l’afflux des investisseurs des pays du Golfe vers le Maroc avec notamment les joint-ventures opérées avec certaines banques de la place pour la création de filiales spécialisées en produits participatives», explique-t-on du côté des experts.

Toutefois, malgré la possibilité dont dispose le Maroc pour émettre une opération de sukuk, le royaume n’y a pas encore eu recours. Capitalisant sur son image à l’international et la crédibilité qui lui a été reconnue à maintes reprises par les organismes internatinaux, «le Maroc n’a pas sollicité d’émission sukuk, car le pays bénéficie d’un rating à l’international, n’a pas de difficultés à lever des capitaux et dispose d’une bonne image auprès des grandes instances, tel que le FMI», explique Abderrafii El Maataoui, expert en finance participative. Pour certains pays, précise El Maataoui, les sukuk sont «un moyen de contourner les difficultés internationales liées à la levée des fonds».

L’expert donne, à ce titre, l’exemple du Sénégal, qui a réussi une émission de sukuk, il y a deux ans, ou encore la Côte d’Ivoire ou le Nigéria, qui ont des soucis de lever de fonds par la manière conventionnelle. Dans la lignée de ces exemples, justement, plusieurs experts qui participaient, la semaine dernière à Casablanca, à une rencontre de l’Association marocaine pour les professionnels de la finance participative (AMFP) ont mis l’accent sur l’intérêt pour le Maroc de solliciter une opération d’émission de sukuk. «Cela constituerait un pas important vers les produits de la finance participative», ont souligné ces experts. 

Chiffres

Selon un rapport du CDVM, le marché global des sukuk a clôturé l’année 2011 avec un montant record d’émission de 85 milliards de dollars. Selon certains analystes, le marché des émissions de sukuk avait atteint un niveau record de près 123,4 milliards USD en 2012. Plus de 100 milliards de dollars c’est ce que représente le marché mondial des sukuk en 2014, après une baisse de 13%, selon d’autres sources.
Le marché est tiré vers le haut par les très bonnes perspectives que démontre la Malaisie en tant que plateforme pour ce type d’émission. La région d’Asie du Sud détient plus de 70% du marché mondial dont environ 72% détenus par la Malaisie. Par ailleurs, la Malaisie maintient sa position de leader en finance islamique, suivie par l’Arabie Saoudite, les Émirats Arabes Unis.


 

Fouad Bendi
Directeur général adjoint de Maghreb titrisation

Les Inspirations ÉCO : Quel est l’intérêt pour le Maroc d’effectuer une émission de sukuk ?
Fouad Bendi : Solliciter une émission sukuk devient une obligation, car lorsqu’il y aura les premiers agréments des banques participatives il faudra créer un écosystème. Les banques qui vont opérer dans le domaine auront de la liquidité qu’ils doivent placer dans des instruments. C’est pour cela qu’ils doivent créer un marché de sukuk. C’est une urgence et une obligation pour avoir un marché bien encadré. L’ État doit émettre des sukuk à l’international afin de marquer son leadership par rapport aux autres pays de la région et pour donner une image en tant que préconisateur des marchés financiers islamiques.

Pourquoi l’État n’a-t-il pas fait ce pas ?
L’État n’a pas encore émis de sukuk, car il dispose de beaucoup de liquidités. De même, les taux en interne sont intéressants, et donc l’État préfère se financer en interne. C’est aussi une décision politique. Et cette émission à l’international prendra effet au moment opportun. En ce qui concerne les émissions locales, les autorités y travaillent.

Quels sont les chiffres pour le marché des sukuk ?
Le marché des sukuk à l’international est, en encours, à plus de 300 milliards de dollars en termes d’émission de sukuk. En 2015, en termes d’émission ils ont atteint 65 milliards de dirhams, en baisse par rapport aux années précédentes suite à la baisse des émissions de sukuk de la Malaisie, incubateur du marché des sukuk avec mourabaha. L’Arabie Saoudite se distingue avec ijara 


 

Quid des aspects techniques ?

Les sukuk sont des titres à valeur égale représentant des parts indivises et tangibles. Le sukuk accorde à l’investisseur une part d’un actif, ainsi que des flux de trésorerie et des risques proportionnés. En tant que tels, les titres sukuk respectent les lois islamiques parfois appelées principes de la Charia, qui interdisent la facturation ou le paiement d’intérêts. Donc, contrairement aux obligations conventionnelles, les sukuk ne concernent pas les créances. Ce sont des actifs réels. Prenons un exemple; pour un projet, l’investisseur calcule les rendements, et émet des sukuk adossés audit projet pour le financer et le concrétiser. Ensuite, il perçoit des coupons variables en fonction du comportement de l’activité. Mais évidemment, les actifs sous-jacents titrisés dans l’émission des sukuk doivent être licites au regard de la charia, contrairement à l’obligation qui peut être émise pour n’importe quel type d’activité tant qu’elle est légale juridiquement.

Les risques liés aux sukuk
Toutefois les sukuks, comme la plupart peuvent le penser, ne sont pas exempts de risque. Déjà on peut parler du risque de taux de rendement. En effet, les sukuk qui rémunèrent selon une base fixe (ijara, istitna’a ou salam) sont tous exposés à ce type de risque en cas de changement des taux de marché. Il est important de noter que les sukuk, qui ont comme benchmark le Libor, sont également exposés (indirectement) aux fluctuations des taux de marché. De plus, les sukuks dont la maturité est plus longue sont exposés à un risque de marché naturellement plus élevé ce qui entraîne un risque de crédit.

Concernant ce dernier, il existe des risques de crédit propres aux produits financiers islamiques en particulier les sukuk. À titre d’exemple, les émissions de sukuk se réalisent, le plus souvent, dans des places financières émergentes où les méthodes de gestion de risque ne sont pas assez sophistiquées. De plus, vu la prohibition de l’intérêt, le rééchelonnement de la dette à des taux plus importants n’est pas possible.

Ceci implique un risque de défaut plus important que dans les produits de financements conventionnels. Il existe des risques particuliers associés à certains sukuk. Par exemple, les sukuk Salam sont exposés au risque que les matières premières ne soient pas livrées à terme. Les sukuk Istitna’a impliquent un risque de performance du côté du vendeur (l’émetteur). En général, les sukuk sont exposés au risque de chute de la valeur de marché de l’actif, chose qui peut réduire le montant du remboursement à échéance.

On peut aussi citer des problèmes de liquidités, car lorsqu’il n’y a pas d’acheteur sur le marché secondaire pour les sukuk, ces derniers seront vendus avec une prime d’illiquidité qui compensera le fait que les détenteurs de sukuk soient obligés de les détenir jusqu’à la maturité. Un autre risque lié à ce produit participatif qu’il faut prendre en considération, est le risque sharia, qui survient lorsque l’émetteur ne tient pas ses engagements contractuels, et rend ainsi le contrat nul aux yeux de la sharia.


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