Maroc

Smart Cities et IoT : comment le Maroc réinvente sa filière courant faible

Alors que le Maroc accélère sa transition numérique, la FENELEC dévoile une feuille de route ambitieuse pour structurer la filière courant faible, combinant révision douanière, réglementation stricte et inclusion
des PME.

Face aux défis des smart cities, le Maroc réinvente sa filière courant faible : une réforme aux enjeux économiques, sécuritaires et sociaux. La Fédération nationale de l’électricité, de l’électronique et des énergies renouvelables (FENELEC) a récemment officialisé la création de la Filière courant faible (FCF), pilotée par Abdelwahed Ajar, directeur général d’ASVS, coordinateur de la FCF, et Adil Mernissi, coordinateur adjoint.

Une initiative stratégique qui vise à professionnaliser un secteur clé pour la transition numérique et les smart cities, tout en répondant à des défis réglementaires, douaniers et socio-économiques. À travers une analyse des enjeux, décryptons les implications de cette feuille de route pour le Maroc.

Structuration du secteur et feuille de route 2025-2026
La Filière courant faible (FCF) de la FENELEC se positionne comme un pilier structurant pour le secteur, avec deux axes prioritaires : la révision des nomenclatures douanières et l’établissement d’un cadre réglementaire robuste pour les installateurs.

D’ici fin 2025, un événement sectoriel phare sera organisé pour accroître la visibilité du secteur et initier un dialogue multipartite, comme l’indique Abdelwahed Ajar. Cette phase initiale repose sur une harmonisation technique et normative, via des formations ciblées et une cartographie des besoins en compétences.

Sur le plan douanier, les nomenclatures obsolètes, inadaptées aux équipements innovants (IoT, domotique), entraînent des surcoûts et des complexités administratives. Une révision de ces codes qui permettrait de réduire les droits de douane sur les technologies stratégiques, facilitant ainsi leur importation et stimulant la production locale.

Abdelwahed Ajar souligne qu’«ajuster les codes douaniers pourrait rendre les technologies accessibles et favoriser l’investissement dans la fabrication nationale». Une réforme douanière qui, couplée à un cadre réglementaire clair, vise à transformer le secteur en un écosystème compétitif, capable de répondre aux exigences des smart cities et de la transition numérique.

Les enjeux de sécurité et de qualité
Il faut dire que l’absence de normes spécifiques aux installations de courant faible au Maroc engendre des risques systémiques, illustrés par les défaillances des systèmes de sécurité incendie.

«Des alarmes défectueuses retardent l’évacuation, des détecteurs mal calibrés ignorent un départ de feu, et une signalisation défaillante accroît la panique», alerte Ajar sur les conséquences d’un cadre réglementaire lacunaire.

Autant de dysfonctionnements qui exposent les acteurs à des risques juridiques majeurs, incluant des poursuites pour mise en danger, et à des pertes financières liées à l’invalidité des assurances.

Pour y remédier, la FENELEC promeut l’élaboration d’un référentiel national d’agrément, s’inspirant de modèles éprouvés comme la norme NF C 15-100 en France, qui régit les installations électriques basse tension. Une démarche progressive qui inclut la publication d’un guide de bonnes pratiques en 2026 et le lancement d’un programme pilote de certification pour les entreprises volontaires.

L’objectif est double : garantir la qualité des installations via des normes techniques rigoureuses et sécuriser les acteurs contre les risques juridico-financiers. En intégrant des exigences adaptées aux nouvelles technologies (smart building, IoT), ce cadre réglementaire aspire à élever les standards du secteur tout en préparant le Maroc aux défis des infrastructures intelligentes.

Révision douanière : impacts sur l’innovation et la production locale
La modernisation des nomenclatures douanières représente un levier stratégique pour libérer le potentiel technologique. Actuellement, les équipements high-tech, comme les capteurs IoT ou les dispositifs de smart grids, sont souvent classés sous des codes génériques, entraînant des droits de douane disproportionnés.

«Un capteur IoT pourrait être taxé comme un composant électronique basique, alourdissant son coût de 20 à 30 %», explique Abdelwahed Ajar pour illustrer ce déséquilibre.

Une révision ciblée des codes permettrait non seulement de réduire les coûts d’importation des technologies clés (5G, domotique), mais aussi de stimuler leur production locale en rendant les investissements industriels plus attractifs. Une dynamique qui pourrait positionner le Maroc comme un hub technologique régional, notamment dans le domaine des smart cities, où la demande en équipements intelligents croît exponentiellement.

La FENELEC soutient cette vision via des plateformes comme Elec expo et Tronica expo, prévus en novembre 2025, qui visent à connecter les acteurs locaux aux innovations globales. En alignant la politique douanière sur les réalités technologiques, le pays réduirait sa dépendance aux importations tout en capitalisant sur son tissu industriel émergent, notamment dans les zones économiques spécialisées en électronique et en télécoms.

Intégration des PME et artisans : concilier formalisation et inclusion
Avec plus de 60 % des installateurs marocains opérant dans l’informalité, la FENELEC doit naviguer entre rigueur réglementaire et inclusion socio-économique. Pour éviter l’exclusion des petits acteurs, la fédération mise sur des «formations accélérées» et des aides financières couvrant une partie des frais de certification.

«Simplifier les procédures et réduire les frais de certification est essentiel pour les TPE», insiste Ajar, soulignant la nécessité de guichets uniques et de campagnes de sensibilisation pour accompagner la formalisation progressive.

Sans ces mesures, un cadre normatif strict risquerait d’asphyxier les artisans, qui constituent l’épine dorsale du secteur. La stratégie repose sur des partenariats avec des centres de formation à Casablanca, offrant des cursus adaptés aux réalités des TPE, et sur des incitations fiscales temporaires pour amortir les coûts de transition vers la formalité. Une approche pragmatique qui vise à transformer l’informalité – souvent synonyme de précarité – en un vivier d’entreprises, capables de répondre aux normes de qualité sans sacrifier leur compétitivité.

En intégrant ces acteurs dans l’écosystème régulé, la FENELEC renforce à la fois la sécurité des installations et la résilience économique d’un pan essentiel de l’économie marocaine.

Bilal Cherraji / Les Inspirations ÉCO



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