Services publics autonomes : un levier sous-exploité de l’efficacité publique
Gestion autonome, résultats impressionnants, marges d’amélioration importantes…, les SEGMA, ces entités publiques à part, incarnent l’ambition d’un État moderne et efficient. Le rapport accompagnant le Projet de loi de Finances 2025 met en lumière les défis qu’il reste à relever pour faire de ces services un véritable pilier des réformes étatiques.
Peut-on moderniser l’État sans repenser ses outils ? Les services de l’État gérés de manière autonome (SEGMA) jouent un rôle discret mais crucial dans l’organisation de la vie quotidienne des Marocains. À l’heure où le Projet de loi de Finances 2025 met en lumière leur bilan et leurs perspectives, ils se révèlent être des acteurs stratégiques au cœur des réformes engagées par l’État.
Un rôle pivot dans les politiques sociales
Le rôle des SEGMA dépasse la simple prestation de services. En réalité, ils participent activement à la modernisation de l’État, en particulier dans des secteurs aussi cruciaux que la santé, l’éducation ou encore les infrastructures.
À travers le rapport accompagnant le Projet de loi de Finances 2025, le gouvernement met en lumière leur contribution financière et opérationnelle, tout en pointant les défis auxquels ils doivent faire face. Si leur nombre reste stable à 171 unités pour la deuxième année consécutive, leur impact et leurs perspectives suscitent un intérêt grandissant dans un contexte de réformes structurelles.
Depuis leur création, les SEGMA se sont imposés comme un levier majeur dans les domaines sociaux. Leur prédominance dans la santé et l’éducation en témoigne, ces secteurs, représentant 81% des SEGMA, sont au cœur des préoccupations gouvernementales. Les SEGMA opérant dans le domaine de la santé se distinguent particulièrement.
En 2023, ces services ont enregistré un taux de prise en charge des patients de 80%, tout en améliorant l’accès aux soins. Le dynamisme est également palpable dans les centres de transfusion sanguine, où le nombre de donneurs a bondi de 10,4% par rapport à 2022, atteignant 382.234 personnes.
Cependant, cette concentration sur les secteurs sociaux révèle aussi des déséquilibres. Des domaines comme l’agriculture ou les activités économiques, qui regroupent à peine quelques SEGMA, sont sous-représentés, «limitant ainsi leur contribution à des projets plus diversifiés et intégrés au développement global du pays».
Performance financière contrastée
Sur le plan financier, les SEGMA affichent des performances financières satisfaisantes. En 2023, leurs recettes ont atteint 6,46 milliards de dirhams (MMDH), dépassant de 27% les prévisions initiales. Cette performance, marquée par un taux de couverture des dépenses par les recettes propres de 91,39%, contre 65,64% l’année précédente, démontre leur capacité à générer des ressources sans dépendre excessivement du budget général de l’État.
Le secteur de la santé, encore une fois, domine. Il représente 42,87% des excédents financiers des SEGMA, grâce à une gestion efficace et une mobilisation accrue des ressources propres.
Cependant, tout n’est pas rose. Les dépenses d’investissement affichent un taux d’exécution de seulement 23,91%, ce qui révèle des difficultés persistantes dans la réalisation des projets planifiés. Le contraste entre des recettes en forte croissance et des investissements sous-optimaux met en évidence la nécessité d’une révision des priorités et d’une meilleure planification budgétaire.
Une modernisation en chantier
Pour les SEGMA, l’avenir repose sur une modernisation «ambitieuse» et une refonte de leur mode de fonctionnement. Les initiatives déjà entreprises, telles que la digitalisation des services et l’amélioration de la gouvernance, illustrent une volonté d’adaptation aux exigences contemporaines.
Dans le secteur des infrastructures, des efforts ont été réalisés pour renforcer la viabilité routière et moderniser les équipements techniques, tandis que dans les activités récréatives, des aménagements ciblés visent à rendre les services plus accessibles et attractifs.
Dans les activités récréatives, des projets d’aménagement et de sensibilisation citoyenne visent à rendre ces espaces plus accessibles et mieux équipés pour répondre aux attentes des usagers. Malgré ces avancées, les défis restent nombreux. La coordination entre les SEGMA et les autres institutions de l’État demeure insuffisante, tout comme leur intégration dans des stratégies nationales plus larges. De même, l’attractivité des SEGMA pour les talents, indispensable pour accompagner leur transformation, reste un enjeu crucial.
Le Projet de loi de Finances 2025 dessine des perspectives encourageantes pour ces services publiques autonomes, en insistant sur leur rôle dans l’accompagnement des réformes stratégiques de l’État. Toutefois, leur succès dépendra de la capacité des décideurs à repenser leur mission. Cela passe par une révision de leur gouvernance, une meilleure intégration dans les politiques publiques et une évaluation rigoureuse de leur impact.
Plus qu’un simple outil budgétaire, les SEGMA peuvent devenir un moteur de transformation étatique. Mais pour cela, il faudra dépasser les blocages actuels et miser sur une stratégie d’ensemble, capable de conjuguer efficacité, innovation et équité. Dans un Maroc en pleine mutation, le pari des SEGMA est autant un défi qu’une opportunité, celui de réconcilier ambition réformatrice et exigence citoyenne.
Faiza Rhoul / Les Inspirations ÉCO