Séisme d’Al Haouz : Un terreau fertile pour les spéculateurs ?
Alors que des citoyens se mobilisent fortement pour venir en aide aux victimes du séisme afin de leur procurer des produits dont ils ont besoin, d’autres saisissent cette opportunité pour s’enrichir. Une pratique dénoncée par les associations de protection des consommateurs qui commencent à constater des dépassements au niveau des produits les plus prisés en cette situation de détresse. D’où la sollicitation du gouvernement pour arrêter l’hémorragie.
Les Marocains ont fait preuve d’une solidarité et d’une générosité sans pareil pour venir en aide aux victimes du violent séisme qui a frappé la région d’Al Haouz, il y a une semaine. En effet, dès le lendemain de la catastrophe, des citoyens des quatre coins du pays se sont mobilisés pour tendre la main aux sinistrés à travers la collecte de dons, de denrées alimentaires de base, de vêtements, de couvertures ou encore de produits d’hygiène. L’élan de solidarité, qui d’ailleurs se poursuit en masse, est tel que des convois de camions et de remorques chargés d’aides alimentaires et autres produits en provenance de différentes régions du pays, ont envahi les routes menant aux régions sinistrées. Le déferlement des derniers jours a d’ailleurs fragilisé les routes impactées par le choc du séisme, ce qui a contraint le ministère de l’Équipement à interdire l’accès à la route nationale n°7 reliant Tahanaoute à Taroudant. Cette dernière est interdite aux poids lourds. Selon le département ministériel, elle a subi d’importantes dégradations, rétrécissant la chaussée et la rendant inadaptée au passage des camions.
Une aubaine pour certains
Mais cet élan de solidarité n’est pas l’apanage de tous. Face à une forte demande pour certains produits, des fournisseurs ont saisi cette triste occasion pour spéculer. C’est ce qui a été relevé par les associations de protection des consommateurs, lesquelles ont reçu des plaintes pour hausses de prix. À titre d’exemple, des tentes qui se vendaient à 2.500 dirhams valent actuellement 6.000 DH. Le prix des couvertures a également grimpé, au niveau des régions du sud, pour atteindre 160 DH contre 120 DH. Un autre mouvement de hausse a été constaté dans 25 grandes surfaces, à Casablanca et Rabat, principalement sur les produits d’hygiène et les couches pour bébés et adultes. L’autre constat concerne les projecteurs solaires dont le prix est passé de 450 à 750 DH. Une situation dénoncée par les fédérations de protection du droit du consommateur qui ont remonté ces dépassements aux autorités concernées. «Notre devoir se limite à ce niveau. Devant une telle situation, tout le monde devrait contribuer, mais le malheur des uns fait le bonheur des autres. Nous avions vécu les mêmes agissements durant la crise sanitaire. C’est ainsi que nous avons lancé des campagnes de sensibilisation sur les réseaux sociaux dès le lendemain de la catastrophe afin d’inciter les consommateurs à être force de délation», indique Ouadi Madih, président de la Fédération nationale des associations du consommateur (FNAC). Du côté de Bouazza El Kharrati, président de la Fédération marocaine des droits du consommateur, cette tendance est expliquée par la forte demande observée ces derniers jours, ce qui a engendré une pénurie de certains produits, déséquilibrant ainsi le marché. «Certes, la loi relative à la liberté des prix confère le droit à la libre concurrence. En revanche, l’article 4 de ladite loi spécifie que lors d’une calamité publique telle que celle que nous vivons actuellement, le gouvernement devrait intervenir pour fixer les prix et mettre un terme aux agissements des spéculateurs qui augmentent leurs marges bénéficiaires. Là, il ne s’agit pas d’une aubaine à saisir», s’indigne-t-il. Un cri de colère lancé par les spécialistes qui interpellent le gouvernement à intervenir pour prendre les mesures stipulées dans les textes de loi, à l’instar des tests et des masques dont les prix ont été réglementés durant la période Covid. Ces derniers sollicitent également du gouvernement l’instauration d’un stock de sécurité vu que les dons en produits alimentaires affluent à profusion. Pour leur part, les grandes surfaces affirment qu’aucune hausse n’a été constatée durant cette période dans leurs magasins. Toutefois, ils expliquent que si hausse il y a, elle émane des fournisseurs, laquelle se répercute systématiquement sur les prix de vente. Selon certaines sources, cette incompréhension sur les prix peut être due à l’effet JVSD. En d’autres termes, des promotions spéciales sont appliquées tous les jeudis, vendredis, samedis et dimanches, et dès le lundi, les prix reviennent à la normale. Quoiqu’il en soit, constater une hausse des prix au niveau de 25 magasins des grandes surfaces n’est pas anodin, abstraction faite de cet effet JVSD. Il n’y a pas de fumée sans feu.
Maryem Ouazzani / Les Inspirations ÉCO