MarocTable ronde

RSE : les impacts sociaux

Parmi les aspects abordés lors de la table ronde «Transformer l’action citoyenne en booster de compétitivité», le volet social de la RSE a donné lieu à des développements représentatifs des expériences de grandes entreprises de la place. Elles y ont toutes trouvé leur avantage, y compris sur le plan financier.

Interrogée sur la RSE dans le secteur de l’industrie lourde, Zineb Bennouna a explicité les challenges en jeu. Le premier est la nécessité d’un dialogue ouvert avec toutes les parties prenantes. Parmi elles, il y a les communautés riveraines d’un site où l’on ouvre une usine. Il faut alors savoir répondre à leurs attentes, notamment en termes d’employabilité.

Or, les nouveaux sites de production sont de plus en plus usines 4.0. Ce ne sont pas du tout les sources de revenus auxquelles s’attendent souvent les riverains. Quelques personnes vont être recrutées, mais l’entreprise va surtout aider les autres à pouvoir se former. Il s’agit alors d’organiser des actions pour l’employabilité de ces communautés, de les aider à trouver des emplois.

Ainsi, Lafarge-Holcim Maroc collabore avec l’OFPPT ou l’INDH pour former des jeunes. Par exemple, pour les aider à passer leur permis poids lourd, si c’est une région où il y a suffisamment d’industries. Cela peut aussi passer par de l’aide aux coopératives.

«Et ce qui est intéressant, c’est que l’impact est beaucoup plus large. Au-delà de cette femme qui va porter la coopérative, elle va faire travailler avec elles toutes les femmes du voisinage», souligne Zineb Bennouna.

L’idée est de leur donner de l’autonomie, avec l’INDH, par l’auto-entrepreneuriat ou même les startups. Il s’agit d’innovation sociale. Le groupe décline ainsi son action en quatre axes : employabilité, santé, éducation et développement durable. Enfin, il est nécessaire aussi de trouver un équilibre entre les objectifs RSE et les impératifs financiers.

Pour Aïcha Kouraich, il faut bien distinguer les concepts de Responsabilité sociétale des entreprises (RSE), des critères Environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) et de la durabilité. La RSE est une approche qualitative et qui est autorégulée. Elle n’est pas nécessairement liée à la performance financière, bien qu’étroitement associée.

À travers un large éventail d’activités : la philanthropie, le mécénat, l’intégration des normes éthiques, le respect des droits humains… L’ESG est une approche quantitative et réglementée de l’extérieur. Les investisseurs ou les agences de notation, au niveau du marché financier, vont vérifier dans quelle mesure l’entreprise est capable de considérer ses risques environnementaux et sociaux de gouvernance… Comment elle les intègre, est-ce qu’elle a des objectifs clairs, quelles sont ses performances… Cela va permettre de dire si telle entreprise est à tel niveau de maturité, ou pas.  La durabilité est la combinaison des deux. C’est une approche qualitative et quantitative. Un ensemble qui va permettre de créer de la valeur en interne auprès de toutes les parties prenantes, pas uniquement les shareholders, mais aussi les stakeholders. Elle va aussi contribuer au progrès social en matière d’employabilité et d’autonomisation. Elle permet encore d’assumer sa responsabilité environnementale à travers un ensemble de maîtrises de process, de produits…  Le groupe des Eaux minérales d’Oulmès a intégré cette démarche de longue date, affirme Aïcha Kouraich.

Dans un contexte caractérisé par des chocs économiques, géopolitiques, une pression inflationniste…, ce contexte tend à induire de la méfiance chez les consommateurs. La réponse est donc d’établir une relation de confiance avec l’entreprise. Elle a mis l’accent sur l’ancrage territorial. Sur ses sites d’implantation, elle a créé des écoles. Une autre initiative a été distinguée par le prix Albert de Monaco : le groupe a créé 12 centres d’émancipation par le sport pour les filles. Or, en plus de s’épanouir en jouant au football, qui était plutôt réservé aux garçons, elles améliorent leurs résultats scolaires. Des femmes qui ne peuvent pas accéder aux métiers industriels, nécessitant une technicité, ont été formées aux métiers du textile. Elles travaillent maintenant en association pour fournir des tenues de travail aux usines du groupe. Une autre coopérative, de plus de 100 personnes, fournit désormais les palettes à tous les sites au Maroc.

Radia Cheikh Lahlou revient sur l’importance de comprendre que la RSE est une manière de voir la croissance, un «mindset», comme le montrent bien les exemples ci-dessus. Le danger, souligne-t-elle, réside dans l’entrepreneur en BTP, par exemple, féru de football, et qui voudrait financer une équipe ou un club pour se faire plaisir.

L’entreprise peut avoir le sentiment d’avoir un impact positif, mais l’action risque de s’avérer complètement déconnectée de la réalité des parties prenantes. Une initiative RSE doit être alignée avec les besoins du terrain. Cela passe par le dialogue avec les parties prenantes, dont il faut bien comprendre les attentes. Ce n’est pas toujours facile. Parfois, elles répondent par complaisance, ou par méfiance, que tout va bien plutôt que de risquer de s’attirer des problèmes avec l’entreprise.

De plus, les réponses à apporter peuvent demander des solutions qui n’existent pas encore. Elles peuvent aussi être en contradiction avec la performance financière ou avec l’avis du top management.  Il faut donc savoir trouver un équilibre. Il serait très important de mesurer l’impact sur la durée de certaines actions. Comme dans le cas de ces jeunes filles dont l’accompagnement par le sport a eu un impact sur leurs résultats scolaires. Ou, ainsi que l’évoquait Zineb Bennouna, comment des communautés ont été autonomisées. Ce qui est formidable, ce sont les effets réels. On ne fait pas de la RSE pour faire de la communication.

«Il faut apprendre à collaborer, à co-construire. Ce sont toujours des démarches partenariales extrêmement fortes», conclut Radia Cheikh Lahlou.

Mourad Benhammacht rejoint son propos, en soulignant qu’une initiative RSE ne peut pas être «top-down», mais plutôt «bottom-up». Il cite en exemple le site de Sothema à Bouskoura, où il a fallu prendre en compte l’employabilité des jeunes de la région. Le groupe s’est aussi occupé de l’éducation thérapeutique des pharmaciens, médecins, etc.

C’était un besoin qui émanait du terrain, et la stratégie s’adapte en fonction des feedbacks. Benhammacht insiste enfin sur un dernier point : la RSE ne doit pas répondre qu’à l’externe. Le volet interne, dans ses différents composantes, est également très important, notamment la diversité, l’inclusion, l’équité de rémunération et les conditions de travail. Là encore, il faut savoir équilibrer les deux volets.

Murtada Calamy / Les Inspirations ÉCO



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