Maroc

Relation médecin-patient. Les médecins, ces intouchables ? (1/2)

C’est un nouvel épisode dans l’affrontement entre le corps médical et l’opinion publique. Retour sur une affaire où le droit à l’information est en péril.

Après Zouhair Chorfi, secrétaire général du ministère de l’Économie et des finances, c’est au tour du journaliste Mohamed Ammoura d’être dans le viseur des organisations représentatives des médecins. Le Conseil national de l’Ordre des médecins (CNOM) a saisi la Haute autorité de la communication audiovisuelle (HACA) le 26 août suite à la diffusion d’une émission sur la Radio nationale critiquant «certaines pratiques contestables des médecins marocains en relation avec leurs patients». Une nouvelle fois, médecins et citoyens se trouvent face-à-face. La faible visibilité des instances de médiation au sein du corps médical (CNOM et CROM) complique la relation médecin-patient.

Intrusion de l’Exécutif
Rappel des faits. Le 24 août, Mohamed Ammoura, animateur vedette de la Radio nationale consacre son émission quotidienne «Soyez vigilant» au sujet de «la trahison de la mission médicale». Tout en décrivant les pratiques frauduleuses de certains médecins et des infrastructures de soins avec ce que cela comporte comme manque de respect de l’éthique de la profession, le journaliste prend toutes les précautions d’usage en précisant «qu’il faut éviter la généralisation». Le CNOM estime dans sa plainte que «l’émission a été marquée par des jugements de valeurs et des accusations gratuites contre la profession médicale». La plus haute instance représentative des médecins au Maroc appelle la HACA à «prendre la décision adéquate pour préserver la mission d’information». Anass Doukkali, ministre de la Santé en rajoute une couche.

Dans une lettre adressée à la HACA, le ministre représentant le pouvoir exécutif demande «la suspension de la diffusion d’une émission réservée au même thème». La plainte et la demande du ministre de la Santé ont soulevé un tollé au sein des organisations des professionnels de l’information. Plusieurs se mobilisent pour défendre «le droit à l’information et la liberté de la presse». Le Syndicat national de la presse marocaine (SNPM) estime que «ces réactions constituent une grave atteinte à la liberté de la presse et au droit des citoyens à l’information». L’instance syndicale se dit «inquiète» de l’intrusion du pouvoir exécutif dans le champ médiatique. «Jamais dans l’histoire du Maroc, un ministre n’avait demandé de manière officielle d’interdire un programme médiatique», alerte-t-elle.

Face à ces menaces, le SNPM a annoncé une réunion «urgente» de ces membres le 4 septembre à Casablanca. Même son de cloche de la part de plusieurs organisations professionnelles. Parmi elles, la Fédération marocaine des éditeurs de journaux qui affiche sa «solidarité absolue et inconditionnelle» avec l’animateur radio.

Pour sa part, l’Organisation liberté d’information et d’expression (OLIE) considère que «toute tentative d’interdire les critiques des dysfonctionnements dans le secteur de la santé est non seulement une atteinte au droit à l’information mais aussi une compromission avec les lobbies corrompus». Pour rappel, ce n’est pas la première fois que médias et médecins se trouvent en situation de conflits. Une enquête de nos confrères de Telquel avait suscité l’ire de plusieurs organisations des médecins. Leur requête auprès de la justice a été déboutée en 2018.


Saïd Afif
président du Collège syndical national des médecins du secteur privé (CSNMSP)

«Une charte de bonne conduite est prévue»

Pourquoi les différents entre les médecins et l’opinion publique se multiplient-ils ?
Tout d’abord, il n’y a aucune guerre entre médecins et journalistes, il y a un respect mutuel du travail de chacune des deux professions dans l’intérêt de la santé du citoyen. Dans le cas présent, une demande a été adressée par le CNOM à la HACA, seule instance habilitée à statuer dans l’audiovisuel. C’est à la HACA de trancher. Cette institution d’arbitrage est au-dessus de nos positions respectives. J’ai pris contact avec des amis journalistes pour leur assurer de notre volonté de travailler conjointement dans l’intérêt général. Nous voulons transformer ensemble ce qu’il y a de négatif dans notre secteur. Il est temps de remédier à certaines pratiques et même recourir à des sanctions. Les médias ne sont pas les seuls à dénoncer certaines pratiques, nous le faisons aussi et de manière récurrente.

Si les deux professions ne sont pas en guerre, pourquoi cette levée de boucliers ?
Nous refusons la généralisation et de jeter en pâture une profession sur la place publique. Ceci ne fait qu’attiser la colère populaire contre une profession. Nous appelons un diagnostic global et apaisé de la situation du secteur.

Pourtant, le journaliste n’a pas généralisé…
Le rôle des médias est essentiel pour réussir les opérations de sensibilisation en santé, sans collaboration entre nous rien n’est possible. Je rappelle le cas de la grippe AHN1.

Faut-il un dialogue franc entre les médecins et les citoyens ?
Nous appelons à jeter des ponts entre les syndicats de médecins et leurs confrères dans le journalisme. D’ailleurs, nous disons merci à ce journaliste de la SNRT d’avoir permis de lancer ce débat. À ce propos, nous préparons une Charte de bonne conduite à signer par les médecins et elle sera présentée au ministère de la Santé dans les prochaines semaines. 



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