Relance économique : la promotion du « Made in Maroc » est prioritaire
Des contrats-programmes sont actés pour assurer la relance de plusieurs secteurs malmenés par la crise de la Covid-19. Si certains d’entre eux pourront désormais voir plus clair dans la stratégie de leur relance, d’autres attendent encore leur tour dans la liste des secteurs «prioritaires». Les besoins urgents diffèrent d’une activité à l’autre, mais l’ambition est commune : la reprise !
Depuis que la pandémie de la Covid-19 a frappé, l’État tente tant bien que mal de soutenir, voire de porter secours, aux activités économiques les plus impactées par cette crise sanitaire. Plusieurs actions et mesures concrètes ont été mises en place, à commencer par la mise en place du Comité de veille économique (CVE) dès les premières semaines de cette conjoncture inédite. Cette cellule qui regroupe entre autres les principaux départements ministériels, Bank Al-Maghrib, le Groupement professionnel des banques du Maroc, la Confédération générale des entreprises du Maroc, a pour principale mission de veiller au grain sur l’évolution de la situation économique et d’identifier les mesures appropriées en termes d’accompagnement des secteurs impactés. C’est, justement, dans ce cadre qu’une série d’actions a été déployée pour apporter une bouffée d’oxygène à la machine économique et limiter les dégâts générés par la crise de la Covid-19. Des secteurs ont ainsi eu droit à des mesures ponctuelles qui ont permis de contrecarrer des pertes colossales en termes de performances financières et de pertes d’emplois. D’autres activités, quant à elles, ont eu droit à des contrats-programmes dédiés spécialement à la relance. C’est particulièrement le cas du tourisme, mais aussi – depuis le début de cette semaine – de l’événementiel, des services de traiteurs et des parcs d’attractions et jeux. A-t-on par là dépassé la zone de turbulences ? Ces secteurs sont-ils les plus nécessiteux du soutien de l’État? D’autres activités sont-elles encore comateuses ? Que peut, concrètement, le gouvernement pour leur porter de l’aide ?
Tourisme, événementiel, loisirs… définitivement sauvés ?
Sauvetages en série. C’est de cette manière que semble se déployer le soutien apporté par l’État aux activités économiques dévastées par la crise pandémique. Il en va, en effet, de leur survie et de la préservation de millions d’emplois. Le tourisme, un maillon important dans la chaîne économique nationale, est l’un des secteurs les plus touchés par l’actuelle crise sanitaire. La signature du contrat-programme, en août dernier, est venue donner de l’espoir à l’activité touristique qui a déjà été frappée de plein fouet par les problématiques engendrées par la fréquentation limitée des établissements hôteliers, les restrictions de mobilité, l’inquiétude des ménages quant au respect des mesures sanitaires… Ce contrat couvrant la période 2020-2022, conclu entre l’État et le secteur privé, comprend un ensemble de mesures d’accompagnement. «Il ambitionne de donner une impulsion forte au secteur et d’insuffler une nouvelle dynamique pour accompagner sa relance, sa transformation et la diversification de sa chaîne de valeurs, à travers trois objectifs majeurs. Il s’agit de préserver le tissu économique et l’emploi, d’accélérer la phase de redémarrage et de poser les bases d’une transformation durable du secteur», assurait-on après du CVE. Par ailleurs, les deux contrats-programmes signés cette semaine lors de la dixième réunion du CVE, viennent aussi impulser les activités relevant de l’événementiel, des services de traiteurs et des parcs d’attractions et jeux, et à préserver le tissu des entreprises y opérant et, par là, l’emploi, à travers des mesures de soutien économique et financier et d’autres actions transverses. Le premier contrat concerne les traiteurs, les loueurs d’équipements techniques liés à l’événementiel (son, lumière, vidéo, etc.), les loueurs d’espaces dédiés à l’événementiel (salles, chapiteaux, etc.), les loueurs de mobilier dédié à l’événementiel et les prestataires de services pour l’événementiel.
Quant au second contrat-programme pour la relance du secteur des parcs d’attractions et de jeux, il intéresse les entreprises opérant dans les espaces couverts de jeux (patinoire, espaces de jeux pour enfants, salles de jeux vidéo et automatiques), celles actives dans les espaces de jeux à l’air libre (espace de skate-park, karting, mini-golf, tir à l’arc, manèges et parcs aquatique, les espaces et circuits d’accro-branche) ainsi que les parcs animaliers et zoologiques. Pour ce qui est de la relance de l’événementiel, Mehdi Bennis, président de l’Association marocaine des agences conseil en événementiel (AMAE) assure que «la signature du contrat-programme est une vraie reconnaissance pour notre secteur. C’est le premier secteur qui a été touché par la crise sanitaire. Il sera aussi le dernier à reprendre son activité. Nous attendons de voir comment la situation du secteur sera débloquée dans le temps. En général, le contrat-programme de l’événementiel comprend des mesures similaires à celles mises en place pour le tourisme». Pour lui, le challenge actuel réside dans la reprise de l’activité du secteur de manière progressive. Étant donné que les manifestations, événements et rassemblements de grande envergure restent toujours interdits, l’association professionnelle demande à ce que le gouvernement puisse autoriser les opérateurs à organiser des événements qui ne dépassent pas un rassemblement de 200 personnes. Bennis affirme, dans ce sens, que «cela nous aidera énormément et nous permettra aussi de participer à la reprise de l’économie nationale. Nous sommes parfaitement capables de gérer des événements de 150 à 200 personnes tout en respectant les mesures sanitaires obligatoires». L’autre secteur qui a assuré sa survie grâce au plan de relance industrielle (PRI), signé il y a deux semaines pour la période 2021-2023, n’est autre que celui de l’aéronautique. En effet, Karim Cheikh, président du Gimas assure que «notre secteur s’inscrit parfaitement dans ce plan. Les sujets exposés par le ministre de l’industrie, correspondent parfaitement au plan de relance que nous avons demandé pour l’aéronautique». Il est à rappeler que le secteur a pu rester résilient face à la crise. À fin juillet dernier, il accusait une baisse de 21% de son activité par rapport à la même période de 2019. En matière d’impact social, les dégâts sont limités avec une perte d’emplois de 10%. L’objectif de Gimas est d’accompagner ses entreprises membres pendant cette période de crise, car tant que le secteur aérien ne reprend pas, les avionneurs réduiront plus encore la cadence de construction, ce qui se répercutera indéniablement sur toute la chaîne de valeur.« Je note par ailleurs que l’impact de la crise sur notre secteur est bien plus modéré que dans d’autres pays, ce qui prouve notre compétitivité à l’échelle mondiale», développe Karim Cheikh.
… Quels secteurs devraient suivre ?
Il est certain que la relance de ces seuls secteurs ne saurait être suffisante pour assurer la relance de l’économie nationale. D’autres activités se trouvent aussi dans le besoin impératif d’un accompagnement effectif de l’État. Citons ici, de segments tels le textile, l’électronique, l’aérien, la métallurgie, la sidérurgie… Autant de secteurs, à forte valeur ajoutée, qui représentent des maillons clés de la croissance économique nationale, et qui ont été malmenés par les effets de la crise sanitaire. Interrogé sur la situation actuelle chez les fabricants, les installateurs, les distributeurs, les opérateurs des énergies renouvelables et ceux de l’électronique, Reda Sekkat, président de la Fenelec assure que «l’État devrait donner plus d’intérêt à notre activité et devrait surtout penser à des mesures concrètes pour accompagner notre relance. Ceci passera par la préférence nationale, dans le sens où les opérateurs nationaux doivent profiter de la commande nationale et de leur coté contribuer à la relance de l’économie». Et d’ajouter : « Nous avons des revendications transverses à ces différents métiers, notamment la nécessité et l’urgence de la promotion du Made in Maroc, car notre secteur a beaucoup à offrir à ce niveau.
Pour nous il est aussi important de revoir plusieurs accords de libre échange», martèle le président de la Fédération nationale de l’électricité et de l’électronique au Maroc. En d’autres termes, l’État devrait protéger davantage l’industrie marocaine à travers les droits de douane ou encore l’amélioration de la réglementation actuelle, estime notre interlocuteur. «Notre secteur a lourdement pâti de la crise. Plusieurs activités sont en retard par rapport à leurs objectifs. Il faut donc agir et assurer la pérennité du tissu national», alerte Sekkat. Parmi les opérateurs qui attendent encore que l’État leur tende la main, on retrouve également le secteur des boulangeries. Ce secteur assure des dizaines de milliers d’emplois. Il joue également un rôle important dans la sécurisation du marché national du pain. Néanmoins, il souffre aussi de nombreuses contraintes. Dans une déclaration accordée à la MAP, le président de la Fédération nationale de la boulangerie et pâtisserie du Maroc (FNBPM), Lahoucine Azaz, évoquait une notable «baisse des ventes liée aux restrictions préventives (interdiction des fêtes, regroupements familiaux, conférences et festivals». Il a rappelé que le ministère de l’Agriculture et de la pêche maritime avait élaboré une étude stratégique pour diagnostiquer la situation réelle du secteur des boulangeries et de la confiserie, en partenariat avec la FNBPM.
Sur la base de cette étude, les ministères de tutelle (Intérieur, ministère du Commerce et de l’industrie, Agriculture) ont proposé un programme contractuel pour la mise à niveau du secteur, l’amélioration de la rentabilité et la situation des propriétaires et des employés. Néanmoins, «ce programme contractuel n’est pas toujours mis en œuvre depuis son élaboration il y a environ deux ans», fait observer Azaz. Du côté de la métallurgie, la situation n’est guère meilleure. Déjà, le secteur accuse une perte de 15.000 postes de travail depuis le confinement, auxquels s’ajouteront 10.000 autres, d’ici la fin de l’année. La cause étant la baisse drastique de l’activité en plus de plusieurs faillites attendues pour la filière qui roule actuellement à 30% de sa capacité. Tarik Aitri, président de la Fédération des industries métallurgiques mécaniques et électromécaniques (FIMME) tire la sonnette d’alarme sur la conjoncture actuelle du secteur. Il affirme que «pour l’instant, honnêtement, notre secteur n’est pas encore sur la table du CVE. En fait, je trouve que les mesures pour accompagner un secteur tel que l’industrie, ne sont pas aussi faciles et ne sauraient être ponctuelles. Elles nécessitent de la pérennité. L’industrie nationale a besoin de plusieurs mesures, au niveau de la loi de Finances ou encore pour ce qui a trait au Code régissant les marchés publics… C’est une politique d’État». Pour lui, le CVE ne peut résoudre ce genre de problématiques, surtout dans les circonstances actuelles. Toutefois, il est impératif de garder à l’esprit que le secteur de la métallurgie emploie un grand volume de main d’œuvre. En même temps, il dépend à 90% des projets et des chantiers. «Partant du fait que ces deux sont actuellement à l’arrêt, nous avons essayé de maintenir les emplois aussi longtemps que nous avons pu, mais ce n’est pas tenable ad vitam aeternam. Le pire est que nous passé des années à former une main d’œuvre qualifiée, que nous allons perdre aujourd’hui si rien n’est fait pour assurer la relance. Dans ce sens, il faut réellement appliquer la préférence nationale. Elle doit être imposée pour le public et le privé», martèle Aitri. Le chemin de la reprise semble donc encore long.
Sanae Raqui / Les Inspirations Éco