Réhabilitation du Cinéma Salam : Agadir redonne vie à un site d’ancrage collectif

À Agadir, le Cinéma Salam, joyau rescapé du séisme de 1960, va démarrer une nouvelle vie. Grâce à une cession gracieuse de la part d’Aziz Aboualmajd, homme d’affaires de la région, l’édifice sera réhabilité.
Rescapé du séisme du 29 février 1960 à Agadir, le Cinéma Salam, devenu au fil des décennies un repère de la mémoire collective locale, sera enfin réhabilité. La société de développement local «Grand Agadir pour la mobilité et les déplacements urbains» (GAMDU) prévoit d’adjuger, cette semaine, le premier lot des travaux portant sur l’aménagement urbain, le traitement paysager et la restauration de la façade extérieure de ce bâtiment emblématique à la silhouette en «selle de cheval».
D’un coût estimé à 5,81 millions de dirhams, le projet a bénéficié d’une généreuse donation de l’homme d’affaires Abdelaziz Aboulmajd à la commune urbaine d’Agadir. Le chantier permettra de redonner tout son éclat à ce lieu chargé d’histoire, en l’intégrant dans une programmation culturelle plus ambitieuse.
Le projet s’inscrit dans le cadre du vaste plan d’investissement dédié à la Coupe d’Afrique des nations (CAN) 2025, qui englobe plusieurs chantiers structurants : la réhabilitation de la gare routière Al Massira, la modernisation du cinéma Salam, l’aménagement des places Al Amal, des grands taxis et du général El Kettani.
Ces initiatives s’ajoutent à la restauration déjà engagée de plusieurs espaces publics emblématiques de l’Agadir d’après-séisme, dont les places attenantes au cinéma Rialto (près de l’immeuble «A»), la place du Prince héritier, celle de l’Hôtel de ville face à la municipalité, ainsi que le marché central.
La vocation culturelle maintenue
Une consultation citoyenne a été lancée par la commune urbaine d’Agadir au sujet de la vocation future du cinéma Salam. Les résultats de cette consultation ont insisté sur le maintien de sa vocation culturelle. En parallèle, une étude technique a démontré la solidité de la structure du bâtiment sur le plan technique.
Pour rappel, le cinéma Salam, situé sur l’avenue Al Mouqaouama, fait partie des sites ayant nécessité tout un plaidoyer de sauvegarde de la part de la société civile. Il compte parmi les bâtiment rescapés du séisme protégés par le plan d’aménagement sectoriel et de sauvegarde du centre urbain et du secteur touristique et balnéaire de la ville d’Agadir.
Ce patrimoine est scindé en deux catégories. La première englobe les édifices qui ont échappé au séisme de 1960. La seconde catégorie, regroupe, elle, l’ensemble des bâtiments qui ont été construits depuis la mise en place du Haut-commissariat à la reconstruction d’Agadir le 29 juin 1960.
Cette catégorie nécessite aussi une préservation particulière puisqu’elle englobe des œuvres de référence de la période de reconstruction de la ville après le tremblement de terre. De nombreux architectes de la reconstruction d’Agadir ont contribué à cette opération. Ils sont issus en majorité du mouvement moderniste porté par Elie Azagury, Michel Ecochard, Mourad Ben Embarek, Henri Tastemain, Jean-François Zevaco, Patrice de Mazières, Abdeslem Faraoui, Louis Rioux, Armand Amzallag, entre autres.
Architecture moderne : Agadir, une pépinière expérimentale
Notons que c’est au niveau du centre-ville que se concentre la majorité des bâtiments aménagés entre 1963 et 1973. À commencer par le Mur de la commémoration, également appelé Mur du souvenir, dédié aux victimes du tremblement de terre de 1960 sur lequel est inscrite la déclaration du Roi Mohammed V au lendemain du séisme : «Si le destin a décidé de la destruction d’Agadir, sa reconstruction dépendra de notre foi et de notre volonté (…)».
Parmi les autres édifices notoires, figurent l’immeuble A, l’immeuble D, la poste principale, le marché municipal, la caserne des pompiers, ou encore le collège Souss El Alima. Après le séisme, la ville a été un grand chantier de reconstruction et de renaissance. Certes, le célèbre architecte Charles-Édouard Jeanneret, dit Le Corbusier, n’a pas travaillé sur ce projet pharaonique comme l’espéraient les Gadiris, mais ses disciples ont appliqué nombre de ses théories sur l’architecture moderne d’Agadir.
Ce fut le cas, notamment, dans le quartier administratif et dans la nouvelle ville avec la forte présence de béton brut dans les édifices. Ces derniers ont été construits verticalement dans un style d’architecture fonctionnelle avec un accent sur l’éclairage et la ventilation.
Agadir est devenue alors une pépinière expérimentale pour l’architecture moderne, qui, à l’époque, semblait être le choix officiel de l’État en matière d’urbanisme. Tout cela a paru dans plusieurs ouvrages, dont la poste centrale, la caserne des pompiers, des écoles et des logements de fonction par Jean-François Zevaco; l’immeuble A par Louis Rioux et Henri Tastemain; l’hôtel de ville par Emile Duhon; la délégation de la santé à Talborjt et le tribunal de «sadad» (actuel tribunal administratif) par Elie Azagury; le marché de gros et sa coupole ainsi que le marché municipal par Claude Verdugo…
Yassine Saber / Les Inspirations ÉCO