Maroc

Régime de change : pourquoi le dirham ne flotte pas librement ?

Après la flexibilité du dirham, la libéralisation du taux de change au Maroc rencontre-t-elle des obstacles ? Bank Al-Maghrib fait le point sur la situation devant le Parlement. Du côté des spécialistes des questions monétaires, les avis sont partagés.

C’est une réunion très instructive sur les prochaines étapes de la réforme du régime de change au Maroc qui s’est tenue, lundi dernier, à la Commission des finances de la Chambre des conseillers. Il faut dire que Bank Al-Maghrib (BAM) y était présente avec tout son état-major afin d’expliquer aux parlementaires les tenants et aboutissants de ce processus. Et des différentes interventions, on retiendra certains détails communiqués par le wali de BAM lui-même, mais aussi par ses «lieutenants».

C’est le cas du directeur des études économiques, Mohamed Taamouti, qui a insisté, lors de son intervention, «sur la nécessité d’une transition ordonnée et fluide vers la prochaine phase de la réforme, en veillant à maîtriser l’inflation et à préserver un niveau adéquat de réserves en devises».

Bien évidemment, du côté des spécialistes des questions financières et monétaires, on ne manque pas d’interpréter ces «préalables» avant le passage à la prochaine étape de la réforme. Il s’agit surtout de la maîtrise de l’inflation, qui commence certes à retomber, mais qui aura bel et bien secoué l’économie nationale.

L’inflation d’abord
«Le Maroc veut adopter une politique de ciblage de l’inflation dans sa politique monétaire, afin que celle-ci réponde à ses objectifs en la matière, avec une volatilité plus importante des taux directeurs et monétaires. Puis, dans un second temps, la réforme peut concerner le marché des changes», commente un professionnel des salles des marchés dans une déclaration aux Inspirations Éco.

Autrement dit, selon notre interlocuteur qui a requis l’anonymat, il faudrait d’abord venir à bout de l’inflation ou au moins la faire reculer, avant de penser aux futurs élargissements de la bande de flexibilité du dirham. Cette bande de fluctuation est aujourd’hui de 5%.

«Les opérateurs, à l’import comme l’export, font actuellement leurs opérations sans l’intervention de BAM. Les mécanismes mis à disposition des entreprises marocaines ne sont pas pleinement utilisés, à l’instar du marché à terme, dont l’encours oscille seulement autour des 50 MMDH, sur un total d’environ 800 MMDH de volume commercial. C’est encore relativement faible. Donc, il n’y a pas encore d’intérêt à élargir la bande», poursuit notre source.

Des conditions réunies
C’est dire que l’inflation peut s’avérer être une sorte d’élément perturbateur dans la conjoncture actuelle ou plutôt récente. Car pour Omar Bakkou, économiste et spécialiste des politiques monétaires, «ce facteur de l’inflation ne peut pas retarder le passage aux prochaines étapes».

Selon lui, «en principe, les conditions sont réunies pour enclencher ce processus, notamment sur le plan macro-économique, car nous avons un marché des changes équilibrés».

L’économiste fait savoir que depuis 2018, BAM n’est intervenue qu’une seule fois pour acheter des liquidités. Et de façon globale, il n’y a pas de risque de chute libre des prix au Maroc. Il faut savoir qu’il y a un lien entre l’inflation et le taux de change dans le cas où on libéralise ce dernier et que cette libération s’accompagne d’un taux de change inférieur.

Cela pourrait alors affecter les prix. Mais le modèle global de libéralisation du taux de change prévoit un dispositif de ciblage de l’inflation qui vise à stabiliser le taux de change et les prix.

«Si le taux de change se déprécie à un certain niveau, alors il y aura une intervention de BAM», poursuit Bakkou. Autant dire, comme aime à le répéter le wali de Bank Al-Maghrib, qu’«une réforme de cette ampleur nécessite une approche prudente, progressive et rigoureusement préparée». Il reste à savoir si BAM entend passer à l’action ou pas.

Libéralisation totale ?
D’ailleurs, en parlant du passage à la prochaine étape, beaucoup s’attendent à une suppression pure et simple des bandes. Autrement dit, on ne devrait plus avoir une flexibilité limitée à 5%, mais probablement une réforme plus audacieuse se rapprochant de la libéralisation totale du taux de change.

Pour rappel, c’est en janvier 2018 que le premier acte de cette politique de flexibilité avait été posé, avec une bande limitée à 2,5%, puis élargie de moitié en mars 2020, pour atteindre les 5%.

Enfin, il faut noter que, comme le rappelle le wali de BAM, cette réforme fait l’objet d’un suivi régulier de la part du Fonds monétaire international, qui n’a eu de cesse de recommander aux autorités marocaines d’avancer sur ce chantier.

Abdellatif Jouahri
Wali de Bank Al-Maghrib

«Une réforme de cette ampleur nécessite une approche prudente, progressive et rigoureusement préparée. L’objectif n’est pas de déséquilibrer les fondamentaux économiques, mais de les consolider et de les adapter aux exigences d’une économie moderne et ouverte.»

Omar Bakkou
Économiste, spécialiste des politiques monétaires

«En principe, les conditions sont réunies pour enclencher ce processus, notamment sur le plan macro-économique, car nous avons un marché des changes équilibré. Ce facteur de l’inflation ne peut pas retarder le passage aux prochaines étapes, à savoir la suppression des bandes sur la flexibilité du dirham marocain.»

Abdellah Benahmed / Les Inspirations ÉCO



Informel : derrière les chiffres du HCP


Recevez les actualités économiques récentes sur votre WhatsApp Suivez les dernières actualités de LESECO.ma sur Google Actualités

Rejoignez LesEco.ma et recevez nos newsletters




Bouton retour en haut de la page