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Réforme de l’enseignement : Cette rentrée sera-t-elle la bonne ?

 

Sur le plan des promesses, la rentrée des classes se déroule sous de bons auspices: insistance sur l’importance du préscolaire, enseignement des sciences et techniques en langues étrangères, passerelles entre l’école et la formation professionnelle… Toutefois, les attentes sont énormes et la qualité de l’enseignement nécessite des moyens colossaux en ressources humaines et en logistique.

C’est aujourd’hui, mercredi 5 septembre, qu’a lieu la rentrée des classes pour les trois cycles de l’enseignement ainsi que les classes préparatoires du Brevet de technicien supérieur (BTS). C’est la rentrée de toutes les attentes, qui intervient après la crise des enseignants contractuels et la nomination d’un nouveau ministre en la personne de Said Amzazi. Elle intervient surtout après les recommandations de la Banque mondiale (BM) de se concentrer davantage sur la qualité de l’enseignement. «Il y a beaucoup d’élèves à l’école, mais beaucoup n’apprennent pas ou peu», tel était d’ailleurs le constat sans appel que le directeur principal du pôle éducation à la BM avait émis il y a quelques mois à Rabat. Car si le Maroc a plus ou moins réussi le pari de la pleine scolarisation, qui sera obligatoire jusqu’à 16 ans contre 15 actuellement, il a failli dans le «fond». Après de longues années ponctuées de rendez-vous manqués, de plans d’urgence et de réformes qui se sont avérés être de véritables gouffres financiers, il aura fallu que le souverain intervienne pour remettre les pendules à l’heure et retracer le chemin de réforme. C’est dans ce contexte que le Conseil des ministres du 20 août dernier a adopté le projet de loi-cadre relatif au système d’éducation, de formation et de recherche scientifique.

Le préscolaire, une priorité
Ce projet, qui n’en est pas moins une feuille de route, table sur le préscolaire pour hisser le niveau et lutter contre le décrochage scolaire. Il prévoit d’intégrer graduellement l’enseignement préscolaire au sein du primaire pour les enfants de 4 à 6 ans. Ensuite viendra l’intégration des enfants de 3 ans. Cela impliquera nécessairement des investissements pour accueillir des milliers d’enfants en bas âge avec tout ce que cela suppose comme moyens humains et pédagogiques (voir encadré). Il faut rappeler dans ce sens les recommandations d’une étude élaborée en 2013 par le ministère de tutelle en partenariat avec l’UNICEF, qui avait montré que 40% des enfants âgés de 4 à 5 ans n’ont pas accès à l’école, soit un total de 458.000 élèves. Le préscolaire est une composante essentielle de la vision stratégique de la réforme de l’éducation et de la formation 2015-2030, élaborée par le Conseil supérieur de l’éducation, de la formation et de la recherche scientifique. Ce dernier a fait de la question un préalable à toute réforme éducative favorisant l’équité et l’égalité des chances et facilitant les parcours scolaire et de formation.

Les langues reviennent en force
Le retour au français et aux langues étrangères de manière générale pour l’enseignement des matières scientifiques et techniques est en soi un gage de réussite de la réforme qui s’annonce prometteuse. Cela s’accompagnera de l’installation de passerelles entre l’enseignement général et la formation professionnelle, tout en adoptant l’orientation précoce dès le cycle collégial-secondaire. En somme, tout est à refaire dans un secteur clé duquel dépend le développement du pays et son nouveau modèle de croissance. Ainsi, la gouvernance sera érigée en priorité, avec pour points de repères la contractualisation, la responsabilité, la simplification des procédures, le professionnalisme, le renforcement des capacités des ressources humaines de l’enseignement. À ceux-ci s’ajoute l’incontournable intégration des nouvelles technologies de communication dans la gestion de toutes les composantes du système éducatif. Le financement de cette ambitieuse réforme devra également subir quelques réglages pour monter en efficience tout en gardant à l’esprit l’objectif de rationalisation des dépenses. Il ne faut pas oublier que l’éducation absorbe presque 25% du Budget de l’État et que les besoins en investissement demeurent colossaux. Il est prévu, enfin, qu’un système de suivi et d’évaluation puisse accompagner ces mesures afin d’en jauger le niveau d’application et de rectifier le tir chemin faisant.

Arrimer l’éducation à l’entreprise
Point nodal de cette rentrée et pas moins sujet préoccupant, l’adéquation entre la formation et les besoins du marché du travail. Dans son discours à l’occasion de l’anniversaire de la Révolution du roi et du peuple, le souverain a pointé les maux d’un système éducatif devenu «une machine à fabriquer des légions de chômeurs». Insister sur l’importance des langues, jeter des ponts entre l’éducation et la formation professionnelle tout en étant à l’écoute des choix des élèves et des étudiants sont les trois pierres angulaires pour améliorer l’employabilité des jeunes dans un monde de plus en plus compétitif. Si le Maroc a réussi dans l’offshoring, c’est grâce aux langues et à l’ouverture d’esprit des jeunes profils marocains. L’école publique doit saisir la balle au bond en investissant davantage dans les new skills que le marché du travail demande. Il est temps de renverser la vapeur dans un contexte marqué par le chômage des diplômés (presque 18% contre seulement 3,8% pour les non-diplômés). Pour y remédier, des filières seront valorisées dès cette rentrée à l’instar de la médecine, de l’ingénierie, de commerce et de la gestion, dont l’accès est limité. Ces filières auront désormais 30% des sièges pédagogiques au lieu de 20% jusqu’ici. Par ailleurs, les universités devront dès cette rentrée proposer des cours de soutien linguistique d’une durée de 6 mois au profit des étudiants.


Du «baghrir» dans les manuels

Les parents d’élèves n’ont pas caché leur étonnement de voir des expressions en darija dans les manuels de leurs enfants de CE2. Dans les réseaux sociaux les images du manuels en question montrent des photos de pâtisseries marocaines flanquées de leur noms en dialectal: briouate, baghrir, ghriyba. À la veille de la rentrée scolaire, des défenseurs de la qualité de l’enseignement sont montés au créneau pour dénoncer «un nivellement par le bas», y voyant les prémices d’une dégradation annoncée. Le ministère de l’Éducation n’a pas tardé à réagir, expliquant que l’usage de telles expressions est à caractère purement pédagogique. Et d’ajouter qu’il ne fallait pas céder à pareilles «sirènes», afin que la rentrée scolaire se déroule dans les meilleures conditions. À noter que ces mots en darija ont été utilisés dans le cadre d’un exercice d’analyse de texte relatant l’histoire, qualifiée de dégradante pour l’image de la femme dans la société, de Lalla Nammoula, diminutif de «fourmi», qui s’occupe du ménage et des tâches domestiques à longueur de journée. Le vendredi, Lalla Nammoula se rend au hammam pour «réchauffer ses os», expression figurant dans le texte en darija. Ces expressions dialectales ont été qualifiées d’inappropriées pour des élèves de 6 ou 7 ans. Cette histoire semble indiquer que certains appels à l’introduction de la darija dans l’enseignement ont, semble-t-il, fini par trouver oreille attentive.


Des moyens humains et pédagogiques pour le préscolaire

Des moyens et des investissements, il en faut pour bien entamer le nouveau virage de réforme. Dans cette optique, le gouvernement s’engage à ouvrir, à l’horizon 2027-2028, 57.000 classes supplémentaires et recruter 56.000 éducateurs, tout en assurant la formation d’environ 27.000 animateurs pédagogiques et la réhabilitation des espaces dédiés à l’enseignement préscolaire. Le programme national, dont la mise en œuvre nécessite une enveloppe budgétaire de 30 MMDH sur les dix prochaines années, se fixe pour objectif de garantir l’accès au préscolaire à environ 700.000 enfants annuellement.


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