Recherche biomédicale : c’est parti pour un nouveau défi national !
Le Conseil de gouvernement a adopté, jeudi dernier à Rabat, un projet de décret relatif à la mise en œuvre des dispositions de la loi N°28-13 portant sur la protection des personnes participant aux recherches biomédicales. Ce texte, qui sera suivi d’autres décrets, donne le coup d’envoi de la création d’une vraie industrie du médicament au Maroc. Décryptage…
Le Maroc se lance dans un nouveau défi ! C’est celui de faire de la recherche biomédicale un vrai levier de développement économique capable de propulser l’industrie pharmaceutique national de son stade actuel de «façonnier» à celui d’innovateur. Lors de la présentation de l’initiative, Anass Doukkali, alors ministre de la Santé, considérait que «les conditions du pays y sont favorables».
Des conditions favorables
Les ressources humaines et matérielles nationales spécialisées, présentes dans les neuf centres hospitaliers et les 14 universités, comptant plus de 2.000 enseignants chercheurs, sont prêtes pour relever ce défi. Les autres structures hospitalières publiques et privées aussi peuvent prêter main forte à la recherche clinique et épidémiologique. A cela, s’ajoutent les médecins exerçant dans le royaume : leur nombre (25 000 en 2017) constitue un véritable potentiel d’investigateurs sur lequel peut compter le système de santé pour développer une véritable recherche biomédicale nationale en continue. Mais également un facteur très structurant : c’est que depuis 2016, le gouvernement a lancé, dans le cadre du Plan d’accélération industrielle (PAI), un projet de création d’écosystèmes dans la recherche pharmaceutique. Des écosystèmes visant notamment à renforcer le développement des génériques, des biosimilaires, des dispositifs médicaux ainsi que celui de la recherche biomédicale. Cette stratégie, pour laquelle, le LEMM (l’association qui regroupe Les entreprises du médicament au Maroc) avait proposé 68 recommandations, prévoit des mesures incitatives, législatives, économiques et de formation. Elle vise à positionner le Maroc comme un acteur efficient capable de bénéficier des perspectives de croissance du secteur du médicament à l’échelle internationale. En effet, près de la moitié des activités de R&D du secteur pharmaceutique mondial est actuellement en sous-traitance.
Un marché de 370 milliards de DH
Ceci représente un marché estimé à plus de 80 milliards de dollars (environ 800 milliards de DH), dont plus de 46% sont alloués à la recherche biomédicale. Le Maroc a donc décidé de se positionner sur ce créneau et de développer des projets de R&D pharmaceutiques tant au niveau des recherches cliniques que de l’outsourcing dans la recherche préclinique et pharmaco-économique. Justement, c’est dans le cadre du développement des recherches cliniques qu’un grand pas vient d’être franchi.
En effet, le Conseil de gouvernement a adopté, jeudi dernier à Rabat, un projet de décret relatif à la mise en œuvre des dispositions de la loi N°28-13 portant sur la protection des personnes participant aux recherches biomédicales, tout en tenant compte de la remarque émise à son égard. Ce projet de décret, présenté par l’actuel ministre de la Santé, Khalid Ait Taleb, vise à déterminer les modalités de recueil et du retrait du consentement des personnes participant aux recherches biomédicales et de recrutement des personnes saines qui se prêtent à la recherche biomédicale, en plus des modalités d’indemnisation. Ledit projet fixe aussi les comités régionaux de protection des personnes participant aux recherches biomédicales, leur nombre, le ressort territorial et le siège de chacun et la composition et les modalités de fonctionnement de ces comités ainsi que les modalités de désignation de leurs membres. Le texte N°2.21.326 détermine également les modalités d’autorisation, de suspension et de retrait des autorisations sur les sites des recherches biomédicales et les modalités de la demande d’autorisation pour la recherche biomédicale et sa modification, outre les conditions de réalisation des recherches biomédicales.
Un premier décret prometteur
Réagissant à la bonne nouvelle pour laquelle il s’est beaucoup investi, le Professeur Farid Hakkou, Secrétaire général du Comité d’éthique pour la recherche biomédicale (CERBM), déclare qu’ «avec ce nouveau décret et les autres à venir très prochainement, c’est le monde de la recherche au Maroc qui entame une nouvelle ère. La recherche biomédicale au service de l’humain, reconnue par l’Agence européenne des médicaments et la FDA, est désormais possible au Maroc. Ces nouveaux textes d’application viendront encadrer les essais cliniques dans notre pays, selon les règles de bonnes pratiques. Nous pourrons désormais mener une recherche médicale bien encadrée, éthique et de bonne qualité». Concernant les patients, objet du décret, il a ensuite ajouté que «les patients marocains pourront accéder, de manière précoce, aux médicaments et aux innovations thérapeutiques. Ils bénéficieront aussi d’un meilleur usage des protocoles thérapeutiques grâce à l’innovation. Enfin, l’infrastructure de santé accueillera les meilleurs matériels et technologies nécessaires à cette activité». Et à la question portant sur leur sécurité et leur protection dans le cadre des essais cliniques, il a expliqué que «le cadre règlementaire protégera les patients en cas d’accident et mettra en place une structure de sécurité afin de prévenir tous risques. Par ailleurs, en cas d’incidents inattendus, des mesures de sécurité sont prises sans autorisations et en urgence. De plus, une assurance est garantie pour les patients, définissant les modalités de prise en charge,
dans le cadre des études ainsi qu’en cas d’accident».
Aziz Diouf / Les Inspirations Éco