Propositions de loi. Les députés s’inquiètent
Seules cinq propositions de loi ont franchi le cap du Parlement. Le gouvernement vient d’être interpellé par les députés qui espèrent booster le nombre d’initiatives législatives parlementaires adoptées par les deux chambres.
Le ministre chargé des Relations avec le Parlement et la société civile, Mustapha El Khalfi, a été vertement critiqué par les députés au sein de la Commission de la justice, de la législation et des droits de l’Homme concernant le gel des propositions de loi des parlementaires. Les députés de l’opposition déplorent le peu d’intérêt accordé par le gouvernement aux initiatives législatives parlementaires, malgré la création d’une commission gouvernementale dédiée à ce dossier. Les législatures se suivent et se ressemblent, en matière de législation.
En effet, les propositions de loi demeurent le maillon faible de la production législative en dépit des engagements de Saâd Eddine El Othmani et son prédécesseur. Jusque-là, seules cinq propositions de loi ont franchi le cap du Parlement durant cette législature. Et cinq textes ont été adoptés par l’une des deux chambres du Parlement. L’examen de 34 autres propositions a été entamé au sein des commissions permanentes. «Il s’agit donc d’un total de 44 propositions de loi. C’est une évolution importante dans le cadre du renforcement de l’interactivité avec l’institution législative», indique Mustapha El Khalfi aux Inspirations ÉCO.
Sauf que les parlementaires de l’opposition ne voient pas cette question sous le même prisme. Ils comptent sur le renforcement de la coordination avec le gouvernement pour donner un coup de fouet à la législation parlementaire. Quelque 93 propositions de loi ont été étudiées par la commission technique interministérielle. On reproche au gouvernement d’accepter généralement des propositions de loi traitant de questions législatives simples ou formelles. Le verdict de la commission interministérielle chargée de l’examen des propositions de loi est basé sur plusieurs critères, dont la nécessité que le texte soit conforme à la Constitution et que ses dispositions n’empiètent pas sur les prérogatives du gouvernement. Les parlementaires doivent éviter le volet organisationnel, attribution propre à l’Exécutif. C’est l’une des cartes brandies par les différents gouvernements pour rejeter des propositions de loi dans les deux chambres du Parlement. À cela s’ajoute l’impératif du respect de l’harmonie des lois pour éviter qu’une proposition de loi soit en contradiction avec les dispositions d’autres textes juridiques en vigueur. Une mission complexe pour les parlementaires qui ne sont pas dotés des moyens nécessaires leur permettant de cerner toutes les questions juridiques, contrairement au gouvernement qui dispose d’une armada d’experts chevronnés dans plusieurs domaines, notamment au niveau du Secrétariat général du gouvernement. Il faut dire que malgré les efforts déployés par les groupes parlementaires qui recourent souvent aux experts de leurs partis politiques, la production législative des parlementaires est toujours jugée lacunaire. La faiblesse des moyens constitue un véritable handicap pour la mission de législation des parlementaires car elle déteint sur la qualité des propositions de loi, aussi bien au niveau du contenu que de la forme. Ainsi, la plupart des propositions de loi portent sur l’amendement de lois déjà en vigueur et se composent de quelques articles seulement. Bien qu’il soit conscient de cette contrainte de taille, les parlementaires veulent marquer de leur empreinte la production législative, contrairement aux précédentes législatures.
Durant la précédente législature, le taux d’adoption des propositions de loi, rappelons-le, n’a pas dépassé 14% alors que ce pourcentage est de 92% pour les projets de loi. L’espoir est de pouvoir atteindre les taux enregistrés dans d’autres pays. En France, même si un nombre limité de propositions de loi entre dans l’ordre normatif, il n’en demeure pas moins qu’un quart des textes adoptés sont issus des initiatives législatives parlementaires. Les membres du gouvernement sont appelés à interagir positivement avec les propositions de loi déjà acceptées par la commission interministérielle. Le feu vert de cette commission n’est, en effet, pas une garantie pour la promotion des initiatives législatives parlementaires. La démarche est, certes, positive pour fluidifier le processus législatif. Mais encore faut-il que les ministres concernés soient présents lors de la programmation de l’examen des propositions de loi en commission pour qu’elles ne croupissent pas dans les tiroirs du Parlement.
Cadence législative trop lente
Outre la promotion des propositions de loi, les parlementaires plaident pour l’élargissement de leur marge de manœuvre en matière d’amendement des projets de loi. À cela s’ajoute la nécessité d’accélérer le rythme législatif. La cadence actuelle d’examen et d’adoption des textes est trop lente, contrairement à d’autres pays. Cette question préoccupe même les députés qui appellent à la mise en place de solutions concrètes pour régler cette problématique. À cet égard, il s’avère nécessaire de revoir le bicaméralisme tel qu’il est pratiqué aujourd’hui au Maroc. Une nouvelle approche de travail visant la complémentarité entre les deux chambres est à mettre en place.