Propositions de loi : Le maillon faible de la législation
Le gouvernement a donné son feu vert à quelque 49 propositions de loi émanant des deux chambres du Parlement sur un total de 124. Pourtant aucune initiative législative parlementaire n’a franchi le cap du Parlement lors de la session printanière. À qui incombe la responsabilité ?
Les propositions de loi demeurent le maillon faible de la production législative bien que le gouvernement ait instauré une commission dédiée à l’examen de ces textes. Alors qu’on s’attendait à un changement palpable de cette situation lors de la session printanière précédente, aucune proposition de loi n’a été définitivement entérinée par l’institution législative. La Chambre des représentants a fait passer cinq propositions de loi et celle des conseillers en a adopté quatre. Le président de la chambre haute Hakim Benchemmach pointe du doigt le nombre limité d’initiatives législatives parlementaires qui parviennent à «dépasser les obstacles malgré la coordination entre le bureau, le gouvernement, les commissions et les groupes parlementaires concernés par ces propositions pour les programmer et prendre une position définitive les concernant». La même amertume est constatée chez le président de la chambre basse Habib El Malki qui estime que certes l’adoption de cinq propositions de loi est un indicateur positif, mais il n’est pas à la hauteur des aspirations. Les parlementaires misent sur la poursuite de l’action de coordination avec le gouvernement pour promouvoir l’initiative législative parlementaire.
Le gouvernement, rappelons-le, a accepté 49 textes sur un total de 124 propositions de loi des deux chambres du Parlement, soit un pourcentage de 39,5%. Le verdict de la commission interministérielle chargée de l’examen des propositions de loi est basé sur plusieurs critères. Il s’agit notamment de la nécessité que le texte soit en conformité avec la Constitution et que ses dispositions n’empiètent pas sur les prérogatives du gouvernement. Les parlementaires doivent en effet éviter le volet organisationnel qui est une attribution propre à l’Exécutif. Cette carte a été brandie moult fois par les différents gouvernements pour rejeter des propositions de loi dans les deux chambres du Parlement.
Les parlementaires doivent également prendre en considération l’impératif du respect de l’harmonie des lois pour éviter qu’une proposition de loi soit en contradiction avec les dispositions d’autres textes juridiques en vigueur. Une mission très compliquée pour les élus de la nation car ils ne disposent pas d’assez de moyens leur permettant de cerner toutes les questions juridiques contrairement au gouvernement qui dispose d’une armada d’experts chevronnés dans plusieurs domaines. Cette problématique impacte parfois la qualité des textes proposés au niveau tant du contenu que de la forme. La plupart des propositions de loi portent sur l’amendement de lois déjà en vigueur et se composent uniquement de quelques articles.
Malgré tous les efforts déployés, le travail législatif des parlementaires a été souvent considéré comme lacunaire. En dépit de cette contrainte, les parlementaires veulent marquer de leur empreinte la production législative contrairement aux précédentes législatures dont le bilan en propositions de loi était on ne peut plus maigre. La précédente législature n’a connu l’adoption que d’une vingtaine de propositions de loi sur un total de 185 textes soit à peine un taux de 14% alors que 92% des projets de loi provenant du gouvernement ont franchi le cap de l’institution législative. Une disparité vertement critiquée par les parlementaires.
Aujourd’hui, l’espoir est de pouvoir enfin booster le processus d’adoption des propositions de loi. Lors de la prochaine année législative, le gouvernement est appelé à tenir ses engagements, du moins en ce qui concerne les textes qui ont été passés au peigne fin et déjà validés. Quelques propositions de loi sont acceptées mais à condition qu’elles soient intégrées dans un arsenal juridique global notamment le Code pénal. La création d’une entité gouvernementale dédiée aux propositions de loi n’est pas une garantie à la promotion de ces textes. L’interactivité positive du gouvernement s’impose au sein des commissions parlementaires permanentes pour que les efforts entrepris tant par les parlementaires que par la commission interministérielle technique ne soient pas vains. C’est pour cette raison que les parlementaires insistent sur la présence des ministres lors de l’examen des textes pour que les propositions de loi ne soient pas gelées dans les tiroirs des commissions. Le manque de réactivité des responsables gouvernementaux en la matière est pointé du doigt. Députés et conseillers plaident pour l’élargissement de leur marge de manœuvre en matière de production législative. Même au niveau des projets de loi, leur action demeure souvent limitée bien que le gouvernement souligne que dans certains cas, l’acceptation des propositions d’amendement a atteint 60% voire 100% pour le projet de loi ayant trait à l’organisation judiciaire à la Chambre des conseillers.