Maroc

Programme d’aide au logement : comment l’État coupe l’herbe sous le pied des spéculateurs

Lors du récent salon Al Omrane Expo, Hicham Sabiry, président du Conseil national de l’Ordre des notaires, a dévoilé des aspects du dispositif inédit du programme d’aide directe. Zoom.

Dans un contexte de crise du logement et d’inaccessibilité croissante à la propriété pour de larges franges de la population, l’État marocain a lancé un ambitieux programme d’aide directe visant à permettre aux citoyens d’acquérir un logement décent. Les récentes déclarations de Hicham Sabiry, président du Conseil national de l’Ordre des notaires, lors du récent salon Al Omrane Expo, éclaircissent certains aspects du programme.

Conformément aux propos du président du Conseil national de l’Ordre des notaires, «l’objet n’est pas d’acheter un terrain en vue de le construire, parce que pas mal de personnes se sont présentées chez les notaires pour leur demander: “Est-ce qu’on peut acheter un terrain et le construire et en faire notre appartement ou plutôt notre maison individuelle à usage d’habitation ?”». Pour le président, bien entendu, les terrains sont exclus.

Cette déclaration soulève plusieurs enjeux cruciaux liés à la politique du logement et aux programmes sociaux dans le Royaume. Tout d’abord, en excluant l’acquisition de terrains nus, le gouvernement semble vouloir encadrer strictement ce nouveau dispositif afin d’éviter toute spéculation foncière. Un accès non régulé au foncier pourrait en effet engendrer une flambée des prix des terrains, nuisant ainsi à l’objectif d’accession à la propriété pour les ménages à revenus modestes. Le programme cible spécifiquement l’acquisition de logements existants, excluant ainsi l’achat de terrains à bâtir pour une construction individuelle.

Cette restriction s’avère judicieuse dans la perspective d’une politique de soutien à l’accession à la propriété pour les ménages modestes. En effet, le coût élevé du foncier au Maroc et les dépenses liées à la construction représenteraient un obstacle financier majeur, remettant en cause l’objectif d’accessibilité du programme.

Par ailleurs, en ciblant exclusivement l’acquisition de logements existants ou en état futur d’achèvement, ce programme devrait dynamiser le marché immobilier résidentiel. Sur le plan économique, ce programme constitue un levier potentiel de relance de la demande intérieure et de soutien au secteur de la construction. Néanmoins, son impact réel dépendra de son ampleur et de sa capacité à cibler efficacement les populations concernées. Un effet d’aubaine au profit des ménages aisés réduirait considérablement ses retombées économiques et sociales escomptées.

«C’est une orientation pour accomplir le devoir même de l’État, porter les Marocains à avoir un logement tel que prévu par la Constitution», souligne Sabiry, mettant en lumière la volonté de concrétiser le droit au logement inscrit dans la Loi fondamentale.

Exigence de taille minimale
Un autre critère essentiel concerne la taille des logements éligibles. Comme le précise Sabiry, «l’appartement doit être composé de deux chambres. (…) A partir d’un salon et une chambre, l’appartement rentre dans le cadre de ce programme».

Cette exigence de taille minimale (F2) vise à garantir des conditions de vie décentes pour les bénéficiaires, en évitant les logements trop exigus.

Dans la tranche de prix de 300.000 dirhams, les notaires ont consenti un effort en limitant leurs honoraires à 2.500 dirhams pour l’ensemble des actes notariés, comme le souligne Sabiry : «On a pris la décision au niveau national que les honoraires du notaire sont fixés à 2.500 dirhams». Ce geste contribue à alléger le coût global pour les acquéreurs et témoigne de l’implication de la profession dans la réussite de ce programme social.

Par ailleurs, en imposant le recours obligatoire au notaire pour la rédaction des actes, le programme vise à sécuriser et instaurer la sécurité contractuelle et transactionnelle.

«Que ce soit le compromis de vente ou la vente définitive, ces contrats doivent obligatoirement être notariés. Et bien entendu, il faut respecter les délais prévus par la loi», explique Sabiry.

Une simplification des procédures, tout en préservant les garanties juridiques. D’un point de vue économique, ce programme représente un levier important pour soutenir l’activité du secteur immobilier résidentiel, notamment dans le segment du logement abordable. En facilitant l’accès à la propriété pour une frange plus large de la population, il pourrait stimuler la demande et encourager l’investissement dans ce créneau.

Sur le plan sociologique, cette initiative s’inscrit dans une démarche louable visant à favoriser l’inclusion et la cohésion sociale en permettant à davantage de ménages d’accéder à un logement décent. En définitive, le programme d’aide au logement au Maroc constitue une avancée positive, répondant à un besoin criant en matière de politique du logement.

Accès élargi et ciblage des ménages modestes
L’une des caractéristiques marquantes de ce programme réside dans son ouverture aux Marocains résidant à l’étranger. «Même les Marocains résidant à l’étranger peuvent bénéficier de cette aide», précise le responsable, élargissant ainsi le champ d’application au-delà des frontières nationales.

Cependant, le public cible demeure les ménages modestes et les primo-accédants à la propriété. Pour être éligible, la condition principale est de ne pas être déjà propriétaire d’un bien immobilier à usage d’habitation. Cette exclusion vise à concentrer les efforts sur ceux qui n’ont pas encore pu accéder à un logement en propriété.

Aides financières substantielles
Les montants alloués dans le cadre de ce programme témoignent de l’ambition de l’État de réellement faciliter l’accès au logement. Pour un appartement dont le prix est inférieur à 700.000 dirhams mais supérieur à 300.000 dirhams, l’aide s’élève à 70.000 dirhams.

Dans le cas d’un bien d’un montant inférieur à 300.000 dirhams, une subvention de 100.000 dirhams est accordée. «Un jeune couple de la classe moyenne peut contribuer ensemble à l’achat de leur ménage à usage d’habitation et l’État leur accorde de l’aide», illustre Sabiry, soulignant ainsi l’impact positif de cette mesure sur le pouvoir d’achat immobilier des classes moyennes.

Encadrement juridique et contre-garanties
Pour éviter les dérives spéculatives, des garde-fous ont été intégrés au dispositif. «C’est une aide ciblant l’habitation principale», rappelle le président de l’Ordre des notaires. Les bénéficiaires s’engagent à affecter le bien acquis à leur résidence principale pendant une période de 5 ans au minimum. Autant dire que le rôle des notaires sera central dans la mise en œuvre de ce programme. Ils seront chargés de veiller au respect des conditions d’éligibilité et de l’affectation effective des biens

Un coup de pouce salutaire, mais des défis persistent

Cette initiative gouvernementale constitue indéniablement un levier majeur pour favoriser l’accession à la propriété des ménages aux revenus modestes. En injectant des liquidités substantielles, l’État allège significativement le fardeau financier et rapproche le rêve d’un toit pour des pans entiers de la population. Néanmoins, des défis de taille persistent sur le front de l’offre de logements abordables.

La flambée des coûts de construction, la rareté du foncier urbanisable et les problématiques d’aménagement urbain cohérent continueront de peser sur les projets immobiliers ciblant les segments à revenus modérés.

Par ailleurs, l’efficacité de ce programme dépendra largement de sa mise en œuvre rigoureuse et transparente, garantissant une répartition équitable des aides au sein des différentes couches sociales éligibles.

Dans l’ensemble, cette initiative témoigne de la prise de conscience des pouvoirs publics quant à l’impératif de démocratiser l’accès au logement. Reste à poursuivre les efforts sur plusieurs fronts afin de résoudre durablement cette équation complexe qui conditionne la stabilité sociale et le bien-être des citoyens.

Bilal Cherraji / Les Inspirations ÉCO


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