Maroc

Perspectives économiques: l’OCDE et la Banque mondiale convergent sur la résilience du Maroc, mais…

OCDE et Banque mondiale prévoient une croissance marocaine stable (3,6% à 3,8%) en 2025-2026, portée par l’agriculture, le tourisme et l’industrie. Elles divergent cependant sur les risques et les solutions à apporter aux défis structurels (emploi et productivité, notamment). Détails.

Les dernières publications de l’OCDE et de la Banque mondiale (BM) de juin 2025 révèlent une convergence remarquable sur les prévisions de croissance du Maroc pour 2025-2026.

L’OCDE anticipe une croissance du PIB réel de 3,8% pour 2025 et 2026, tandis que la BM table plutôt sur 3,6% en 2025 et 3,5% l’année suivante. Un écart minime (0,2 point) qui masque des diagnostics structurels similaires : «La situation de l’économie marocaine devrait rester solide en 2025 et 2026, tirée par la résilience de la demande intérieure, le tourisme et l’industrie», indique l’OCDE.

Les perspectives économiques de la BM pour la région Moyen-Orient et Afrique du Nord, soulignent quant à elles que «la croissance [dans les pays importateurs de pétrole] s’explique par le renforcement de la consommation privée […] et l’amélioration attendue des conditions météorologiques». Une quasi-harmonisation qui reflète trois piliers communs : la reprise agricole après la sécheresse (2023-2024) ; la vigueur du tourisme (4 millions de visiteurs au T1-2025 selon l’OCDE) ; et l’investissement soutenu, notamment dans l’industrie (automobile, aéronautique, agroalimentaire).

Les détails qui comptent
Si les deux institutions mondiales convergent sur un scénario macroéconomique résilient pour le Maroc (3,6% à 3,8% de croissance en 2025), leurs analyses révèlent des divergences significatives dans l’identification des moteurs sectoriels et des risques encourus.

L’OCDE met en avant le tourisme comme pilier dynamique, citant explicitement un «secteur [qui] a poursuivi sa forte croissance, avec un nombre record de 4 millions de visiteurs au premier trimestre 2025» et anticipant «de nouveaux records». À l’inverse, la BM se montre plus évasive, se contentant de noter une «activité industrielle renforcée».

Sur les risques commerciaux, l’OCDE pointe une vulnérabilité ciblée : «l’intégration dans les chaînes d’approvisionnement automobiles européennes pourrait constituer une source de risques», soulignant ainsi la dépendance aux débouchés industriels de l’UE.

La Banque élargit cette perspective à une menace systémique : «L’aggravation des incertitudes entourant les politiques commerciales mondiales pourrait saper la confiance des entreprises et réduire les investissements», sans spécifier de secteurs. Enfin, leur lecture géographique diffère radicalement : la BM insiste sur les «tensions géopolitiques au Moyen-Orient», une région «très fragile et incertaine», rappelant le contexte régional immédiat du Maroc.

L’OCDE, en revanche alerte sur un défi structurel interne. «Il faudrait intensifier les efforts de gestion des risques climatiques et de la rareté de l’eau». Une asymétrie qui reflète des priorités distinctes : géopolitique pour la BM, résilience climatique domestique pour l’OCDE.

Un diagnostic partagé
Malgré des angles d’analyse différents, les deux institutions identifient trois défis structurels communs, bien que l’OCDE les aborde avec une précision opérationnelle plutôt absente chez la BM.

Sur l’emploi et le secteur formel, l’OCDE cible explicitement «l’augmentation du taux d’activité dans le secteur formel, en particulier celui des femmes, et la réduction du chômage des jeunes», proposant des leviers concrets comme «rendre les contrats de travail plus flexibles» ou «proposer des services de garde d’enfants abordables». La BM, bien qu’évoquant une croissance robuste, reste muette sur ces mesures pour un pays où «le chômage devrait passer sous les 13% en 2026» (OCDE).

Concernant la productivité et les compétences, l’OCDE défend une réforme éducative urgente. «Relever le niveau d’instruction et les compétences en réduisant le décrochage scolaire […] permettra de tirer le meilleur parti d’une main-d’œuvre en pleine croissance», notant que la productivité marocaine est «très éloignée de la frontière d’efficience mondiale».

Enfin, sur le déficit budgétaire, l’OCDE salue «la réforme du système de prélèvements et de subventions» qui a stabilisé les finances publiques, mais recommande de «le réduire encore plus pour améliorer la marge de manœuvre», anticipant un déficit «en deçà de 4%» en 2025-2026. La BM, dont les prévisions incluent pourtant des années antérieures (2022 à2024), ne commente ni l’efficacité des réformes ni les objectifs d’ajustement.

Ce que révèlent les silences
Les écarts les plus significatifs entre les analyses de l’OCDE et de la BM ne résident pas dans leurs prévisions, mais dans leurs angles morts stratégiques, révélateurs de priorités distinctes. L’inflation illustre ce hiatus.

L’OCDE en fait un marqueur clé, anticipant une «stabilisation aux alentours de 2% en 2026» après un suivi mensuel détaillé (2,6% en février 2025, 0,7% en avril), tandis que la BM évoque son ralentissement comme facteur de croissance régional.

Sur les investissements et la gouvernance, l’OCDE pointe un levier critique : le besoin de «renforcement du cadre de lutte contre la corruption» pour soutenir les IDE et le secteur privé. Enfin, aucune des deux institutions n’aborde les vulnérabilités financières structurelles, comme l’évolution de la dette publique ou la résilience du secteur bancaire, alors que le Maroc maintient un «déficit budgétaire» proche de 4% (OCDE) et que la région MENA est exposée à des «sorties de capitaux et dépréciations monétaires» (BM).

En définitive, l’OCDE adopte une approche microéconomique et technique (corruption, inflation), tandis que la BM se concentre sur les chocs externes (géopolitique, commerce). À cela s’ajoute le fait que la synergie OCDE-BM valide un scénario «optimiste» pour le Maroc, mais l’absence de débat sur la transformation productive – montée en gamme industrielle, diversification – révèle un angle mort stratégique. Dans un monde fragmenté, la résilience ne suffit plus ; il faut une vision.

Optimisme mesuré et nécessité de réformes urgentes

«La croissance devrait rester soutenue en 2025 et en 2026», selon l’OCDE. Pour la BM, «[Le Maroc] devrait [voir] sa croissance se raffermir avec l’amélioration attendue des conditions météorologiques».

Ce rapprochement des perspectives confirme la résilience immédiate de l’économie du pays, mais souligne aussi des faiblesses structurelles persistantes. À commencer par la dépendance aux aléas climatiques (agriculture) et géopolitiques (Europe/Moyen-Orient) ; un modèle de croissance encore trop peu inclusif (chômage des jeunes, secteur informel) ; et une marge de manœuvre budgétaire limitée malgré les réformes.

Pour le Royaume, l’enjeu n’est plus la croissance à court terme, mais sa qualité et sa durabilité. Comme le résume l’OCDE, «il est essentiel de mettre pleinement à profit la dynamique démographique favorable». Les réformes sur l’emploi, l’éducation et la gouvernance économique restent le seul chemin vers une convergence durable avec les économies émergentes leaders.

Bilal Cherraji / Les Inspirations ÉCO



Informel : derrière les chiffres du HCP


Recevez les actualités économiques récentes sur votre WhatsApp Suivez les dernières actualités de LESECO.ma sur Google Actualités

Rejoignez LesEco.ma et recevez nos newsletters




Bouton retour en haut de la page