Parlement. Comment retrouver la confiance des citoyens
Mesurer l’impact des législations, renforcer l’évaluation des politiques publiques, réformer les séances des questions orales, activer les recommandations des enquêtes parlementaires, promouvoir la diplomatie parlementaire qui ne s’est pas développée au rythme souhaité…Autant de chantier sur lesquels devra s’atteler le parlement pour booster son rendement et améliorer une image très écornée.
Plusieurs chantiers sont on ne peut plus nécessaires pour améliorer l’action et le rendement du parlement. Nombre de réformes sont énumérées par la chambre des représentants pour atteindre les objectifs escomptés et renforcer la confiance dans l’institution parlementaire. Il ne reste plus que deux années législatives pour rectifier le tir, mettre fin aux dysfonctionnements qui déteignent sur l’action du parlement et permettre aux parlementaires d’assumer pleinement leurs missions de contrôle, de législation et de diplomatie parlementaire.
Effectivité de l’application des lois
Parmi les objectifs fixés figure la nécessité de mesurer l’impact des législations sur la société. Contrôler l’effectivité de l’application des lois devra être érigé en priorité. Le parlement gagnerait en effet à développer le contrôle post-législatif de la mise en œuvre des lois. Il est inutile d’adopter des législations si elles ne sont pas bien appliquées ou dont l’impact souhaité n’est pas atteint. Au Maroc, le tiers des législations adoptées par le parlement restent sans décrets d’application pendant une durée dépassant un an. Et même en cas d’adoption des lois, l’expérience démontre que certaines dispositions restent parfois lettres mortes. Certes, le royaume n’est pas le seul pays concerné par cette problématique. Mais, plusieurs parlements portent un grand intérêt à l’évaluation de l’implémentation des lois au même titre que la mission de législation. Au Maroc, l’institution législative commence à peine à s’intéresser à cette question qui mérite d’être prise en compte dans l’action parlementaire. Des rencontres autour de ce mécanisme ont été récemment tenues pour s’inspirer des expériences internationales en matière de suivi de l’implémentation des lois. Soulignons à cet égard que le Conseil économique, social et environnemental appelle à non seulement à renforcer le contrôle post-législatif mais aussi à veiller à la réalisation des études d’impacts préalables concernant tous les projets et propositions de lois. Cela permettra notamment de vérifier la nécessité d’une législation et d’éclairer les députés préalablement sur la portée des réformes et leurs retombées futures, ainsi que leurs interactions avec les autres textes de lois, leur fournissant ainsi un outil d’aide à la décision politique. Ainsi, la systématisation de l’élaboration de l’étude d’impact des projets de loi s’impose «en amont de la soumission du projet de loi au bureau de la chambre des représentants, et ce afin d’inventorier, prévoir, évaluer et atténuer les effets négatifs éventuels d’une politique, d’un projet ou d’un programme avant de prendre des décisions et des engagements». La mise en place de ce mécanisme est nécessaire pour donner un coup de fouet aussi bien à la mission de législation que celle du contrôle.
Réformer les questions orales
Une autre réforme s’avère de la plus haute importance : la réforme du déroulement des séances des questions orales. La chambre des représentants compte s’attaquer à ce chantier qui accuse un retard abyssal malgré les critiques. On s’assigne pour objectif à ce que les séances plénières dédiées au contrôle du gouvernement deviennent plus productives et attractives. L’accélération de la cadence s’impose dans la mise en œuvre de cette réforme car les séances des questions orales qui sont transmises en direct ne font qu’enraciner l’image écornée du parlement auprès de l’opinion publique. Les questions parlementaires sont monotones tout comme les réponses du gouvernement. Les deux chambres gagneraient aussi à renforcer leur coordination pour éviter les redondances.
Appliquer les recommandations parlementaires
Il est également prévu de renforcer le rôle des commissions exploratoires qui ont été effectuées dans plusieurs domaines et dont les recommandations restent lettres mortes. Il ne sert à rien en effet de faire des enquêtes parlementaires si les résultats ne sont pas exploités pour redresser les dysfonctionnements constatés. Les députés prévoient de répertorier les travaux déjà réalisés par les commissions exploratoires en vue de veiller à mettre en œuvre leurs recommandations. L’objectif étant d’améliorer la qualité des services publics et rationaliser le rendement de l’administration.
Politiques publiques : améliorer l’évaluation
La mission de contrôle parlementaire doit inclure aussi l’évaluation des politiques publiques qui est stipulée par l’article 70 de la constitution. Malgré les efforts déployés, il reste beaucoup à faire en matière de contrôle des politiques publiques par le parlement. Le contrôle parlementaire reste basé en majeure partie sur les actions réalisées ou non réalisées par l’exécutif comparées aux engagements de ce dernier. Or, l’évaluation nécessite une maitrise des outils pour évaluer sur le plan économique et social les retombées des politiques publiques et mesurer l’efficience du coût engagé par celles-ci. La situation actuelle s’explique, entre autres, par le fait que les députés ne disposent pas souvent des outils méthodologiques et encore moins des moyens humains et budgétaires nécessaires pour élaborer et conduire une démarche évaluative efficace. À cet égard, le CESE appelle l’institution parlementaire à veiller, à travers sa mission, à changer aussi les pratiques pour rendre les dépenses publiques plus efficaces et mieux adaptées aux priorités politiques. Ce contrôle nécessite le respect de trois obligations: la justification des décisions et des actions par le gouvernement, l’examen par le parlement des décisions et actes du gouvernement et la formulation des recommandations ainsi que la réponse des organismes tenus de rendre des comptes de leur action aux conclusions du parlement sur les questions examinées .
Diplomatie parlementaire : peut mieux faire !
Les députés entendent renforcer leur présence dans les organisations parlementaires multilatérales internationales et régionales. La diplomatie parlementaire est en effet aussi importante que les missions de contrôle et de législation. Mais la présence à elle seule n’est pas suffisante. Encore faut-il que les missions diplomatiques soient efficaces et productives. La diplomatie parlementaire ne s’est pas développée au rythme souhaité car elle est souvent sous-estimée, peu dotée en moyens d’actions et associée à du tourisme de luxe, comme le souligne le CESE. La mise à niveau de cette diplomatie s’avère nécessaire pour faire face à la rapidité des développements géopolitiques, la difficulté grandissante de prévoir les changements politiques au niveau des pays et l’impératif d’avoir en permanence des points d’entrée dans les pays amis, et même des pays qui le sont moins. Il faut notamment mettre en place un encadrement et un plan de formation pour les députés dans les domaines clés de la diplomatie marocaine et renforcer leurs capacités. Le problème de la maitrise des langues étrangères se pose également avec acuité et constitue un facteur de blocage, dans la mesure où il entrave la possibilité de faire de la diplomatie parlementaire une diplomatie d’influence, notamment dans les groupes d’amitiés.
Application du code de déontologie : pour une présence productive
Tous les efforts seront vains sans l’application des dispositions du code de déontologie par les députés. Le bureau de la chambre des représentants appelle, entre autres, à une présence productive des parlementaires et à respecter le code de déontologie qui est l’un des mécanismes obligatoires pour faire prévaloir les exigences déontologiques, redorer le blason des élus auprès des citoyens, instaurer la transparence et bien cadrer la mission des parlementaires. Le défi est de pouvoir imposer tous les principes qui doivent relever d’office du patrimoine génétique des parlementaires. Certes, ces principes pourraient paraitre évidents pour des élus censés être bien encadrés par leurs formations partisanes. Mais, dans les faits, nombre de règles ne sont pas respectées.