Parité. À pas de fourmis…

Le chemin vers la parité reste encore long en dépit des avancées enregistrées au cours des dernières années. Le Maroc a certes promulgué de nouvelles lois et a lancé des programmes pour la promotion de l’égalité des genres mais le pari n’est pas encore gagné sur plusieurs plans.
Au niveau économique, la participation des femmes au marché du travail demeure très faible. L’écart entre les femmes et les hommes est énorme comme en attestent les taux d’activité en 2018 qui sont respectivement de 22,2% et 70,9%. L’activité féminine est en constante baisse. L’écart des taux d’emploi est de 46 points (65% pour les hommes et 19% pour les femmes), selon les dernières statistiques du Haut-commissariat au plan. Les hommes sont trois fois plus nombreux à occuper un emploi. La parité est loin d’être atteinte. Les femmes ne bénéficient que des trois quarts des droits des hommes, comme le souligne une étude de la Banque mondiale. Quant à l’entrepreneuriat féminin, il peine toujours à décoller. Les femmes ne représentent que 14,1% des «indépendants» et 8,6% du statut «employeur» en 2016, d’après les récentes données du ministère de l’Économie et des finances. Outre les difficultés partagées entre les deux sexes (foncier, financement, procédures administratives…), les femmes se trouvent confrontées à des contraintes culturelles et sociales : les perceptions socialement construites et les craintes intériorisées des femmes, les stéréotypes véhiculés par l’environnement socioculturel et éducatif depuis le jeune âge sur le fait que l’entrepreneuriat relève du rôle de l’homme, la discrimination systémique inhérente à leur genre… Les femmes marocaines entreprennent mais à petite échelle. Leur chiffre d’affaires reste généralement inférieur à 20 millions de dirhams, voire à 5 millions de dirhams. Leurs entreprises sont majoritairement de très petites entreprises (TPE) et de petites et moyennes entreprises (PME). Seulement 3,5% des entreprises dirigées par les femmes accèdent aux marchés internationaux et 15,5% aux marchés nationaux. Sur le plan juridique, les avancées sont globalement jugées importantes mais les lois ne sont pas suffisamment mises en œuvre dans la pratique.
En gros, l’amélioration du cadre juridique sensible à la dimension de genre ne se reflète pas nécessairement dans l’effectivité des garanties et des droits inscrits dans les textes juridiques et législatifs. Et certaines lois gagneraient à être révisées car elles restent lacunaires.
Aujourd’hui, l’espoir est de faire une refonte globale de l’arsenal juridique pour que les femmes aient les mêmes droits que les hommes. Plusieurs points sont encore en suspens notamment au niveau du Code de la famille. On peut citer, entre autres, la tutelle légale sur les enfants. Jusque-là, la notion d’autorité parentale partagée n’existe pas en droit marocain. Au niveau politique, le constat est aussi accablant. La promotion de la représentativité politique des femmes demeure toujours un vœu pieux. Difficile de briser le plafond de verre et d’atteindre la parité tant escomptée. Le système de quotas a certes permis aux femmes d’accéder aux instances élues après une longue période de vide absolu mais il a montré ses limites et il est grand temps de franchir un nouveau palier. Peu de femmes arrivent à être élues sans les mécanismes de discrimination positive. Seules 10 femmes ont été élues dans les circonscriptions locales aux dernières législatives et 203 femmes dans les élections communales sans quota. Il est certain que les mesures de discrimination positive boostent la représentation politique des femmes. Néanmoins, elles favorisent les femmes peu engagées dans la politique ou sans aucune formation. Au niveau du gouvernement, le taux de féminisation est d’uniquement 20%. Les femmes ne parviennent toujours pas à prendre les rennes des postes stratégiques.
Dans l’actuel gouvernement, leur rôle est relégué au second plan. Sur les huit femmes membre de l’Exécutif, sept sont des secrétaires d’État. Par ailleurs, l’accès aux postes de décision dans la fonction publique est semé d’embûches. Le taux de féminisation des postes à responsabilité toute catégorie confondue est de 23,02%. Ce chiffre chute à 16,59% pour les emplois supérieurs. Au niveau social, l’accès à l’enseignement est l’un des indicateurs les plus importants. De grands écarts existent toujours entre les deux sexes même si l’indice parité dans l’enseignement primaire a enregistré une importante augmentation passant de 0,84 en 2000/2001 à 0,91 (91 filles contre 100 garçons) en 2017/2018. Il reste encore à déployer de grands efforts au niveau de l’enseignement secondaire collégial et qualifiant qui sont marqués par de grandes disparités entre les deux sexes. Le taux de scolarisation des filles âgées entre 15 et 17 ans est de 63,6% au niveau national et 33% uniquement dans le milieu rural. Les taux de scolarisation des filles restent faibles dans les collèges (70,5%) et les lycées (45,4%).