Migration forcée : 48% des migrants disposent d’un emploi au Maroc
Les résultats de l’enquête nationale du HCP sur les migrants forcés viennent de tomber. Selon l’enquête menée auprès d’un échantillon de 3.000 migrants d’Afrique subsaharienne principalement, la proportion des actifs occupés est plus élevée parmi les Sénégalais, les Ivoiriens, les Syriens, les Guinéens et les ressortissants de la République Démocratique du Congo. Les détails.
Le Haut commissariat au plan (HCP) vient de publier les résultats de la deuxième phase de son enquête nationale sur les migrants forcés âgés de 15 ans et plus, comprenant les migrants en situation administrative irrégulière, ceux régularisés, les réfugiés et les demandeurs d’asile au Maroc. Focalisée sur les migrants originaires d’Afrique subsaharienne et d’autres nationalités forcées par les circonstances à se trouver sur le territoire marocain (syrien, libyens, irakiens et autres), l’enquête, réalisée au cours du premier trimestre de cette année, a collecté plusieurs données. Des informations qui renseignent sur les caractéristiques socio-démographiques des migrants, les trajectoires et itinéraires migratoires, la situation administrative des migrants, les conditions et les raisons d’entrée au Maroc, la situation vis-à-vis du marché du travail, les sources de revenu, les intentions et perspectives migratoires, les perceptions et attitudes des migrants, les conditions d’habitation, la situation sanitaire et enfin les comportements et attitudes pendant le confinement.
Qu’est-ce qui justifie l’acte d’émigrer ?
À la question de connaître les raisons les ayant poussés à quitter leur pays, l’enquête du HCP révèle que plus d’un tiers des migrants (39,1%) ont quitté leur pays d’origine principalement pour des raisons liées à la guerre, l’insécurité et la persécution, soit 37,9% parmi les hommes et 41% parmi les femmes de l’échantillon qui a porté sur 3.000 migrants. La recherche d’emploi et l’amélioration des conditions de vie viennent en seconde position avec 36,7% (39,9% parmi les hommes et 32,1% parmi les femmes). L’éducation et la formation sont évoquées par 14,1% des migrants, particulièrement parmi les hommes pour lesquels cette proportion est de 16% contre 11,4% pour les femmes. Le regroupement familial (mariage ou rejoindre la famille) se place en 4e position avec 4,7% des migrants. Les raisons liées à la sécurité ou aux meilleures conditions de vie au Maroc ont été citées par près de la moitié des Syriens (47,5%) et des ressortissants de la République démocratique du Congo (47,2%), par environ le tiers des Camerounais (35%), des Ivoiriens (33,9%), des Centre-Africains (33,8%), des Sénégalais et des Guinéens (31,8%). Il ressort aussi que les migrants trouvent facilement du travail au Maroc ! En effet, plus de la moitié des migrants étaient des actifs occupés au cours des trois mois précédant leur départ du pays d’origine, notamment 59,8% parmi les hommes contre 43,3% parmi les femmes et 72,2% parmi les adultes âgés de 45 à 59 ans contre 35,1% parmi les jeunes de 15 à 29 ans. La part des personnes migrantes en situation de chômage était de 11,5%, soit 11,3% parmi les hommes et 11,9% parmi les femmes. Plus du tiers de ces migrants (35,4%) étaient en dehors du marché de travail, soit 23,7% d’élèves ou d’étudiants, 8,2% de femmes au foyer et 3,5% d’autres inactifs. C’est ainsi qu’au moment de l’enquête, un peu moins de la moitié des migrants au Maroc (48%) exerçaient une activité professionnelle. La part des actifs occupés est nettement plus élevée parmi les hommes (53,8% contre 30,7% chez les femmes). Elle varie, selon l’âge, de 38,5% parmi les jeunes de 15 à 29 ans à 56,3% parmi les adultes âgés de 30 à 59 ans. La proportion des actifs occupés est plus élevée parmi les Sénégalais avec 73,9%, suivis des Ivoiriens (59,6%), des syriens (48,3%), des Guinéens (45,5%) et des ressortissants de la République démocratique du Congo (45,2%). Elle enregistre, cependant, ses niveaux les plus bas parmi les Camerounais (36,1%), les Maliens (29%), les Centrafricains (20,8%) et les Yéménites (12,9%). Côté chômage, plus du quart des migrants au Maroc (27,4%) sont sans emploi, soit 29,6% parmi les hommes et 24,3% parmi les femmes. La part des chômeurs atteint 30,7% parmi les jeunes de 15 à 29 ans contre 25,9% parmi les 30-44 ans et 23,2% parmi les 45-59 ans. Selon le pays d’origine, la part des chômeurs est plus élevée parmi les Maliens (52,8%), les Camerounais (49%), les ressortissants de la République démocratique du Congo (38,8%) et les Centrafricains (36,5%). Elle est significativement inférieure notamment parmi les Syriens avec 15% et les Sénégalais (16,8%).
24,5% des migrants en dehors du marché du travail
L’enquête révèle que près du quart des migrants au Maroc (24,5%) sont en dehors du marché du travail, dont 9,2% d’étudiants, 8,2% de femmes au foyer et 7,1% d’autres inactifs. Sondés sur leur inactivité, ces derniers ont avancé plusieurs raisons. En premier lieu, un niveau d’études et de formation insuffisant (32%) dont 51,5% d’hommes et 18,7% de femmes. Ensuite, un manque d’opportunités d’emploi pour 15%. Les obligations familiales (s’occuper des enfants ou du ménage) pour 14,2% exclusivement parmi les femmes. Des raisons de santé (8,3%). D’autres évoquent le statut de migrants qui ne les autorise pas à travailler dans le pays d’accueil (7,3%) ou encore le refus du conjoint ou d’un membre de la famille (6,1%). Malgré tout, plus de 4 migrants sur 10 exercent un emploi salarial au Maroc. En effet, c’est le statut professionnel le plus dominant au sein des migrants actifs occupés au Maroc. 45% de cette population sont des salariés, 47,5% parmi les hommes et 40% parmi les femmes.
Cette proportion varie de 50% parmi les jeunes de 15 à 29 ans à 44,1% parmi les personnes âgées de 30 à 44 ans pour baisser à 37,6% parmi les adultes de 45 à 59 ans. Elle passe, selon le niveau d’instruction, de 32% parmi les sans niveau à 34,8% pour les détenteurs du niveau d’enseignement primaire, à 39,5% pour ceux ayant le niveau collégial, à 47,7% le niveau secondaire (lycée) pour se situer à 58,1% pour les détenteurs du niveau d’enseignement supérieur. Il y a aussi des indépendants. L’enquête montre que ces derniers représentent 36,8% des migrants actifs occupés, soit 35,3% parmi les hommes et 39,6% parmi les femmes.
Ce sont surtout les sans niveau d’instruction et les détenteurs du niveau primaire qui accèdent à ce statut avec respectivement 50,7% et 48% que les détenteurs d’un niveau d’enseignement supérieur (22,3%). Ce statut professionnel est plus fréquent, notamment, parmi les Sénégalais avec 48,9% et les Yéménites (47,5%). Il est également plus fréquent parmi les personnes âgées de 60 ans et plus avec 89,2% que parmi les jeunes de 15 à 29 ans (30,9%) et parmi les personnes ayant le niveau d’enseignement primaire, avec 48%, que parmi les détenteurs d’un niveau d’enseignement supérieur (22,3%). À signaler que les employeurs ne représentent qu’une part de 8% parmi l’ensemble des migrants actifs occupés, 8,5% parmi les hommes et 6,9% parmi les femmes.
57,2% des migrants exercent un travail permanent
Ceci étant, parmi l’ensemble des migrants actifs occupés au Maroc, 57,2% exercent un emploi à titre permanent, 56,7% parmi les hommes et 58,3% parmi les femmes. Ils sont moins nombreux à être dans cette situation parmi les jeunes âgés de 15 à 29 ans avec 48,2%, que parmi les adultes de 30 à 44 ans, avec 61%, les 45-59 ans avec 64,9%, et surtout, les personnes âgées de 60 ans et plus, avec 70,1%. Examiné selon le niveau d’instruction, le travail permanent est plus prépondérant parmi les migrants ayant le niveau d’enseignement supérieur avec 71,9%, suivis des détenteurs du niveau primaire (57,4%), du niveau collégial (52,2%) et du niveau secondaire (lycée) avec 51,8%. La part de l’emploi permanent parmi les personnes n’ayant aucun niveau d’instruction est de 42,2%.
Par secteurs, celui des services occupe plus de la moitié (53%) des migrants actifs occupés, les femmes nettement plus que les hommes avec respectivement 66,2% et 46,4%. Le commerce constitue le deuxième secteur pourvoyeur de postes d’emploi pour les migrants avec une part de 22%, 24,8% parmi les femmes et 20,5% parmi les hommes. En troisième position, arrivent les BTP qui attirent 12,8% de migrants actifs occupés exclusivement des hommes. Enfin, le secteur agricole emploie 7,9% (9,4% d’hommes et 5% de femmes) alors que l’industrie n’emploie que 4,3% des migrants actifs occupés.
Aziz Diouf / Les Inspirations Éco