Maroc

Melilia : Les moutons de la discorde

L’interdiction d’importer des moutons marocains à Melilia, à l’occasion de Aïd el kébir, a levé le voile sur un profond malaise social qui divise le préside.

La tension monte d’un cran dans le préside de Melilia. Les habitants de l’enclave de confession musulmane sont descendus dans la rue pour protester contre la décision du gouvernement local d’interdire l’importation de moutons marocains. Les autorités de la ville ont justifié cette mesure par la détection de cas de fièvre aphteuse ayant affecté les ovins nationaux. L’interdiction pure et dure pour les moutons de passer la frontière a été vivement critiquée par les partis de l’opposition de la ville. Ceux-ci ont dénoncé une décision discriminatoire et ont appelé à l’intensification des contrôles vétérinaires aux frontières au lieu d’imposer un embargo. C’est à la lumière de ce bras de fer entre le gouvernement de la ville, mené par le PP et les autres formations politiques qu’un appel à manifester a été lancé par «Coalition pour Melilia» (CpM) une formation rassemblant des personnes de confession musulmane. Durant cette manifestation, le collectif musulman a considéré que cette interdiction est une attaque à ses traditions et a écarté tout risque de contagion, comme le prétendent les pouvoirs publics de l’enclave.

L’appel à la protestation a trouvé un large écho auprès de la population affectée par cette mesure. Selon les organisateurs, entre 6.000 et 8.000 personnes sont venues exprimer leur colère, tandis que la police locale, qui dépend de la délégation du gouvernement, a minimisé le taux de participation, considérant qu’elles étaient à peine 2.500 environ. Cependant, la presse locale parlait de grande manifestation, et la gronde de la population musulmane a été largement relayée par la presse nationale espagnole. De fait, c’est la première fois que la population musulmane investit les rues de l’enclave et fait entendre sa voix, presque inaudible en temps normal. De ce fait, les organismes représentant la population musulmane ont fait front commun contre cette décision. Le gouvernement local avait proposé à la communauté musulmane d’importer des ovins de la péninsule ibérique. Une alternative qui ne satisfait guère les habitants de Melilia. La première raison est d’ordre pécuniaire.

Le prix des moutons importés sera, bien entendu, beaucoup plus cher que ceux provenant du royaume. L’autre question qui taraude les musulmans est de savoir si la consommation de moutons espagnols est licite pour les musulmans. À cet effet, les manifestants ont scandé, durant la manifestation, «Sunna oui, Manolos non», en référence aux moutons importés d’Espagne. Les services juridiques musulmans de Melilia ont réclamé une expertise démontrant que ces moutons sont aptes à la consommation par les musulmans. Cette confrontation sur fond de moutons révèle un malaise social qui dépasse de loin une interdiction d’ordre sanitaire.

De ce fait, la mesure était la goutte d’eau qui a fait déborder le vase, témoignant des difficultés liées à la cohabitation interreligieuse dans le préside. Les musulmans de l’enclave craignent que cette première mesure ne soit suivie par d’autres attaques aux acquis de cette population, comme l’enseignement de la langue amazighe dans les écoles publiques. Des mouvements ponctuels de gronde sociale ont eu lieu en 2011. À cette date, des affrontements menés par des jeunes chômeurs de confession musulmane contre des éléments de la police ont tenu en haleine la ville durant quelques jours. Ces échauffourées ont eu lieu suite à une affaire de recrutement sans concours dans l’administration publique de Melilia n’ayant pas bénéficié aux jeunes musulmans de la ville. À souligner que Aïd El Ahda est un jour férié à Melilia et à Sebta depuis 2010, suite à un vote du Parlement local. Une mesure qui reflète le poids qu’acquiert au fil des ans la communauté musulmane dans les présides.   


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