Le Groupe migratoire mixte permanent maroco-espagnol s’est réuni la semaine dernière pour la première fois à Rabat. Une réunion qui intervient dans le cadre de la mise en œuvre de la feuille de route élaborée par le chef du gouvernement espagnol, Pedro Sanchez lors de sa récente visite au Maroc en avril 2022. Mehdi Alioua, professeur et spécialiste des questions de la migration apporte un éclairage intéressant lors de cet entretien qu’il a accordé aux Eco.ma.
Quel regard portez-vous sur la récente coopération migratoire entre le Maroc et l’Espagne ?
J’estime que c’est un retour à la normale. Il était urgent de reprendre ces relations avec nos voisins espagnols afin de pouvoir gérer ce que l’on a en commun. Nous avons d’ailleurs plusieurs choses en commun, nous avons des territoires en commun, des sociétés en commun et plusieurs migrants en commun. ll y a un bout du Maroc en Espagne à travers la présence de plus de 800.000 Marocains en Espagne.
Par ailleurs, l’opération Marhaba rapporte beaucoup à l’Espagne, mais aussi au Maroc et il était important d’entretenir cette relation. Bien sûr, il peut y avoir un bémol qui est celui de la gestion sécuritaire des frontières. Les États sont souverains, mais ça doit aussi se faire dans le respect des populations migrantes, même si une minorité tente de le faire sans autorisation.
Beaucoup de choses ont changé dans les relations entre les deux pays en l’espace de quelques mois. Est-ce qu’on peut s’attendre à une montée en puissance de cette collaboration sur de nouveaux secteurs d’activité ?
Ce qui est sûr, c’est que l’on va repartir dans de vraies coopérations. L’Espagne est un des partenaires commerciaux principaux du Maroc et un des plus grands investisseurs étrangers dans le pays. C’était important que le Maroc impose son respect et fasse valoir ses droits en montrant qu’il n’est pas uniquement un gendarme, mais un réel partenaire plein et entier.
Maintenant, il y a des échanges en termes de ressources humaines entre les deux pays. Ces dernières dynamisent l’économie. Ainsi, à partir du moment où les deux pays décident de travailler ensemble, il y a des opportunités immenses qui se créent. Forcément, il y aura de nouvelles choses qui vont émerger dans l’avenir.
Quid de l’ouverture des frontières de Sebta et Melilia?
Au-delà de la question de la contrebande, il y a un problème fondamental dans les villes de Sebta et Melilia puisqu’il s’agit de comptoirs coloniaux. C’est une des manières dont l’Europe a commencé à partir du 14e siècle à coloniser le monde. Sebta et Melilia présentent la particularité d’être autonomes et peuvent de ce fait être free tax. Elles ne font pas partie de l’union douanière de l’Union Européenne. Juridiquement, la question se pose de savoir si Sebta et Melilia font partie de l’Union européenne, ce n’est pas sûr.
Comme il n’y a pas de taxes, on peut livrer dans ces deux comptoirs coloniaux des marchandises en toute tranquillité. Forcément, on ne livre pas seulement pour le marché local de ces deux villes, puisque les livraisons sont beaucoup plus nombreuses que ce que les villes peuvent absorber. La marchandise est redistribuée de l’autre côté de la frontière à travers les femmes mulets. Cela n’est pas bon ni pour le Maroc ni pour l’Espagne et profite uniquement aux marchands locaux qui font un trafic juteux là-dessus.
Aujourd’hui, je n’ai aucune idée de ce qui se négocie, mais le Maroc a intérêt à ne pas reprendre cette pratique dangereuse qui vient abimer son image et humilie une partie de sa population.
Propos recueillis par Mohamed Laabi