Médicaments génériques. Le droit de substitution inquiète les médecins

Le décret du 14 mars rendant obligatoire la bioéquivalence d’un médicament générique donnerait «indirectement le droit de substitution aux pharmaciens», ce qui s’apparent à un «exercice illégal de la médecine». La pharmaciens rassurent, puisque rien ne peut être fait sans l’aval du prescripteur.
Un nouveau canal vient d’être ouvert pour l’utilisation du médicament générique au Maroc. Le décret du 14 mars 2019, modifi ant celui du 12 juin 2012, rend obligatoire la bioéquivalence d’un médicament générique au médicament de référence et ce, avant l’octroi de l’autorisation de mise en vente sur le marché. Le pharmacien peut donc délivrer par substitution à la spécialité prescrite une spécialité du même groupe générique, à condition que le prescripteur n’ait pas exclu cette possibilité, pour des raisons particulières tenant au patient, par une mention expresse portée sur la prescription.
«Prescrire dans le répertoire des médicaments génériques, c’est permettre au pharmacien de substituer au médicament d’origine un médicament générique qui possède le même principe actif au même dosage, et la même forme pharmaceutique. C’est lui permettre aussi de choisir, parmi les médicaments du même groupe, un médicament générique présenté sous la forme la mieux adaptée au patient, par exemple, plus facile à avaler, avec un goût différent, sans l’excipient à effet notoire auquel il est intolérant, etc.», explique Abderrahim Derraji, docteur en pharmacie.
Le procédé serait donc «un moyen efficace pour réduire la valeur d’une ordonnance et participer activement à la politique de maîtrise médicalisée des dépenses de santé». Seulement, cela fait grincer des dents les médecins libéraux. Dans un communiqué publié le 30 mars, ces derniers s’insurgent contre ce qu’ils appellent «une mise en danger de la santé du patient». En effet, ils expliquent que «seul le médecin est responsable du diagnostic et donc de la prescription». Donner une telle prérogative au pharmacien s’apparente à «un exercice illégal de la fonction de médecine», indique Badr Eddine Dassouli, président du Syndicat national des médecins du secteur libéral et signataire du communiqué.
Pourtant, le mécanisme n’est pas sans garde-fous. La substitution doit être faite au sein d’un même groupe générique, et le prescripteur ne doit pas s’y être expressément opposé pour des raisons particulières tenant au patient ; et surtout, elle ne doit pas entraîner de dépenses supplémentaires pour l’assurance maladie. «Mais il ne faut pas oublier qu’au vu du contexte actuel, le pharmacien se retrouve souvent prescripteur malgré lui au vu du faible niveau socio-économique de ses patients», indique-t-on du côté des pharmaciens. D’autant qu’eux-mêmes font face à l’informel. «Cette situation est aggravée par les perpétuelles atteintes au monopôle du pharmacien. En effet, malgré les nouvelles dispositions que prévoit la loi 17 -04, les médicaments et les dispositifs médicaux continuent à se vendre en dehors du circuit légal», indique Derraji.
Mais cela ne refroidit pas les médecins pour autant, qui considèrent cette volonté de généralisation du générique comme une «fuite en avant», puisque les techniques ne sont pas encore totalement au point. En effet, le médicament générique est bioéquivalent au médicament de référence quand l’intervalle de confiance du rapport des valeurs moyennes a 9 chances sur 10 d’être compris entre 80% et 125%. Lorsque la bioéquivalence est démontrée, la variation en principe actif entre le médicament générique et le médicament de référence ne peut pas dépasser ± 5%. «Mais il est essentiel de rappeler que cette variabilité, due à l’imprécision des méthodes de dosage des échantillons et à la variabilité intra et interindividuelles, n’est pas spécifique aux médicaments génériques mais est également retrouvée pour les médicaments de référence», explique ce pharmacien casablancais.
La réglementation européenne par exemple admet une variabilité de principe actif de ± 5% dans le produit fini pour tous les médicaments (médicaments génériques ou de référence). Ainsi, la différence de ces paramètres cinétiques entre un médicament générique et un médicament de référence ne varie pas plus que celles retrouvées entre différents lots de fabrication d’un même médicament de référence.