Marocains bloqués à l’étranger: l’Ambassadrice du Maroc en Espagne fait le point
Dans cet entretien, l’ambassadrice du Maroc en Espagne, Karima Benyaich revient sur la situation des Marocains affectés par la décision de fermeture de frontières et la mobilisation de la mission diplomatique marocaine dans le contexte de la pandémie du Covid-19.
Quelles sont les mesures prises par l’ensemble des représentations consulaires du Maroc en Espagne pour faire face à cette crise sanitaire ?
Dans ce contexte de crise, la dimension humaine et la préservation de la vie de nos concitoyens marocains était au centre de notre stratégie nationale et celle de notre action menée en Espagne. Très tôt, les autorités marocaines ont pris des mesures anticipées et courageuses, pour contenir la pandémie et éviter sa propagation sur le territoire national. Pour le cas de l’Espagne qui nous concerne tout particulièrement, il a été décidé, dans un premier lieu et de manière concertée, de suspendre les liaisons aériennes et la fermeture des frontières. Certains de nos concitoyens qui étaient en déplacement en Espagne pour des raisons touristiques, médicales, ou de travail, se sont trouvés dans l’impossibilité de rejoindre le pays, suite à cette décision dictée par des circonstances extraordinaires. Or, l’alarmante situation épidémiologique exigeait des réponses concertées, coordonnées et fermes et ce dans l’intérêt de nos peuples respectifs. Les décisions prises se sont faites dans le cadre d’une coordination exemplaire entre deux pays amis. Ces mesures reflètent dans les faits, l’entente, la responsabilité et la solidarité qui sont des aspects fondamentaux caractérisant le partenariat stratégique développé entre le Maroc et l’Espagne. S’agissant de la communauté marocaine résidant en Espagne, l’Ambassade et les 12 consulats généraux du royaume en Espagne ont adapté leur capacité de réponse afin de fournir une réponse adéquate à cet impératif d’ordre sanitaire. Dès lors, la mobilisation de l’ensemble des services consulaires s’est particulièrement accentuée. Pour mener cette mission, nous avons procédé à la mise en place, dès le 4 mars 2020, d’une cellule de coordination chargée de la sensibilisation de la communauté marocaine. Ladite cellule s’est attelée à la réalisation d’un suivi et un accompagnement rigoureux de la situation de nos concitoyens marocains. De même, nous avons tenu à diffuser auprès de la communauté établie en Espagne, et dans un jargon accessible, les consignes sanitaires adoptées par le gouvernement espagnol et rappelé l’importance de respecter ces recommandations.
Depuis le déclenchement de la crise sanitaire, l’ambassade du Maroc en Espagne a mis en place une cellule de veille pour coordonner des actions en faveur des Marocains affectés par la fermeture des frontières. Quel bilan faites-vous de ce plan de crise ?
Nous sommes pleinement conscients de la douloureuse épreuve que traversent nos compatriotes, dans l’attente de rejoindre le royaume. C’est pour cela que je tiens à rappeler que notre mobilisation est, et restera entière et nos équipés dévouées, sans réserve, auprès de ce collectif. Dès que les instructions ont été données aux missions diplomatiques et postes consulaires de mettre en place des cellules de veille et de suivi de crise, l’Ambassade du Maroc en Espagne s’est empressée à traduire ses consignes en actions. C’est de la sorte que les différents services consulaires ont entamé un processus de recensement des marocains touchés par la fermeture des frontières. L’opération a démarré au lendemain de la décision conjointe prise le 12 mars 2020, par le Maroc et l’Espagne de suspendre les vols aériens et le trafic maritime de passagers, comme mesure préventive contre la propagation de la pandémie. À ce titre, nous avons adopté un dispositif exceptionnel dans le but d’engager une coordination opérationnelle et d’être à l’écoute de nos compatriotes, affectés par cette décision dictée par la conjoncture sanitaire. Afin de veiller à ce que le séjour des personnes affectées s’effectue dans les meilleures conditions, nos équipes se sont engagées et mobilisés pleinement pour offrir des solutions adéquates. Nous disposons aujourd’hui d’une base de données des touristes marocains, avec lesquels nous sommes en contact permanent via les différents canaux de communication. A titre d’exemple, l’Ambassade à elle seule reçoit en moyenne quotidiennement, plus de 150 appels téléphoniques, 200 interactions sur WhatsApp et une soixantaine de courriels. Nous nous efforçons pour répondre favorablement à l’ensemble de leurs besoins en matière de d’hébergement, d’accès aux soins médicaux, entre autres, et ce grâce à l’exceptionnel engagement financier fourni par le ministère des Affaires étrangères et de la coopération africaine et des Marocains résidant à l’étranger. Grâce à cet apport financier, l’ambassade a débloqué une aide financière directe, à plus de 400 personnes bloquées sur le territoire espagnol pour qu’elles puissent subvenir à ses besoins. En outre, et pour accompagner nos concitoyens durant ce mois de ramadan, la représentation diplomatique et le consulat général du royaume à Madrid ont acheminé aux affectés plus de 200 paniers composés de produits et mets, consommés durant ce mois sacré. Je tiens également à saluer le grand élan de solidarité de nombreuses associations marocaines et de bénévoles présents en Espagne, pour la mobilisation dont elles ont fait preuve durant ces circonstances d’exception.
Qu’en est-il de leur situation sur le plan légal vis-à-vis des autorités espagnoles vu que la plupart des concernés disposent d’un visa susceptible d’arriver à échéance ?
Nous avons entrepris des démarches administratives auprès des autorités espagnoles afin d’obtenir les garanties nécessaires sur la régularité de leur situation sur le sol espagnol. Les citoyens marocains qui ne peuvent retourner au Maroc, durant cette période, ne seront ni affectés par l’expiration du délai de séjour autorisé, ni pénalisés tant que l’état d’alerte est en vigueur. Finalement, je vaudrais assurer nos concitoyens que le gouvernement du Maroc travaille sans relâche pour le rapatriement des Marocains affectés par cette mesure exceptionnelle. Cette opération doit se faire dans les meilleures conditions sans risque pour nos compatriotes, tout en veillant au respect des mesures établies par la situation d’état d’alerte qui prévaut aussi bien au Maroc qu’en Espagne. Le sens de la responsabilité exige d’avoir une vision globale pour gérer au mieux ce dossier dans ses différentes phases et contraintes, compte tenu des divers et complexes aspects qui doivent être tenu en considération durant cet important dispositif de rapatriement.
Au vu de l’impossibilité d’inhumer les victimes marocaines du Covid-19 dans leur terre natale, quelles sont les mesures prises pour garantir la disponibilité de carrés dans les cimetières musulmans ?
Au vu de l’impossibilité de rapatrier les corps au Maroc, le Ministère délégué chargé des Marocains résidant à l’étranger, a décidé de couvrir les frais d’inhumation des défunts en situation précaire et d’assurer leur enterrement dans les cimetières islamiques ou dans les carrés réservés aux Musulmans dans les cimetières municipaux. À ce titre, les différents consulats du Royaume ont, tour à tour, contacté les autorités locales espagnoles afin de disposer d’espaces réservés aux défunts marocains en nombre suffisant. C’est le cas par exemple de certaines municipalités qui ont répondu favorablement à notre requête et ont procédé à l’aménagement de plus de 100 lieux de sépultures réservés aux victimes de confession musulmane.
Quelle est actuellement la situation des saisonnières marocaines s’affairant à Huelva ?
Le dossier des agricoles marocaines travaillant dans les champs de Huelva est suivi de près par l’ambassade et le consulat général du royaume à Séville lesquels sont en contact permanent avec les autorités espagnoles. Notre mission actuelle est d’écouter les doléances des travailleuses saisonnières marocaines et répondre à leurs besoins urgents. Sur ce volet, nous avons initié des démarches administratives auprès de l’administration en charge de ce dossier afin de prolonger les contrats des travailleuses se trouvant actuellement en Espagne, De plus, nous avons obtenu un engagement ferme desdits services afin que les travailleuses agricoles puissent accomplir leur travail dans les meilleures conditions, tout en veillant au respect des exigences sanitaires en vigueur. Par ailleurs, nous avons reçu les garanties nécessaires, de la part des professionnels du secteur, à ce que les conditions de vie et de travail de nos saisonnières agricoles soient conformes aux recommandations que dictent la situation sanitaire actuelle. Ç ce niveau, la filière s’est engagée à adopter un protocole de prévention de la propagation du virus dans ce milieu agricole, dont la finalité est le respect des règles de sécurité et d’hygiène adoptés par les autorités sanitaires.