Maroc

Maroc : la polémique sur les cliniques privées prend de l’ampleur

Suite à la polémique sur les prix exagérés de la prise en charge des cas Covid-19 pratiqués par des établissements privés, l’Association nationale des cliniques privées et l’Agence nationale de l’assurance maladie tiendront une réunion pour définir la grille tarifaire à appliquer.

La polémique sur la question des prix pratiqués au sein des cliniques privées va-t-elle se dissiper un jour ? Le sujet est plus que jamais d’actualité, les structures de soins étant très sollicitées actuellement non seulement pour les spécialités «classiques», mais aussi pour la prise en charge des cas atteints de Covid-19. Demain mardi, une réunion est d’ailleurs programmée entre l’Association nationale des cliniques privées (ANCP) et l’Agence nationale de l’assurance maladie (ANAM) pour traiter des différentes questions relatives à ce débat. L’objectif est de trouver des solutions concrètes à cette situation et surtout de fixer une grille de tarification raisonnable, que ce soit vis-à-vis des cliniques ou des patients confirmés Covid-19. «Nous sommes en train de réfléchir à la mise en place d’un juste prix par rapport à la prise en charge d’un patient atteint de la Covid-19. Lors de la réunion programmée avec l’ANAM, nous nous attèlerons à la mise en place d’un forfait Covid-19 qui sera appliqué par toutes les cliniques privées», rassure Redouane Semlali, président de l’ANCP. Et d’ajouter «nous sommes pour la transparence». À ce sujet, le président de l’ANCP rejette catégoriquement l’idée d’afficher les prix dans les cliniques, puisque la tarification nationale de référence est disponible sur le web, soutient-il. Toutefois, pour ce dernier, une exception devrait être admise dans la situation actuelle. «Nous tâcherons de proposer à ce que la tarification liée à la Covid-19 soit affichée, pour qu’il n’y ait pas de quiproquos chez les patients», affirme notre source.

Nouvelles décisions du ministère de tutelle
Jeudi dernier, une réunion présidée par le ministre de la Santé, Khaled Ait Taleb, a été tenue au siège du ministère en présence du président de la Commission nationale des médecins, du directeur général de l’ANAM, de l’inspecteur général du ministère de la Santé et du directeur de la direction des litiges au ministère de la Santé. Lors de cette réunion, les différentes parties ont traité de la coordination des procédures et des décisions à prendre face à la poursuite de cas de surfacturation des services médicaux fournis aux patients Covid-19 dans certaines cliniques privées. Le ministre de la tutelle a donc insisté sur «la nécessité de respecter le protocole et la grille tarifaire». Il a été aussi catégorique en affirmant que «les autorités agiront avec fermeté face à toutes les violations, en œuvrant, dans le strict respect de la loi à trouver des solutions aux contraintes auxquelles sont confrontées les cliniques privées, surtout en ce qui concerne le coût élevé de la prise en charge des malades Covid-19». Il a été décidé à la fin de cette réunion, la création d’une commission centrale de suivi et de contrôle de la prise en charge des patients Covid-19 dans les cliniques privées. Elle proposera les procédures et décisions nécessaires pour faire face aux dépassements, et ce, en conformité avec la loi 65-00 portant code de couverture sanitaire de base et accords nationaux. Il est à préciser que cette commission se composera de l’Inspection générale du ministère de la Santé, de l’Agence nationale de l’assurance maladie et de l’Ordre national des médecins. Il s’agit également de mettre en place des commissions régionales, composées des inspecteurs régionaux du ministère de la Santé et de représentants des conseils régionaux de l’Ordre des médecins, en coordination avec l’Agence nationale de l’assurance maladie. L’objectif de ces commissions est d’assurer le suivi et l’application des décisions prises au niveau central. Par ailleurs, le ministère a appelé les citoyens victimes d’abus et qui jouissent de l’AMO à fournir les documents qui prouvent des dépassements, à l’Inspection générale, aux inspections régionales du ministère de la Santé ou à l’Agence nationale de l’assurance maladie.

L’origine de la polémique
Depuis quelques jours, la polémique a enflé sur les réseaux sociaux à propos des factures faramineuses de prise en charge par les cliniques privées des patients atteints de Covid-19. «Cela fait une dizaine de jours que nous avons éclairci la question, la polémique concernait une situation mal comprise par la population. Ce n’était pas un dérapage en termes de prix, c’était un coût de soin Covid-19 élevé. L’ANCP a été la première à diligenter, avec le ministère de la Santé, des inspections pour s’assurer de la véracité de la situation», assure Semlali. Ce dernier étaye ses explications par le fait que le ministre lui-même avait expliqué au sein du Parlement que «le dérapage dans les prix n’existait pas». En tout cas, selon Redouane Semlali, c’est la nature du profil de la réanimation de la Covid-19 qui explique cette fourchette de prix. Pour lui, il faut comprendre que les tarifs élevés qui sont appliqués s’expliquent par la cherté de la prise en charge de la Covid-19. Ces coûts pourrait atteindre les 5.000 DH pour l’oxygène par jour, en plus de la tenue des soignants qui coûte 300 DH, des analyses de sang, des médicaments, etc. «Ce qui explique le fait que le coût moyen d’une nuit en réanimation pourrait atteindre 7.000 à 8.000 DH, tandis que hors Covid-19, une réanimation normale coûte entre 800 et 1.000 DH», nous affirme le président de l’ANCP dans ce sens. À croire le président de l’Association nationale des cliniques privées (ANCP), et pour lever toute ambiguïté, les 8.000 DH en question représentent le tarif que l’ANCP compte défendre auprès de l’ANAM. Suite à un accord avec le ministère de la Santé, l’ANCP et les associations régionales, les cliniques privées ont été appelées à la rescousse pour aider à réduire la pression sur les hôpitaux publics. Le secteur privé donne ainsi un coup de main au système public saturé par la hausse des cas de contamination. D’un autre côté, très récemment, l’Agence nationale de l’assurance maladie (ANAM) a annoncé l’entrée en vigueur du protocole thérapeutique et de la grille tarifaire, consultables sur le site de l’agence. Il s’agit du détail des remboursements des frais liés à la Covid-19, dans le cadre de l’Assurance maladie obligatoire (AMO), selon une grille tarifaire fixant le tarif pour chaque prestation et chaque catégorie de cas cliniques, par secteur d’activité (public et privé). L’ANAM a souligné par ailleurs que le non-respect des dispositions de ce référentiel, pourra faire l’objet de réclamations destinées à l’ANAM, à travers notamment la plateforme «chikaya».

Chèques de garantie. Attention, pratique illégale !

Selon des témoignages sur les réseaux sociaux, certains établissements hospitaliers privés exigent un chèque de «garantie» si le patient est atteint de la Covid-19, afin d’accéder aux services de santé. «Cette pratique est tout simplement illégale», assure Redouane Semlali. Le ministre de la Santé, Khalid Aït Taleb, avait également souligné cet aspect sous la coupole,. Selon l’article 75 de la loi 131-13, «en cas de tiers payant, il est interdit à la clinique de demander aux personnes assurées, ou à leurs ayants droit, une provision en numéraire ou par chèque ou tout autre moyen de paiement en dehors de la part restant à leur charge».

Sanae Raqui / Les Inspirations Éco



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