Maroc-Israël : la normalisation ouvre la voie à une coopération soutenue
Depuis la normalisation de leurs relations, la coopération entre le Maroc et Israël a connu un bond remarquable… Lancement d’investissements et signature de conventions se multiplient dans nombre de secteurs d’activité.
Les symboles forts se succèdent, attestant de la solidité de la coopération maroco-israélienne. Le mardi 22 décembre 2020, et pour la première fois, un vol commercial en provenance d’Israël a atterri sur le sol marocain. Ce jour marque donc le premier acte du rétablissement des relations diplomatiques entre les deux pays, qui interviendra peu de jours après. Et confirme, par la même occasion, l’avancée la plus remarquable de la politique étrangère du Royaume. Qualifiée de «réussite diplomatique» par Antony Blinken, le secrétaire d’État américain, la reprise des relations bilatérales, dans le cadre de l’Accord tripartite (Maroc, États-Unis et Israël) s’est traduite par l’installation de Bureaux de liaison dans les deux pays. Une déclaration conjointe a donc été publiée, le 22 décembre 2020 à Rabat, à travers laquelle les deux États se sont engagés à promouvoir «une coopération économique bilatérale dynamique et innovante dans les domaines du commerce, de la finance et de l’investissement, ainsi qu’en matière d’innovation et de technologie». C’est, désormais, chose faite ! Un an après le rétablissement des relations entre les deux pays, les échanges ont atteint 130 millions de dollars (chiffres 2021).
La coopération commerciale se renforce
En février 2021, un accord a été signé pour le renforcement et l’approbation de l’Accord de coopération économique et commerciale entre les deux gouvernements. Parmi les secteurs de coopération concernés, on peut citer la santé et les équipements médicaux, l’industrie pharmaceutique, l’agriculture, les technologies de la mobilité, la cyber-sécurité et le transport aérien. Selon les dispositions de l’accord, le Maroc et Israël prendront les mesures appropriées pour développer les relations économiques et pour encourager et faciliter la coopération en vue d’accroître le volume des échanges bilatéraux. Les deux parties se sont donc engagées à assurer la libre circulation des biens et services. L’accord encourage la coopération mutuelle entre les secteurs privés des deux parties (fédérations de fabricants, chambres de commerce et autres associations professionnelles).
Les entreprises israéliennes s’installent au Maroc
En 2022, et suite à une visite de travail de trois jours dans le Royaume, Orna Barbivai, ministre israélienne de l’Économie et de l’industrie, a rencontré son homologue marocain, Ryad Mezzour. Les deux responsables ont signé un Accord de coopération économique visant, entre autres, à créer des Zones industrielles qualifiées au Maroc, lesquelles permettront de concrétiser la coopération tripartite Maroc/Israël/États–Unis dans le domaine du commerce et de l’investissement, et de faciliter l’accès direct des marchandises produites dans ces zones au marché américain. Il vise également à instaurer une coopération sur les questions de normalisation et de réglementation, entre les secteurs privés des deux pays, ainsi que dans les domaines de la recherche et développement (R&D), de l’innovation et des petites et moyennes entreprises.
À cette occasion, Barbivai a insisté sur la nécessité de porter le niveau des échanges à 500 millions de dollars par an. À cet effet, elle a mis en avant la volonté des industriels et des hommes d’affaires israéliens à œuvrer avec leurs confrères marocains pour aller de l’avant dans ce partenariat. En mars 2022, un mémorandum d’entente dans le secteur aéronautique a été signé lors de la rencontre entre Mezzour et Amir Peretz, le président du conseil d’administration de la société Israël aerospace industries (IAI). Ce mémorandum s’inscrit également dans le cadre de la mise en œuvre de la Déclaration conjointe entre le Maroc et Israël, signée le 22 décembre 2020.
Les deux parties ont identifié, dans ce cadre, des opportunités d’investissement portant sur l’impression 3D, la fabrication d’intérieurs de cabines, de pièces moteurs et d’aérostructures, ainsi que sur la mise en place d’un centre R&D et d’ingénierie, et le développement d’un tissu de fournisseurs locaux via des partenariats de sourcing avec IAI. C’est ainsi que plusieurs entreprises israéliennes ont développé leurs activités au Maroc, dont le géant israélien, Fruitspec. Concrètement, ce nouvel opérateur, apporte aux acteurs de la filière fruitière, des producteurs aux négociants, de nouvelles solutions qui permettent d’obtenir de meilleurs prix en optimisant le rendement des vergers, en fonction de la demande, grâce à des outils de décision et à des données accessibles sur une plateforme informatique.
Alliance militaire et sécuritaire
La coopération entre le Maroc et Israël touche aussi les domaines militaire et sécuritaire. Rappelons que Aviv Kochavi, le chef de l’armée israélienne, a achevé, en juillet dernier, une visite de trois jours au Maroc, marquant ainsi la première visite officielle d’un chef d’état-major d’Israël dans le Royaume. Un symbole fort qui traduit l’importance des enjeux géopolitiques entre les deux partenaires. Pour rappel, Kochavi a été reçu par Abdellatif Loudiyi, ministre délégué chargé de la Défense. Il s’est ensuite rendu au quartier général des Forces armées royales (FAR), où il s’est entretenu avec son homologue, le général Belkheir Al-Farouq, et le chef du renseignement militaire, Brahim Hassani. Notons qu’à fin mars, une délégation de hauts responsables israéliens avait déjà effectué une visite au Maroc. Cette visite avait abouti à la signature d’un accord de coopération, prévoyant la création d’une commission militaire mixte. Ce partenariat se fonde sur un accord-cadre, signé en novembre 2021 à Rabat, par le ministre israélien de la Défense, Benny Gantz. À noter que ce partenariat acte formellement la coopération sécuritaire entre les deux pays (planning opérationnel, achats, recherche et développement…). Par ailleurs, Ayelet Shaked, ministre israélienne de l’Intérieur, s’est également rendue au Maroc, courant juin, pour signer des partenariats dans des domaines divers (technologique, sécuritaire, militaire, économique et culturel).
Le domaine juridique éGALEMENT concerné
Un mémorandum a été signé, le 26 juillet, par Abdellatif Ouahbi, ministre de la Justice, et Gideon Sa’ar, son homologue israélien. L’objectif étant de renforcer la coopération et de promouvoir les activités professionnelles des autorités en charge de la justice dans les deux pays. L’accord vise aussi à définir un cadre pratique pour leurs futures activités conjointes, tout en mettant en exergue l’importance de l’échange d’expériences et des bonnes pratiques en matière d’administration judiciaire. Les deux parties se sont aussi engagées à renforcer et promouvoir la coopération dans le domaine juridique sur la base des fondements de l’égalité ainsi que du respect et de l’avantage mutuels. Il s’agit aussi d’établir un consensus commun et d’identifier les domaines de coopération en fonction des capacités des deux parties. En vertu de cet accord, ces derniers entendent également renforcer la compréhension réciproque de leurs systèmes juridiques et raffermir la coopération bilatérale, notamment en termes d’harmonisation de leurs législations internes avec les normes internationales, en matière civile et pénale. Par ailleurs, les deux partenaires aspirent à lancer le chantier de la digitalisation afin de réduire l’écart d’accès à la justice grâce à l’utilisation des technologies, soulignant qu’ils sont impliquées dans un projet relatif à l’usage des procédures judiciaires et des peines alternatives, dans le but d’alléger la charge de travail dans les tribunaux et les prisons des deux pays.
Le Sahara, un axe MAJEUR de coopération
Depuis la normalisation des relations entre les deux pays, Israël affirme son soutien à la position du Maroc sur la question du Sahara. Cette dernière a été confirmée lors de la rencontre, mercredi dernier, entre le vice-premier ministre et ministre israélien de la Justice, Gideon Saar et Nasser Bourita, ministre des Affaires étrangères. Saar a souligné que cette entrevue a été l’occasion «de réaffirmer le soutien à la position du Maroc sur la question du Sahara». Il a indiqué, par la même occasion, que les entretiens bilatéraux s’inscrivent dans le cadre du renforcement des relations entre le Maroc et Israël, formant le vœu de voir Bourita effectuer prochainement une visite en Israël.
Des établissements hospitaliers en perspective
Khalid Ait Taleb, le ministère de la Santé et de la protection sociale et la société israélienne I.M.S Ovadia Group Ltd, ont signé un accord pour la construction d’établissements hospitaliers au Maroc. Cet accord, qui s’inscrit dans le cadre d’une approche de Partenariat public-privé, s’assigne pour objectif la mise en œuvre d’un programme d’investissement pour la construction et l’équipement d’établissements hospitaliers, avec une contribution du groupe I.M.S Ovadia Group Ltd estimée à 5 milliards de dirhams. La première phase de ce programme porte sur la réalisation de cinq établissements hospitaliers d’une capacité de 1.000 lits dans les Régions de Dakhla-Oued Eddahab, Fès-Meknès, Draa-Tafilalet, l’Oriental et Marrakech-Safi.
Sanae Raqui / Les Inspirations ÉCO