Maroc

Marché monétaire : 2023, l’année du resserrement

L’analyse du rapport 2023 de Bank Al-Maghrib révèle une tendance marquée par un resserrement monétaire prudent et progressif visant à maîtriser l’inflation dans un contexte économique incertain. Cette approche a conduit à des hausses de taux d’intérêt et à des ajustements partiels sur les marchés financiers, tout en assurant des interventions ciblées pour stabiliser le marché des bons du Trésor et soutenir la liquidité.

En 2023, les conditions monétaires ont été marquées par la poursuite d’une politique monétaire restrictive, entamée par Bank Al-Maghrib (BAM) en septembre 2022. Cette politique visait principalement à maîtriser l’inflation dans un contexte économique incertain. Le récent rapport annuel de BAM offre une vue détaillée de la situation économique, monétaire et financière du pays, et permet d’analyser les effets de ces mesures sur différents secteurs de l’économie.

Politique monétaire restrictive
Bank Al-Maghrib a initié une série de hausses du taux directeur, augmentant initialement ce dernier de 50 points de base (pb) en septembre 2022. Deux autres augmentations de la même ampleur ont suivi lors des réunions du Conseil de la Banque centrale, marquant une approche résolument prudente face à une inflation en décélération mais toujours incertaine.

Ainsi, après avoir atteint un sommet, le taux directeur a été maintenu inchangé pour le reste de l’année. L’objectif principal de cette politique était de contenir les pressions inflationnistes qui se sont intensifiées en raison des perturbations des chaînes d’approvisionnement mondiales et des fluctuations des prix des matières premières. Bank Al-Maghrib a opté pour une approche progressive afin de ne pas freiner brutalement l’activité économique tout en s’assurant que l’inflation ne devienne pas incontrôlable.

Transmission des relèvements du taux directeur
La transmission des hausses du taux directeur aux différents marchés a été progressive et inégale. Les taux débiteurs, par exemple, ont continué à augmenter avant de se stabiliser à 5,36 % au quatrième trimestre, marquant une hausse totale de 112 pb depuis le début du cycle de resserrement monétaire.

Les variations ont été particulièrement notables selon les segments de marché : les prêts aux particuliers ont enregistré une hausse de 61 pb, tandis que ceux aux très petites, petites et moyennes entreprises (TPME) et aux grandes entreprises ont augmenté respectivement de 76 pb et 138 pb.

Cette hétérogénéité dans la transmission des hausses de taux reflète les différentes capacités de négociation et de résistance des emprunteurs face aux conditions de crédit plus strictes. Les grandes entreprises, ayant souvent des structures financières plus robustes, peuvent mieux absorber les coûts supplémentaires, tandis que les particuliers et les petites entreprises ressentent plus fortement les effets des hausses de taux.

Marché des bons du Trésor
L’anticipation par les investisseurs d’une poursuite du resserrement monétaire a amplifié l’impact des hausses de taux sur le marché des bons du Trésor. Ceci a conduit à une augmentation significative des exigences de rendement et à une concentration de la demande sur les maturités courtes.

Pour stabiliser le marché, Bank Al-Maghrib a procédé à des injections de liquidité par des opérations d’achats de titres sur le marché secondaire. Ces interventions ont aidé à réduire la pression et les taux ont commencé à baisser à partir de mai, alignés sur la tendance à la baisse de l’inflation et les attentes de la fin du cycle de resserrement.

Les interventions de Bank Al-Maghrib ont notamment permis d’atténuer les tensions sur les taux à court terme, qui sont souvent les plus sensibles aux changements de politique monétaire. En rétablissant la liquidité sur le marché des bons du Trésor, la banque centrale a contribué à une réduction des coûts d’emprunt pour l’État, facilitant ainsi la gestion de la dette publique dans un contexte de financement plus contraint.

Crédit bancaire en ralentissement
Le rythme de progression du crédit bancaire au secteur non financier a ralenti, passant de 7,9 en 2022 à 2,7% en 2023. Cette décélération reflète la normalisation des prix des importations et l’amortissement des prêts garantis mis en place durant la crise pandémique.

Les prêts aux sociétés privées ont particulièrement souffert avec une quasi-stagnation après une forte hausse l’année précédente. Les prêts aux particuliers ont également connu une faible progression de 2,1%, impactée par l’attentisme lié à l’implémentation de l’aide directe au logement annoncée dans la Loi de finances de 2023. En revanche, la progression des prêts aux sociétés financières s’est accélérée de 5,6 à 20,5 %, témoignant d’une dynamique de financement plus soutenue dans ce secteur.

Globalement, la croissance du crédit bancaire est revenue de 7,5 à 5,3 %, avec un encours total atteignant 1.114,9 MMDH, soit 76,2 % du PIB au lieu de 79,6 % un an auparavant. L’analyse des données par secteur institutionnel montre que la croissance du crédit au secteur non financier a été tirée principalement par les prêts alloués aux entreprises publiques, qui ont augmenté de 26,6 %.

En revanche, pour les sociétés privées, la normalisation des prix des importations et l’amortissement des prêts accordés dans le cadre des lignes de garantie mises en place lors de la crise pandémique se sont traduits par un repli de 8,4 % des facilités de trésorerie. Tenant compte d’un accroissement de 5,5 % des crédits à l’équipement, les prêts aux sociétés privées sont ressortis en quasi-stagnation après une hausse de 10,4 % un an auparavant.

Taux d’intérêt en augmentation
Les taux d’intérêt débiteurs ont augmenté de manière partielle mais significative, avec une hausse totale de 112 pb entre le début du resserrement monétaire et la fin de 2023. Comparés à 2022, ils ont augmenté de 92 pb en moyenne, les taux pour les particuliers ayant progressé de 53 pb et ceux pour les entreprises de 110 pb.

Les taux créditeurs ont également enregistré des progressions limitées, marquant des hausses de 34 pb pour les taux à 6 mois et de 31 pb pour ceux à 12 mois. Quant au taux minimum appliqué aux comptes sur carnet, indexé sur le taux des bons du Trésor à 52 semaines avec une révision semestrielle, il a augmenté de 110 points pour se situer à 2,25 % en moyenne en 2023.

Cette hausse a permis d’améliorer légèrement le rendement des placements liquides, mais n’a pas suffi à compenser l’impact des hausses de taux d’intérêt sur le coût du crédit.

Sanae Raqui / Les Inspirations ÉCO

 


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