Maroc

Logement social : la location-accession, une solution à la crise?

La location-accession ou «IjaraMountahiaBitamlik» pourrait offrir des opportunités de relance aux opérateurs immobiliers, notamment dans le segment en crise de l’habitat social. Décryptage…

En crise depuis plusieurs années déjà, l’habitat social n’a pas vu sa situation s’améliorer en 2020, conjoncture oblige. En quelques mois seulement, des pertes importantes ont été constatées. Les 40 MMDH de manque à gagner annoncés par la ministre de l’Habitat, Nouzha Bouchareb, témoignent de la morosité qui règne dans ce secteur. Toutefois, nuancent les experts, la crise sanitaire à elle seule ne saurait expliquer la situation actuelle de la branche du logement social. La pandémie liée à la Covid-19 a eu des répercussions qui sont venues s’ajouter à d’autres limites caractérisant le modèle actuel du logement social. Ces limites sont identifiées depuis bien des années, nous explique un opérateur du secteur. Elles peuvent être déclinées en deux points essentiels. Le premier concerne l’exclusion financière d’une partie importante de la population. La seconde limite, liée à la première, a trait à la dégradation accélérée des environnements de vie liée à la non-maintenance des résidences. C’est pourquoi un nouveau paradigme s’est imposé. En procédant à la révision de la loi et du cadre fiscal en vigueur pour le logement social et de faible valeur en cette fin d’année, l’Exécutif entend prendre en main la problématique du logement social, par le biais des solutions autres que la voie classique des exonérations. Location-accession, une solution
Dans cette perspective, et après un recueil d’avis dans le secteur, plus d’un expert ou opérateur sondé voit en la «location-accession» ou «IjaraMountahiaBitamlik» (IMB), une option capable de raviver la demande et de faciliter l’absorption des stocks invendus.

Pour rappel, dans le projet de loi de Finances 2021, le gouvernement a acté deux mesures qui ont été saluées par les professionnels, bien que jugées encore insuffisantes pour nombre d’entre eux. La première concerne la continuité de la baisse de 50% des droits d’enregistrement pour les biens immobiliers, dont la valeur n’excède par 4 MDH jusqu’au 30 juin 2021. La seconde mesure a trait à l’extension du bénéfice de l’exonération au profit des Organismes de placement collectif immobilier (OPCI) pour les locations à usage d’habitation. En plus de ces deux mesures, la solution phare attendue par les professionnels du secteur de l’habitat social est celle de l’IMB. Décrite par beaucoup d’experts comme «salvatrice pour le secteur», cette mesure devrait voir le jour prochainement. «Elle aidera les promoteurs à écouler le stock des invendus et soulager par la même occasion les bilans de leurs banques partenaires, également en souffrance. Elle permettra par ailleurs de répondre au défi de l’accessibilité et de l’inclusion financière, ainsi qu’au défi de la durabilité des biens et des environnements», explique un expert du secteur immobilier. Techniquement, la location-accession, telle que décrite dans le Dahir n° 1-03-202 du 11 novembre 2003, «est un contrat de vente par lequel un vendeur s’engage envers un accédant à lui transférer, après une période de jouissance à titre onéreux, la propriété de tout ou partie d’un immeuble moyennant le versement d’une redevance». Le texte de loi insiste sur le fait que «la redevance comprend obligatoirement deux parties : un montant relatif au droit de jouissance de l’immeuble et l’autre relatif au paiement anticipé du prix d’acquisition de l’immeuble».

Dans la pratique, une banque peut acquérir auprès d’un tiers, la propriété d’un actif désigné par le client. Cet actif est mis à disposition du client en location-accession pour une période déterminée en contrepartie du versement de loyers périodiques fixes ou variables. Lesdits loyers comprennent une partie relative à la location et une autre correspondant au paiement du prix d’acquisition du bien. Une fois la durée du contrat écoulée et les engagements honorés de part et d’autre, le bien sera cédé par la banque au client. Sur le terrain, deux années sont passées depuis l’entrée en vigueur d’une exonération de la TVA en cas d’achat de logement social via un contrat Ijara dans le cadre de la loi de Finances 2019.

Pour l’expert en finance participative, Said Amaghdir, directeur général de Finances Value, «la problématique du produit IjaraMountahiaBitamlik résidait dans les similarités qu’il présentait avec la Mourabaha. Dans les clauses des contrats-types, le distinguo entre les deux produits n’était pratiquement pas perceptible, ce qui posait un risque juridique». Pour lui, «ce produit n’avait pas été suffisamment affiné auprès du Conseil supérieur des oulémas (CSO). Il fallait opérer un travail de fond pour rapprocher les principes d’Ijara et Tamlik dans le sens de la location et non de l’achat-vente comme pour Mourabaha». C’est pourquoi, dans la dernière mouture du contrat-type publiée en mai dernier par le CSO, le distinguo entre les deux modes de financement a été clairement établi. Pourtant le contrat-type Ijara Mountahia Bitamlik n’a pas encore été promulgué. Le CSO l’a transmis à Bank Al-Maghrib et aux banques. Le processus s’est arrêté là, les modèles de contrats étant toujours à l’étude au niveau de la banque centrale. Certains experts considèrent tout à fait réalisable le fait d’envisager une entrée en vigueur des dispositions réadaptées d’ici la fin de l’année. Les institutions financières seront-elles du même avis ?

Un soutien aux populations fragiles
Les chiffres de la CNSS nous apprennent que près de 2,2 millions de travailleurs de l’informel ne peuvent contracter de crédits bancaires immobiliers classiques. C’est pourquoi l’État a mis en place la garantie Fogarim, qui leur permet de s’endetter en garantissant aux banques 70% du montant du prêt. Les banques demandent au moins 50.000 DH d’apport initial aux clients, auquel il faut rajouter 20.000 DH de frais de transaction notariale. Seulement 3% de ces ménages disposent de cette épargne. «La location-accession répond à cette problématique. Elle permettra à ces ménages de devenir propriétaires car elle est moins contraignante et plus agile. Elle ne nécessite pas d’avance conséquente et les frais de notaire sont allégés», affirme un cadre bancaire. La relance du secteur dépendra en partie de la mise en place effective de cette solution, et de sa réussite. Car malgré le besoin en matière de logements abordables, dont témoigne le déficit qui atteint 700.000 unités, les promoteurs peinent à écouler leurs stocks. Ces derniers s’accumulent avec une production moyenne de seulement 120.000 logements par an.

Sanae Raqui / Les Inspirations Éco


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