Les syndicats sur des charbons ardents
Face à la ferme position des syndicats sur le dossier des augmentations salariales, la mission du gouvernement de réussir le dialogue social s’annonce complexe. À la veille de la finalisation du projet de loi de Finances, les centrales syndicales attendent le gouvernement de pied ferme.
Le prochain round du dialogue social ne s’annonce pas de tout repos pour l’Exécutif. Les syndicats affûtent leurs armes et ne sont visiblement pas prêts à faire des concessions sur le volet matériel, du moins pour le moment. «La balle est dans le camp du gouvernement», souligne aux Inspirations ÉCO Abdelkader Zair, secrétaire général adjoint de la Confédération démocratique du travail (CDT).
Alors que le gouvernement est en train de préparer le projet de loi de Finances au titre de 2019, les partenaires sociaux estiment que le moment est venu d’accorder les violons des trois parties du dialogue social et d’inscrire des mesures concrètes dans le prochain Budget. C’est d’ailleurs l’éternelle doléance des syndicats qui réclament la tenue des consultations avant la finalisation du projet de Budget. Le compte à rebours est enclenché. Après l’appel du souverain à réussir le dialogue social, le gouvernement se dit ouvert aux propositions syndicales. L’Exécutif est en train de réétudier le cahier revendicatif des syndicats afin de pouvoir relancer le dialogue sur de bonnes bases. Le porte-parole du gouvernement, Mustapha El Khalfi, a souligné la semaine dernière «la volonté de l’Exécutif de s’ouvrir encore plus sur les questions soulevées par les syndicats». Le gouvernement va-t-il satisfaire la principale requête syndicale ayant trait à une augmentation générale des salaires ? Rien n’est moins sûr. L’Exécutif continue toujours de brandir la carte de l’impératif de sauvegarde des équilibres macro-économiques. L’offre gouvernementale en avril dernier se chiffrait à 6 MMDH, alors que la satisfaction de l’ensemble des points des cahiers revendicatifs des syndicats nécessiterait un budget beaucoup plus grand. Trois scénarios ont été établis: le premier se chiffre à 28 MMDH, le deuxième à 14 MMDH et le troisième à 10 MMDH. Les discussions s’annoncent âpres avec les centrales syndicales qui ne sont pas prêtes à lâcher du lest sur le volet matériel. Toute concession en matière d’augmentation des salaires est exclue, selon la parlementaire au groupe de l’Istiqlal à la Chambre des conseillers et dirigeante à l’Union générale des travailleurs du Maroc (UGTM), Khadija Zoumi. De l’avis de cette syndicaliste, le gouvernement est appelé à innover et à créer des richesses et cesser de prétexter des contraintes financières. «Aucun dialogue n’est possible sans une augmentation salariale générale.
À cela s’ajoutent les autres dossiers en suspens», dit-elle. Les centrales syndicales campent ainsi sur leur position et exigent de relever les salaires de tous les fonctionnaires de 500 à 600 DH. Le gouvernement a proposé en avril une augmentation nette de 300 DH sur trois ans au profit des fonctionnaires classés dans les échelles de 6 à 10 (de l’échelon 1 à 5). Cette mesure, qui concerne 752.423 fonctionnaires dont 123.000 agents des collectivités territoriales, aura un impact financier de l’ordre de 3,826 MMDH dont 6,36 MDH pour les collectivités territoriales. Elle est jugée insuffisante pour les syndicalistes. Les prochains jours s’annoncent décisifs pour l’avenir du dialogue social. Cela fait sept ans qu’aucun accord tripartite n’a été conclu. Les négociations butent toujours sur le volet matériel. Le gouvernement espère avancer sur les autres points qui ne nécessitent pas un effort financier. Des dossiers épineux sont en effet sur la table des négociations. Il s’agit notamment de la réforme du statut général de la fonction publique, une patate chaude que les gouvernements successifs se refilent depuis de longues années. À cet égard, il est grand temps de surmonter les dysfonctionnements qui se sont accumulés à cause de la vision fragmentaire ayant marqué les précédents amendements du texte qui remonte à 1958. Un autre texte ne passera pas comme une lettre à la poste. Il s’agit du projet de loi relatif à l’organisation des syndicats, qui tarde à être placé dans le circuit législatif depuis le gouvernement de Abbas El Fassi et que le chef de l’Exécutif, Saâd-Eddine El Othmani, est déterminé à faire passer au cours de son mandat.
Code du travail : le bras de fer
La révision du Code du travail est également un point inscrit au menu du dialogue social. On s’attend à un bras de fer serré autour de ce dossier qui figure en tête des requêtes du patronat et qui est redouté par les syndicats. La CGEM aspire en effet à une flexibilité du marché du travail. Les syndicalistes se disent conscients des difficultés que vivent les entreprises, mais demandent à régler les véritables problématiques comme celle du secteur informel, que l’État doit accompagner pour qu’il puisse basculer dans l’économie formelle. Outre la réforme du Code du travail, la réflexion doit être engagée sur le projet de loi organique sur le droit de grève, bloqué dans les tiroirs de la Chambre des représentants depuis deux ans. Le gouvernement s’est engagé à négocier le texte dans le cadre du dialogue social avant de lancer son processus d’examen au sein de l’institution législative.