Les PPP, au cœur du modèle marocain de contractualisation mutualisée
Face aux enjeux de développement économique et à la nécessité de sécuriser son approvisionnement en eau, le Maroc a fait un choix stratégique en recourant à la contractualisation mutualisée et aux concessions de gestion déléguée. Un choix, basé sur des Partenariats public-privé, pour la réalisation de sa nouvelle génération d’unités de dessalement d’eau de mer.
Initiée par feu le Roi Hassan II, la politique de construction de barrages s’est poursuivie durant les 23 ans de règne du Roi Mohammed VI. Elle a même été élargie à d’autres ressources non conventionnelles. Il s’agit, en l’occurrence, du dessalement d’eau de mer afin de faire face au déficit hydrique généré par la succession de plusieurs années de sécheresse et qui s’est traduit par une baisse sensible tant de la nappe phréatique que des réserves des barrages.
Pour rappel, le nombre de ces derniers atteint actuellement 149 infrastructures avec la réalisation en cours de 20 nouveaux ouvrages, lesquels porteront la capacité de stockage du pays de 19 milliards de m3/an à 24 milliards. Par ailleurs, la politique de dessalement d’eau de mer, prônée ces dernières années, vise à réaliser 20 stations de dessalement à l’horizon 2030. Et ce n’est donc pas un hasard si les premières unités ont été lancées dans les provinces du Sud, notamment à Boujdour.
Cette unité avait été réalisée en 1976 par l’ONEE-Branche Eau, aussitôt après la Marche Verte. Actuellement, le nombre de ces ouvrages atteint six stations de dessalement, situées, respectivement, à Lâayoune, Boujdour, Es-Semara, Tarfaya, Tan-Tan et Akhfenir. D’autres structures, appartenant à la nouvelle génération d’unités de dessalement, sont prévus à Guelmim et Dakhla dans le cadre du Programme prioritaire national d’approvisionnement en eau potable et d’irrigation 2020-2027, destiné à l’eau potable et aux périmètres irrigués.
PPP, un montage institutionnel complexe
Face à ce qui constitue un enjeu de développement, et eu égard à l’importance des investissements requis, le Maroc a développé un montage institutionnel complexe de Partenariat public privé (PPP), conformément aux pratiques internationales portant sur des projets similaires. Fruit de la combinaison de deux projets de PPP, la première unité mutualisée de dessalement d’eau de mer, destinée à l’approvisionnent en eau potable et d’irrigation, a été réalisée dans la province de Chtouka Ait Baha, aux environs d’Agadir. Elle se caractérise par un couplage entre les énergies renouvelables et le dessalement d’eau mer, de manière à réduire le paramètre énergétique dans le dessalement au mètre cube. À cela s’ajoutent d’autres paramètres, notamment le recours aux dernières générations technologiques, à travers l’usage de l’osmose inverse et celui de systèmes complexes de captage d’eau de mer. D’un coût global de 4,48 MMDH, ce projet de PPP a nécessité 2,35 MMDH pour l’eau d’irrigation et 2,05 MMDH pour l’eau potable. Le contrat portant sur la construction, le financement, l’exploitation et la maintenance, d’une durée de 30 ans (construction incluse) a été attribué à deux filiales de la société espagnole Abengoa, selon le modèle «DBOT» (Design, Build, Operate, Transfer).
Contrat de concession avec gestion déléguée
Cette combinaison s’est traduite, pour le projet de l’AEP, par la conclusion d’un contrat de concession (convention de gestion déléguée d’eau potable et cahiers des charges) entre l’ONEE et son concessionnaire privé, la Société d’eau dessalée d’Agadir, filiale d’Abengaoa (SEDA). Pour l’irrigation, l’accord a été conclu entre le ministère de l’Agriculture et la société Aman El Baraka avec une convention de gestion déléguée entre celle-ci et l’ORMVA-Souss-Massa. Au total, la mutualisation des règles, droits et obligations de toutes les parties a concerné la construction de l’unité de dessalement et la production d’eau dessalée, dans le cadre d’un contrat de mutualisation. À noter que Aman El Baraka est rémunérée par une redevance d’irrigation recouvrée auprès des agriculteurs, sur la base des quantités d’eau consommée, à un tarif fixé par l’État (entre 5 DH HT et 5,4 DH TTC). Ce dernier est indexé sur l’évolution du niveau général des prix dans le pays. La société SEDA sera rémunérée, quant à elle, par une redevance d’eau potable, recouvrée auprès de l’ONEE, à la sortie de l’unité de dessalement. Par ailleurs, à la fin de la période de concession/délégation, les biens dits de «reprise», (génie civil, équipements…) ainsi que les ressources humaines seront transférés aux autorités concédantes, notamment l’ONEE-Branche eau et le ministère de l’Agriculture.
La loi 86-12 relative aux contrats de PPP
Le même montage institutionnel et contractuel sera adopté pour les futures unités de dessalement, notamment celles de Casablanca et de l’Oriental. Pour la première, six consortiums ont déjà manifesté leur intérêt. Le mode de passation sera basé sur le dialogue compétitif pour la conclusion du contrat PPP en vue de la conception, le financement, la réalisation et l’exploitation de la station de cette unité, comme prévu par la loi n° 86-12 promulguée par le dahir n° 1-14-192 du 24 décembre 2014 relative aux contrats de PPP et son décret d’application n° 2-15-45 du 13 mai 2015, tel que modifié et complété. S’agissant de la station de l’Oriental, l’option PPP est aussi fortement préconisée. Actuellement, les études de faisabilité ont été adjugées à hauteur de 12,5 MDH. L’une des missions du groupement retenu porte sur l’étude d’évaluation préalable et la mise en place du projet en PPP. Si cette option est jugée la mieux adaptée, le prestataire devra également assister et accompagner le maître d’ouvrage depuis la préparation du dossier de consultation des entreprises et des documents contractuels jusqu’à la passation du contrat.
Yassine Saber / Les Inspirations ÉCO