Les Palestiniens qui défient les frontières en musique
Quatre palestiniens dans le vent, deux réfugiés de Jordanie, un du nord de la Palestine, aujourd’hui Israël et le dernier, né à Washington aux États-Unis, portent le poids de l’histoire, de la mémoire volée, du chaos. Ils mixent subtilement la musique traditionnelle palestinienne à l’électro hip hop en faisant danser les foules sur des textes engagés. Rencontre avec un groupe qui fait tomber les frontières à coup de musique électronique et de Dabke.
Leur musique transporte dans un ailleurs que nous semblons tous avoir en commun, leur énergie débordante est contagieuse et ils feraient danser même les plus réfractaires. Le groupe 47 Soul, né il y a peine 3 ans grâce à la toile, chante des messages engagés sur la Dabke, danse et joue des airs de musique traditionnelle des pays du levant subtilement mélangés à de la musique électronique et du hip hop. Des platines aux boîtes à rythmes en passant par le mejwez ; cet instrument à vent palestinien, les 47 Soul ne passent pas inaperçus et font le tour du monde avec leur musique. C’est l’histoire de quatre Palestiniens aux carrières solo bien entamées qui décident de se rassembler autour d’une cause : cette volonté d’abolir les frontières, de créer un monde où il est possible de circuler librement. Quatre passionnés et écorchés vifs, qui chacun de leur côté œuvrent pour un monde meilleur et s’apprêtent à mettre leur magie en commun pour la faire voyager au plus loin.
C’est comme cela que Walaa Sbait, activiste de théâtre de quartier à Jaffa, Tarek alias el Far3i, qui mélange poésie et hip hop dans des vidéos qu’il poste depuis Ramallah, Ramzi alias Z the People, qui fait de même depuis Washington et Hamza alias El Jehaz, déjà producteur reconnu de la scène alternative jordanienne se donnent rendez-vous sur le web pour créer : 47 Soul, l’âme des 47 dernières années où le peuple palestinien pouvait circuler librement. «Ce que nous écrivons représente ce que nous sommes et ce que nous avons vécu. La Palestine et tout ce qu’elle représente dans le monde, tout ce qui implique d’être Palestinien fait que ne pouvons difficilement pas ne pas écrire des chansons non engagées. C’est venu naturellement. Hamza ne peut pas aller chez Walaa ou Tarik, Tarik ne peut aller que d’un coté de la Palestine : «J’ai un passeport américain mais j’ai quand même été rejeté, vu mes origines palestiniennes. Nous sommes les chanceux, ceux qui peuvent voyager grâce à la musique. Mes petits cousins vivent à quelques km de Jérusalem, ils n’y sont jamais allés. Nous nous devons d’être les ambassadeurs de ces gens-là et dire haut et fort leur message», confie Ramzi qui avoue que chacune des influences des membres du groupe, du reggae au rap en passant par la soul ou la musique traditionnelle, a rendu le travail du groupe, presque facile, voire fluide.
«Nous mélangeons deux langues, l’arabe et l’anglais, sans rien perdre puisque tout le monde nous comprend. Et des fois, on n’a même plus besoin de comprendre les paroles, on suit l’énergie, la sincérité de la musique. À la fin de la journée on fait de la «danse music», on fait danser les gens», continue la même source. Le groupe qui vit à Londres pour continuer son combat musical, s’étonne des fois d’être suivi par des fans qui n’ont rien à voir avec leur culture. Comme si la musique n’avait pas de frontières. Cependant, 47 Soul persiste et signe ; même la musique parfois peut imposer ses frontières. Les membres du groupe trouvent des difficultés à se déplacer dans le monde de part leur origine. Ils sont même obligés d’improviser des concerts à trois si l’un d’entre eux est mis à l’écart. «On utilise l’anglais également pour confronter l’Occident à cette réalité, pour lui rappeler cette dure réalité qui est la nôtre ! Leur dire que nous sommes là et faire que nos voix soient entendues dans cette langue, cette culture, ce pays qui fait peur, cette civilisation qu’ils veulent détruire. C’est un message global pour nous faire comprendre par tous !». Et ils se font comprendre. Plein de talents et d’énergie positive, le groupe 47 Soul, malgré le poids de la mémoire n’est pas défaitiste ou haineux. Bien au contraire. Leur musique, qui sait toucher les âmes, est porteuse d’un message d’espoir que l’on intègre malgré nous, en dansant frénétiquement sur la danse de ceux qui se sont battus pour vivre, pour être, pour exister. Pour ne pas les oublier.