Les économistes istiqlaliens tirent à boulets rouges sur le gouvernement
L’Alliance des économistes istiqlaliens (AEI) a ouvert le débat sur la gestion de la Covid-19 par le gouvernement. Rien de nouveau sous le soleil ou presque, mais cette nouvelle charge de l’alliance a le mérite d’être sans langue de bois.
Feu à volonté. «L’AEI constate avec inquiétude que le gouvernement ne réagit pas avec la vigueur et le volontarisme nécessaires pour endiguer la crise sans précédent que traverse le Maroc», déclarent les spécialistes istiqlaliens pour qui, «face à cette crise sans précédent, le gouvernement ne rassure pas». Et ce n’est pas la dernière salve de l’Alliance des économistes istiqlaliens qui ne cache pas sa déception dans la continuité de la politique adoptée par la loi de Finances rectificative 2020.
Dans ce sillage, les économistes proches de l’opposition n’apprécient pas du tout les coupes budgétaires conséquentes annoncées dans la lettre de cadrage pour la préparation du projet de loi de Finances 2021. «Attendu sur une politique économique contracyclique vigoureuse et la mobilisation des moyens qu’exige une telle situation, le gouvernement n’annonce, in fine, que 20 MMDH d’engagements budgétaires directs», fustigent-ils dans un long communiqué de quatre pages. Pis encore, alors que le Maroc fait face à une crise économique et sociale «sans précédent», marquée par la dégradation de la situation des ménages et du pouvoir d’achat, le recul de la demande adressée au royaume, l’ascension fulgurante du chômage et la fermeture de milliers d’entreprises, notamment des PME/TPE, «le gouvernement s’en tient à une logique qui ne permet ni de dépasser la crise, ni de préserver les équilibres des comptes publics». L’AEI accuse ce dernier de refuser la main tendue d’institutions internationales telles que le FMI qui «appelle à intensifier le soutien à la relance et propose de nouvelles lignes de financement et des échéances de remboursement soutenables». Or, une telle approche, poursuit l’AEI, risque d’amener le gouvernement à emprunter «dans des conditions de plus en plus difficiles, pour répondre à une dégradation socio-économique prévisible qu’il pourrait, en agissant de manière proactive et volontariste, contribuer à atténuer, voire à dépasser plus rapidement».
Un plan, trois axes
Mais il y a une lueur d’espoir ou, du moins, tout n’est pas encore perdu, semble croire l’alliance qui veut miser sur un «plan de relance vigoureux» s’articulant autour de trois grands axes. Il s’agit, pour le premier, de sauvegarder les entreprises et de préserver les emplois en privilégiant l’investissement public, productif et générateur d’emplois, principalement via l’investissement de l’État, des collectivités locales et des entreprises publiques dans des projets directement productifs de valeur et créateurs d’emplois durables. Il est également question de soutenir les entreprises et secteurs en difficulté à travers des exonérations et/ou amnisties, le cas échéant, de tout droit et taxe, des apports des associés pour augmenter les fonds propres de leurs entreprises, tout en accélérant le processus d’attribution du statut d’auto-entrepreneur, permettant à ces derniers d’embaucher des apprentis. Pour le deuxième axe, il est principalement question de protéger le pouvoir d’achat des citoyens et de lancer «au plus vite» les outils de la couverture sociale généralisée, en adoptant les actions urgentes nécessaires.
Par ailleurs, l’AEI préconise la déduction, de la base imposable au titre de l’IR, des dépenses destinées à l’éducation des enfants, ainsi que l’exonération de la TVA de toutes les dépenses de santé (actes médicaux et médicaments éligibles à l’AMO), notamment ceux concernant le traitement des maladies chroniques. Enfin, pour le dernier axe, l’AEI propose d’entamer «la nécessaire transition écologique» aux niveaux national, régional et local en réservant une part «significative des investissements publics» à des secteurs ayant un effet d’entraînement économique, social et environnemental immédiat. Dans la même perspective, l’alliance recommande la mise en œuvre, dans les délais programmés, du plan d’urgence d’approvisionnement en eau potable et d’irrigation 2020-2027, doté d’un budget de 115 MMDH, entre autres propositions allant dans le sens de la revalorisation des conditions de travail et de rémunération des personnels de santé, la consolidation de la confiance et la finance de la relance, ainsi que l’amélioration de l’environnement des affaires pour donner une meilleure visibilité aux acteurs économiques nationaux et aux investisseurs.
Khadim Mbaye / Les Inspirations Éco