Leadership et gouvernance : Le souverain appelle à la mise en place d’un modèle africain
Dans son message adressé aux participants au «Governance Week-end 2017», organisé par la Fondation Mo Ibrahim, le roi Mohammed VI a insisté sur l’importance pour les pays africains de trouver leur propre voie concernant les pratiques de gouvernance et de leadership et de ne pas se suffire de suivre les modèles étrangers. Le souverain a également appelé à organiser et harmoniser les nouvelles règles de conduites adoptés par les pays du continent.
«L’Afrique ne constitue nullement une menace. Ni pour elle-même, ni pour les autres», le message du roi Mohammed VI aux participants au «Governance Week-end» de la Fondation Mo Ibrahim qui s’est tenu à Marrakech (du 6 au 9 avril) s’est voulu limpide. Le souverain a mis en avant les grandes opportunités en matière de développement durable et de ressources dont regorge le continent qui n’attendent que leur juste et nécessaire valorisation. «De ce point de vue, l’ancrage d’une bonne gouvernance dans le fonctionnement de nos institutions, nos économies et nos sociétés n’est globalement pas encore assuré. S’agit-il, pour autant, d’une fatalité qui consacrerait l’afro-pessimisme encore ambiant ? Loin s’en faut», souligne le roi Mohammed VI, dans une lettre dont lecture a été faite par le conseiller André Azoulay samedi dernier à Marrakech.
Prise de conscience
Le souverain a d’ailleurs partagé dans ce sens sa vision concernant l’avenir de la gouvernance africaine rappelant à ce titre la prise de conscience collective d’insuffisances et de déficits en matière de gouvernance sur le plan continental. Le roi a défendu la forte et sincère volonté qui anime les nouvelles élites africaines, politiques, économiques et associatives, de plus en plus à l’écoute des attentes légitimes des populations. La lettre royale est d’ailleurs revenue sur les avancées considérables réalisées par les pays africains dans ce cadre, soulignant que «de nouvelles règles de conduite ont été introduites, à l’initiative non seulement, des gouvernements, mais aussi des collectivités territoriales et des sociétés civiles. Ce mouvement inéluctable est destiné à s’amplifier à tous les échelons, local, national, régional et continental. Il importe désormais de l’organiser dans la cohérence et la synergie».
La voie africaine
Le roi Mohammed VI a également insisté, dans sa lettre, sur l’importance pour les pays du continent de trouver leur propre voie et ne pas se suffire de suivre les modèles de gouvernance établis par d’autres pays. «Ces modèles pourraient, en revanche, être utilement adaptés et ajustés au contexte africain afin de leur assurer pertinence opérationnelle et appropriation collective», précise le souverain, estimant que l’Afrique dispose de ses propres instruments authentiques de solidarité et des pratiques ancestrales qu’il serait injuste d’ignorer, mais qu’il suffirait de moderniser et d’amender. «L’Afrique est capable, aujourd’hui, d’imaginer, par elle-même et pour elle-même, des règles de conduite et des schémas organisationnels novateurs», peut-on lire dans la lettre royale. Le roi souligne que d’importantes initiatives marocaines attestent du potentiel de succès d’une telle démarche à l’instar de la réforme structurante de régionalisation avancée, la mise au point de schémas de financement innovant, destinés à réaliser des projets phares, l’instauration d’un fonds souverain permettant la participation directe d’investissements souverains internationaux aux stratégies nationales de développement ou encore l’action citoyenne et volontaire de plusieurs grandes entreprises publiques pour allier le développement économique et les réalisations à fort impact social et local.
Éloge de la coopération Sud-Sud
La lettre royale s’est également voulu un éloge à la coopération Sud-Sud qui permet aux efforts entrepris, à l’échelle nationale, d’être valorisés dès lors qu’ils sont mutualisés, dans le cadre de coopérations régionales et continentales. Une philosophie que le royaume a développée depuis plusieurs années avec ses partenaires africains et qu’il s’agit aujourd’hui de pousser plus loin avec le retour du Maroc à l’Union africaine et sa prochaine adhésion à la CEDEAO. À ce titre, le souverain a précisé que «toute tentation d’exercer un leadership national en Afrique est vouée à l’échec. Cette vision doit définitivement s’éclipser au bénéfice de la promotion des intérêts communs, de l’effort collectif et du partenariat gagnant-gagnant». Bien que les réalités africaines soient différenciées selon les régions, les climats et les ressources, les défis et les ambitions affrontés demeurent les mêmes aux yeux du royaume. «Unis et solidaires, nous gagnerons la bataille du développement inclusif. À défaut, nous continuerons d’agir, avec plus ou moins de succès, au sein de nos frontières nationales, sans jamais affronter les défis qu’ensemble, nous pourrions relever, sans jamais bénéficier des fruits additionnels et indispensables d’une co-émergence durable», précise la lettre royale.
Youssef Amrani
Conseiller au cabinet royal
Le message de sa majesté est clair. Nous devons travailler ensemble au sein de notre continent. Il faut que l’Afrique se prenne en charge. La gouvernance africaine et le rôle de la jeunesse doivent être des aspects primordiaux. Le message a été bien reçu par les participants. C’est un message qui parle de vivre ensemble, de travail commun et qui trace des perspectives prometteuses pour le continent.
Mo Ibrahim
Président de la Fondation Mo Ibrahim
À travers l’indice sur la gouvernance que nous avons développée, et qui regroupe pas moins de 100 indicateurs, notre objectif est de susciter un débat et des discussions sur une base de données tangible et des faits. L’indice jauge des questions particulières comme la règle de droit, la sécurité des citoyens, l’environnement équitable, l’éducation, le système de santé et le respect des droits et de la dignité des citoyens.
Nathalie Delapalme
Directrice exécutive chargée de la recherche et des politiques publiques à la Fondation Mo Ibrahim
Le Maroc est un grand exemple de leadership et de gouvernance sur le continent africain. Cette année revêt une importance particulière pour le royaume qui vient de rejoindre l’Union et la famille africaines. L’édition de cette année qui se tient au Maroc se distingue par rapport aux éditions précédentes, puisque la fondation célèbre son 10e anniversaire».