Maroc

Le Sultan Abd Al-Malik, le Cavalier de la gloire

La grande victoire de la bataille des Trois rois reste communément attachée au personnage d’Ahmad Al Mansour (le Victorieux) qui en a tiré toute sa gloire.
 
Mais bien que le sultan Al Mansour ait été pour beaucoup dans cette victoire, la bataille des Trois rois est en vérité la consécration du long périple du frère d’Al Mansour, le sultan Abd al-Malik. Un périple entamé en tant que jeune prince fuyant pour sa vie, puis bouclé en tant que sauveteur du Maroc de l’avidité expansionniste ibère.
 
Une histoire intense qui fût d’ailleurs immortalisée par le cinéma dans « Les Cavaliers de la gloire » de Souheil Ben Barka. 
 
Cette longue odyssée commence lorsqu’Abd al-Malik, alors prince saadien, fuit les assassins de son frère Abdallah Al-Ghalib. En effet, après l’assassinat de leur père, Mohammed Ash-Sheikh par les Ottomans en 1557, Al-Ghalib prit le trône et décida d’éliminer ses autres frères dans le processus. Abd al-Malik a dû alors fuir le Maroc avec son frère aîné Abdelmoumen et le cadet, Ahmed.
Abd al-Malik a passé 17 ans dans l’Empire ottoman avec ses frères, la plupart du temps en Algérie, bénéficiant d’une formation guerrière et de contacts avec la culture ottomane.
Durant ces années, il effectua plusieurs voyages vers Istanbul. Entre autres en juillet 1571 lorsque le 7 octobre de cette année, il participait avec son frère Ahmed à la bataille de Lépante du côté ottoman. Il fut capturé pendant cette bataille et transporté en Espagne puis amené devant le roi espagnol Philippe II lequel décide, sur avis d’Andrea Gasparo Corso, de le garder captif dans la possession espagnole d’Oran, afin de l’utiliser à chaque occasion.
 
Abd al-Malik réussit cependant à s’échapper d’Oran en 1573 et revint dans l’Empire ottoman.
 
 
En janvier 1574, alors qu’il se trouvait à Istanbul, sa vie fut sauvée d’une épidémie par le médecin français, Guillaume Bérard. Les deux hommes devinrent ensuite amis.
Quand Abd al-Malik devient sultan, il demande à Henri III de France que Guillaume Bérard soit nommé consul de France au Maroc.
 
En 1574 toujours, guerrier infatigable, il est l’un des meneurs de la conquête de Tunis par les Ottomans. Suite à ce succès, il se rendit à nouveau à Istanbul et obtint du nouveau souverain ottoman, Murad III, un accord pour l’aider militairement à reconquérir le trône marocain.
Avec l’aide des Turcs, il marche sur le Maroc à la tête d’une armée de 10.000 soldats dépêchée d’Alger en 1576. Et il réussit à s’emparer de Fès cette année-là.
Au cours de la période suivante, il tenta de relancer le commerce avec l’Europe et surtout l’Angleterre, en nouant une alliance anglo-marocaine avec Elizabeth I.
 
Abd Al-Malik est alors dans la force de l’âge «beau de visage par-dessus sa Nation», dira de lui Agrippa d’Aubigné. Bien constitué, il cultive sa force physique par un entraînement continu, tir à l’arc sans flèches, escarmouches avec ses gentilshommes, manœuvres nautiques, etc.
À son intérêt pour l’activité physique s’ajoutent ses talents de linguiste, parlant l’espagnol, l’italien et le turc, lui donnant ainsi accès aux grandes cultures du siècle de la renaissance. L’écrivain et poète Agrippa d’Aubigné dira de lui : «Si bien qu’on eut dit en France qu’il en savait trop pour un gentilhomme, et à plus forte raison pour un roi». 
Après avoir perdu le trône, le sultan évincé Abou Abdallah Mohammed II avait réussi à s’enfuir au Portugal, et a pu convaincre le roi Sébastien de lancer une campagne militaire contre le Maroc. La campagne se solda par un échec cuisant après leur défaite à la bataille de Ksar El Kebir en 1578.
 
La bataille se termina après presque quatre heures de violents combats et aboutit à la défaite totale de l’armée portugaise et de celle d’Abou Abdallah, avec 8.000 morts, y compris presque toute la noblesse du Portugal et de 15.000 prisonniers. Peut-être que seuls 100 survivants se sont échappés à la côte. Le corps du roi Sébastien, qui a mené une charge au milieu de l’ennemi a été découpé et n’a jamais été retrouvé.
 
Le sultan Abd al-Malik mourut également pendant la bataille, mais de causes naturelles. «Cet effort acheva d’accabler ce peu de force qui lui restait. On le recoucha. Lui, se ressuscitant comme en sursaut de cette pâmoison, toute autre faculté lui défaillant, pour avertir qu’on taise sa mort…et expira maintenant le doigt contre sa bouche, signe ordinaire de faire silence».
 
Son dernier mot «marcher en avant», c’est ainsi que Montaigne décrit la mort d’Abd Al-Malik, rendant hommage à son courage.
La nouvelle fut dissimulée à ses troupes jusqu’à la victoire absolue. Abu Abdallah a tenté de s’enfuir mais s’est noyé dans la rivière. Pour cette raison, la bataille était connue au Maroc sous le nom de la Bataille des Trois Rois.
Quelques jours après, il est enterré à Fès, en martyr, avec sa litière, son costume, ses armes et ses bannières. Son corps fut porté par les oulémas de la ville. Un historien dira de lui : « Quand on pense à ce qu’était le Maroc à l’arrivée d’Abd al-Malik, et ce qu’il est devenu en moins de trois ans de règne de ce souverain, on ne peut s’empêcher de croire que la providence l’a envoyé sur cette terre pour y mettre de l’ordre…et partir ».
 


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