Maroc

«Le leadership consiste à apporter le meilleur service possible dans son domaine avec exigence et humilité»

Éric Hubler : Conférencier spécialiste de l’Aïkido management

Les Inspirations ÉCO : Dans les pratiques de management, on parle beaucoup de leadership. Comment se construit-il concrètement ?
Éric Hubler : Chez certains, le leadership paraît tout ce qu’il y a de plus naturel. Chez d’autres, il nécessite un important travail sur soi en termes de savoir-faire mais surtout et avant tout, de savoir-être. Cela en vaut toujours la peine. Classiquement, le leader est ce qui«conduit», qui guide, inspiré par une vision qu’il sait transmettre aux autres. Il sait le faire car il est porté par ses propres valeurs et convictions qui sont suffisamment fortes pour toucher et inspirer les autres (les équipes, les clients, les partenaires, les foules, etc.). Il est inspiré et inspirant, d’abord parce qu’il est authentique et qu’au-delà de la tête, c’est au cœur qu’il s’adresse. Il y a beaucoup de force intérieure chez le leader, une force qui n’exclue pas la vulnérabilité mais une force d’humanité, d’audace et d’endurance qui le pousse à toujours aller de l’avant dans le combat qu’il mène. À mon sens, construire son leadership nécessite d’abord de se regarder en face, sans détour, pour prendre plusieurs décisions engageantes, à savoir celle de ne plus mentir, ni à soi-même, ni aux autres, celle d’ouvrir son cœur pour se laisser guider par ses rêves et ses intuitions et les partager avec les autres (développer une forme «d’idéalisme pragmatique») ou encore celle de tout mettre en œuvre pour apporter le meilleur service possible dans le domaine qui est le sien, avec exigence et humilité. Il y aussi la décision d’aider les autres à grandir pour contribuer à leur propre développement personnel et professionnel, en favorisant la confiance et l’autonomie. Le leader est aussi un créateur d’autres leaders. Avant la maîtrise de techniques, bien qu’essentielles pour réussir, ce sont les valeurs humaines qui caractérisent un leader. Pour qu’il puisse inspirer cette confiance, il faut qu’il en soit lui-même doté. Confiance en lui, en ses idées, en ses projets. C’est un travail de tous les instants qui suppose de faire de son mieux, en acceptant aussi de ne pas être parfait car personne ne l’est.

Comment un manager peut-il faire bénéficier ses collaborateurs et l’entreprise de son leadership ?
Si je devais répondre par la négative, je dirais, surtout pas en se prévalant de ses titres ou de sa position. C’est pourtant, malheureusement, ce que beaucoup de managers font trop souvent, se coupant ainsi des autres en les crispant pour de mauvaises raisons. Un titre n’est qu’un titre, mais ne fait pas la valeur d’une personne. C’est pourquoi j’évoquais précédemment l’humilité, qui est une immense force et une preuve de maturité. Pour faire bénéficier les autres de son leadership, le leader doit donc développer une forme d’«exigence bienveillante», qui permet aux collaborateurs et à l’entreprise de répondre aux impératifs du marché (par l’exigence, donc le souci du détail, la qualité…) et ceci dans le respect et la motivation (par la bienveillance, la douceur, le partage). Il doit donc faire preuve d’une part de clarté et de cohérence dans le cap qu’il fixe et les moyens qu’il met à disposition des équipes, et d’autre part d’écoute et d’exemplarité dans sa façon de communiquer avec elles.

Vous êtes un spécialiste de l’Aikido management. Ce concept est encore très peu connu au Maroc. En quoi consiste-il ?
J’ai conçu la méthode Aïkido management il y a plus de dix ans à partir d’une conviction profonde : celle que les arts martiaux et plus particulièrement l’Aïkido (qui signifie en japonais «la voie de l’harmonisation des énergies»), offrent de formidables clés de lecture pour l’exercice du leadership, tous domaines confondus. Je pratique les arts martiaux (judo, tai-chi, aïkido) depuis plus de 40 ans et j’ai énormément appris sur moi-même et sur les autres à travers ces pratiques. Le concept est fondé sur une élévation progressive des potentiels en agissant sur 3 dimensions inspirées du mot «Aïkido» : Ki : l’énergie, donc apprendre à se centrer et se renforcer en tant qu’individus, en tant qu’équipes et en tant qu’organisation, Aï : l’harmonisation, donc créer les conditions de l’harmonie au sein et à l’extérieur de l’entreprise, développer sa fluidité à l’égard des personnes et des situations et Do : la voie, donc progresser chaque jour pour tendre vers l’excellence avec l’esprit d’apprentis permanents, tant sur le plan opérationnel par l’efficience que sur le plan éthique par les valeurs et comportements.

Quels effets ce concept a-t-il sur l’entreprise et la productivité ?
Aïkido management est une méthode qui crée les conditions idoines à la performance individuelle et collective dans la durée. Les retours d’expériences montrent que le changement de climat et de relations au sein de la direction, du management et des équipes libère les énergies, augmente la confiance et l’engagement, crée de la cohésion. Cela se ressent nettement dans la manière d’aborder sa mission et son travail au quotidien, de conduire les projets ensemble, de surmonter les épreuves, de négocier en interne comme en externe, d’entretenir la relation client, pour ne citer que quelques exemples. Lorsqu’une entreprise s’engage avec authenticité et sérieux dans la démarche, les résultats ne tardent pas à se faire ressentir, tant au plan humain que financier, pour le bien de tous.

Ce concept prend de plus en plus d’ampleur dans le monde. Quel potentiel peut-il présenter pour les entreprises marocaines ?
Comme partout ailleurs, il peut les aider à se recentrer sur l’essentiel de leur mission, à renouer avec les résultats ou à les développer encore davantage, à améliorer la qualité de vie au travail, à partir du moment où les dirigeants acceptent de s’investir personnellement dans la démarche en apportant leur soutien aux managers et aux équipes. Plus les individus et plus les équipes seront équilibrés, plus ils seront forts et sauront s’adapter à toutes les situations, aussi complexes soient-elles. À partir de là, c’est un nouveau paradigme qui s’offre à l’entreprise et tous les possibles sont alors permis. 



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