Maroc

La crise maroco-espagnole impactera-t-elle le monde des affaires?

Les relations diplomatiques entre le Maroc et l’Espagne traversent une zone de fortes turbulences. Le volet économique sera certainement impacté, affectant l’élan dynamique qui a imprégné les liens économiques et commerciaux durant cette décennie.

Nul besoin d’être un expert des relations internationales pour comprendre qu’entre Rabat et Madrid, la situation est plus que tendue. Seulement, contrairement à d’autres bisbilles diplomatiques, cette colère marocaine n’est pas sans conséquences sur des plans autres que celui diplomatique.

«Ce qui s’est passé récemment, et plus particulièrement la semaine dernière, est un retour à la case départ dans les relations bilatérales», nous souffle ce diplomate aujourd’hui à la retraite.

C’est donc l’incertitude totale dans les milieux économiques et d’affaires maroco-espagnols. La crise sans précédent entre le Maroc et l’Espagne affecte indéniablement l’ensemble des domaines de coopération. Et, bien entendu, le volet économique serait l’un des dossiers les plus touchés par cette tension. Notons que depuis que les relations diplomatiques et bilatérales ont commencé à connaître un réchauffement soutenu, c’est l’activité économique qui a récolté les fruits de ce rapprochement.

En peu de temps, en effet, et en grande partie grâce à cette prédisposition favorable de la part des autorités marocaines, l’Espagne s’est propulsée au rang de premier partenaire commercial du Maroc, avec des échanges de plus 142 MMDH. Cette dynamique a débuté en 2013, sous l’impulsion des gouvernements marocain et espagnol. Depuis, ce trend haussier, favorisé par le bon climat bilatéral et les marques de courtoisie et de bon voisinage que manifestait chacun des pays pour l’autre, s’est consolidé au fil des ans. Le taux de croissance des échanges a connu un vrai bond en enregistrant une performance annuelle de 10% durant les dernières années.

L’Espagne est, de fait, reçoit 33% des exportations marocaines destinées au marché communautaire, se positionnant, par ailleurs, comme partenaire stratégique du royaume et premier client et fournisseur, quoique les IDE demeurent timides. Autre preuve que le volet économique n’était en rien secondaire jusqu’à présent dans les relations bilatérales: les visites des souverains espagnols étaient toujours accompagnées de rendez-vous économiques de haute importance.

Et il était prévu que les flux commerciaux dépassent, en 2025, 24 milliards d’euros, contre 12 milliards en 2019. En somme, les entreprises espagnoles ont commencé à asseoir leur présence depuis que les deux pays ont enterré la hache de guerre, privilégiant le dialogue et l’échange. Or, l’actuel gouvernement de coalition en Espagne ne montre aucun signe de repentance vis-à-vis de son acte déloyal envers le Maroc.

Tout au contraire, elle s’entête à estimer qu’elle n’est en rien fautive, ce qui risque de crisper davantage le climat. Seule la droite espagnole tente de raisonner le cabinet de Pedro Sanchez en parlant de «bataille perdue» avec le voisin, comme l’a résumé cet éditorialiste espagnol du journal La Razon. En somme, l’Espagne doit plus que tout faire profil bas et laisser passer la tempête, a-t-il plaidé.

Même le patronat marocain n’est pas resté indifférent à ce dossier. «L’attitude de l’Espagne à l’égard de l’intégrité territoriale du Maroc est incompatible avec le partenariat économique auquel aspirent les opérateurs privés des deux pays», avait écrit dans un tweet Chakib Alj, président de la Confédération générale des entreprises du Maroc (CGEM), à propos du partenariat économique et commercial maroco-espagnol.

Pour l’heure, des retombées sont déjà attendues, à commencer par la suspension des réunions techniques entre les deux pays, comme l’a confirmé le journal madrilène El Pais, le média-confessionnal élu par l’Exécutif espagnol pour communiquer avec les autorités marocaines. Il n’est certainement pas non plus question d’envisager la tenue de la fameuse réunion de haut niveau entre les deux pays.

Cette rencontre reportée sine die en décembre dernier, n’aura certainement pas lieu tant que les choses ne seront pas rentrées dans l’ordre. En somme, pas avant un grand geste de la part des autorités espagnoles pour rétablir la confiance ébranlée. En revanche, quelques sujets pourraient amener les deux parties à échanger, ou à coordonner des actions. Parmi eux, figure le dossier des saisonnières marocaines, appelées à reprendre le chemin du retour à partir de juillet prochain. 180 journalières attendent aujourd’hui la date de leur rapatriement.

Le Maroc s’est montré coopératif durant la phase aller et rien ne l’empêchera de continuer sur cette même ligne durant la phase de retour. Il reste aussi le dossier non moins important de l’opération Marhaba. Pour l’heure, les traversées via les ports espagnols sont suspendues par le Maroc, en raison des conditions sanitaires. Pour les établissements portuaires espagnols, il s’agirait d’un grand manque à gagner si le royaume renouvelait cette suspension.

Amal Baba Ali, DNC à Séville / Les Inspirations Éco



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