L’urgence d’une révolution générationnelle
Malgré le lancement de plusieurs initiatives gouvernementales, le malaise reste vivace chez les jeunes. Une dynamique royale intensive a poussé le gouvernement à revoir ses priorités dans l’élaboration de la nouvelle loi de Finances.
Les partis politiques se doivent d’attirer de nouvelles élites et inciter les jeunes à s’engager dans l’action politique, les générations d’aujourd’hui étant les mieux placées pour connaître les problèmes et les nécessités de leur époque. Le ton est donné. Dans son dernier discours du Trône, le souverain a insisté sur la nécessité de bouleverser le paradigme générationnel afin de rendre effective toute politique réformatrice. Dans la foulée, la note de cadrage envoyée par le chef de gouvernement aux ministres, en préparation du projet de loi de Finances, a fait la part belle aux jeunes, notamment dans l’extra-urbain, avec comme cadre le nouveau Conseil consultatif pour la jeunesse et l’action sociale.
L’Exécutif veut ainsi faire participer les 18-35 ans à l’élaboration des politiques publiques en favorisant le dialogue avec la société civile. Cette dernière est d’ailleurs le terrain de jeu de prédilection de cette tranche d’âge, selon le dernier rapport du Conseil économique, social et environnemental. Dans son dernier diagnostic, il fait état d’une situation critique de la jeunesse marocaine, en proie au décrochage et aux déperditions scolaires, aux inégalités entre offres publique et privée, et d’une orientation vers des études qui ne leur permettent pas d’acquérir des connaissances en vue de préparer leur avenir, qui continuent à constituer des entraves au droit à l’éducation pour tous et à toutes les échelles territoriales. En matière de santé, en plus des disparités dans l’accès aux soins de base et à des soins de santé de qualité, des préoccupations majeures persistent, s’agissant notamment de certains fléaux parmi lesquels on cite «l’addiction aux drogues, le tabagisme, le suicide… mais aussi celui de la santé mentale qui demeure un véritable problème de santé publique».
Pourtant, le royaume a adopté des approches parallèles de coordination des initiatives en faveur de la jeunesse: plusieurs actions s’inscrivent dans le cadre du Programme du gouvernement 2016-2021, dont le portage serait assuré par différentes institutions (tutelle ou autre département ministériel). Parmi celles-ci, il est notamment prévu la réalisation et la mise en œuvre d’une stratégie nationale intégrée destinée aux jeunes. Cette nouvelle initiative se fonde sur trois principes directeurs, à savoir la participation effective des jeunes à la prise de décision, l’équité et l’égalité des chances entre les jeunes citoyennes et citoyens et une gouvernance cohérente et intégrée aux niveaux national et territorial en faveur de la jeunesse. Mais le malaise est toujours vivace, et transversal.
En effet, les différentes études nationales et internationales montrent que les maux dont souffre la jeunesse ne touchent pas tous les jeunes de la même façon. En effet, les inégalités relatives au genre et au milieu de résidence (rural, urbain et périurbain) continuent de constituer des problématiques majeures. De plus, les discriminations de «genre» en termes de salaires restent importantes. Ce constat relève également des défaillances en termes de gouvernance et la persistance des normes sociales traditionnelles, qui continuent de contrarier l’intégration économique des Marocaines. En dépit des efforts entrepris dans le sens de l’élimination des écarts entre sexes, notamment en milieu rural, l’accès des filles à la scolarisation et l’égalité de chances entre garçons et filles restent difficiles à réaliser. À cela s’ajoutent plusieurs autres contraintes comme l’ancrage des stéréotypes négatifs, les discriminations et violences fondées sur le genre ou encore la précarité économique des femmes. Des actions sont à mener dans ce sens en vue de corriger ces défaillances, abordées sous l’angle de l’analyse de genre (division sexuelle des rôles et statuts spécifiques à chaque sexe) et de la dimension géographique. L’accès difficile à l’emploi, l’emploi informel, les conditions de travail précaires, la faible participation à la vie sociale et civique et la pauvreté, entre autres, affectent davantage les jeunes de faible niveau d’instruction, les jeunes en milieu rural, ainsi que les jeunes filles, qui souffrent en plus d’entraves à la jouissance de leurs droits fondamentaux (mariages précoces, petites bonnes…). Autant dire que les autorités, autant que les opérateurs économiques, la société civile ou les partis politiques, ont aujourd’hui un défi de taille à relever. Une mobilisation nationale est donc souhaitée dans les plus hautes sphères de l’État afin de désamorcer la bombe sociale qui ne cesse de menacer la crédibilité des institutions, que ce soit dans leurs actions politiques ou même économiques. L’expérience récente du boycott de certains produits lancé sur les réseaux sociaux, principalement initié par une population jeune, est d’ailleurs symptomatique de cet état des lieux…